[Recommandation] Karen Gwyer
L’histoire d’amour entre Karen Gwyer et moi perdure depuis sa majestueuse prestation lors du Mutek 2015. La talentueuse musicienne américaine, désormais basée à Londres, ouvrait alors pour John Tejada, Kiasmos et Rival Consoles, difficile de trouver un meilleur contexte pour un premier rendez-vous. Je n’avais alors entendu aucun son provenant de sa discographie avant de mettre les pieds dans la grande salle du MAC. Il m’aura fallu à peine quelques minutes pour comprendre que finalement… je ne comprenais rien à ses compositions. Sa fougue, sa technique de superposition des éléments et ses rythmes imprévisibles me laissaient bouche bée. Le coup de foudre était instantané, mon corps avait comme seul objectif de se dandiner sous cette rafraichissante avalanche de sonorités électroniques. Le public tout entier semblait se laisser surprendre par la maitrise et l’originalité de Karen, une artiste absolument unique dans cette sphère musicale ultra-saturée. Cette nouvelle fascination a pris d’autant plus d’ampleur lorsque je me suis plongé le nez dans ce qu’elle réalisait en studio. Son univers, inspiré par une éducation en musique classique, est aussi entrelacé par une grande influence de la richissime scène de Détroit des années 90, une combinaison qui a tout pour déconcerter. Cet anormal cocktail d’influences lui permet de fusionner les sonorités d’une manière plutôt anticonformiste, ce qu’elle reproche d’ailleurs au milieu de l’électro en général.
Son nouvel album Rembo vient tout juste de voir le jour sur l’étiquette Don’t Be Afraid, il vient évidemment donner du poids à ses arguments sur la rigidité de la communauté entourant la musique dansante. Avec des titres comme The Workers Are On Strike et He’s Been Teaching Me To Drive, il est inutile de nier sa capacité à faire bouger les corps. L’élément le plus agréable avec Karen Gwyer est sans contredit le facteur de réécoute, vous pourriez faire jouer l’album des centaines de fois sans en capter toutes les subtilités. L’amalgame de synthétiseurs se camouflant derrière les rythmiques principales est éblouissant, un véritable labyrinthe sonore se dresse devant l’auditeur. Ce nouvel opus est sans équivoque le plus homogène depuis la parution de Needs Continuum, chacune des pistes s’entremêle avec justesse et minutie. Il est plutôt rare de sentir un(e) artiste à ce point en possession de ses moyens, l’impression que plusieurs morceaux se superposent est un sentiment fréquent lors de l’écoute de Rembo, surtout sur Did You Hear The Owls Las Night?, alors que des mystérieuses voix nous hypnotisent entièrement. Je crois que nous pourrions justement baptiser son style comme du techno hypnotique, ses compositions ont définitivement un effet thérapeutique sur le cerveau. Je n’arrive même plus à comptabiliser le nombre de fois où j’ai fait jouer son fantastique EP Kiki The Wormhole pour effacer les dures journées passées sur cette étrange planète. Malgré l’amour inconditionnel que je porte à ses premières parutions, j’avoue avoir un faible pour ce qu’elle produit depuis deux ans, l’expérience acquise en prestation est palpable sur chacune de ses nouvelles offrandes. Karen est la preuve vivante que l’on doit faire ce qu’il nous plait malgré les nombreuses pressions qui nous entourent, car lorsque le talent, l’authenticité et l’effort sont au rendez-vous, le résultat ne peut être que fascinant.
Pour une escalade rythmique digne des plus grands…
Pour un agréable lavage de cerveau…
Pour une spirale vers le néant…