[Recommandation] Vatican Shadow
Le nom de Dominick Fernow circule depuis déjà bien longtemps dans la scène musicale expérimentale. Que vous le connaissiez par le biais de ses oppressantes sonorités sous le pseudonyme Prurient, par sa brève apparition derrière les claviers de Cold Cave ou encore pour ses délires électroniques avec Rainforest Spiritual Enslavement ou encore Vatican Shadow, il est facile de dire qu’il s’agit d’un artiste d’exception. Le musicien américain originaire du Wisconsin fait preuve d’une productivité phénoménale, avec plus d’une vingtaine de parutions depuis 2010 sous ce dernier alias, il est difficile d’imaginer quand il trouve du temps pour dormir. La majorité d’entre elles voient le jour sur sa propre étiquette nommé Hospital Productions, une maison de disques qui souffle d’ailleurs sa 20e bougie cette année. Ironiquement, c’est pour cet anniversaire qu’il quitte le confort du foyer pour s’expatrier vers un autre label bien connu de la scène électro, le mythique Ostgut Ton. Cette collaboration avec l’étiquette dirigée par la légendaire boîte de nuit allemande Berghain a de quoi surprendre la plupart des fanatiques de musique électronique. La lourdeur des thématiques sélectionnées par Fernow avec son projet Vatican Shadow ne laissait aucunement présager une telle alliance.
Le champ lexical de ses compositions flirte avec la guerre, la militarisation, le terrorisme, la politique et la conspiration. Les titres des compositions sont crus, évoquant fréquemment des événements ou des personnages réellement impliqués dans de nombreux conflits militaires, politiques ou sociaux. Comme pour l’ensemble de ses projets, cette forte imagerie contribue à la profondeur fascinante de ses œuvres. Celui-ci est toutefois beaucoup plus lourd sur papier que lorsque nous lui donnons du temps sur notre système sonore. Sa toute dernière offrande Rubbish Of The Floodwaters, parue le 12 mai dernier, est possiblement la plus accessible de sa carrière sous la bannière de Vatican Shadow. Les premières notes de la glauque introduction They Deserve Death révèlent une qualité sonore qui détonne du reste de ses albums, cette agréable surprise se poursuit sur les deux titres suivants qui proposent un techno sacrément efficace. Ce nouveau EP est une continuation exemplaire du magnifique Media In The Service Of Terror paru sur sa propre maison de disques l’an dernier. La production du musicien Joshua Eustis, de Telefon Tel Aviv, est certainement l’une des raisons derrière cette sonorité beaucoup plus propre et puissante qui contraste avec le reste de sa discographie.
Le concept enrobant le projet est un excellent résumé de la brutalité de l’être humain, cet assemblage d’histoires sordides colle étrangement bien aux rythmiques étoffées de Dominick Fernow. Il sait infuser un aspect surclassant la musicalité à ses compositions, cela procure une saveur toute particulière à son œuvre, peu d’artistes peuvent se vanter d’avoir une trame de fond aussi solide. Il n’est pourtant pas un adepte de l’actualité ou de toutes les théories qu’il évoque dans les titres de ses morceaux, mais plutôt un amateur de l’atmosphère que cela injecte à ses créations. Disons simplement qu’avec toutes les atrocités qui affligent la planète actuellement, Fernow devrait être bon pour pondre encore pendant plusieurs années, c’est ce qu’on peut appeler un mal pour un bien.
Pour l’un des meilleurs titres de sa carrière…
Pour un techno énigmatique…
Pour le reflet auditif d’une âme torturée…