[Scène locale] CHRIST – C I N D E R
Au mois de mai dernier, la formation montréalaise CHRIST est revenue à la charge avec un nouvel album de quatre titres. C I N D E R constitue la deuxième parution du quatuor qui existe depuis 2014, il succède à l’excellent T O W E R, paru deux ans plus tôt. Suite au départ du guitariste Kevin Bartczak, également connu pour sa participation dans Near Grey, c’est avec un léger changement de personnel qu’ils nous offrent à nouveau leur musique majoritairement instrumentale. La patience est encore une fois de mise, car les compositions prennent le temps qu’il faut pour éclore. Prenons donc quelques minutes pour analyser cet album colossal de la scène québécoise paru sur Consouling Sounds et ODT Records.
L’ouverture de l’album surprend dès les premières secondes, une voix résonne, ce qui annonce peut-être une utilisation de la voix plus fréquente au travers de C I N D E R. L’angoissant sample vocal nous guide tout doucement vers les martèlements précis du batteur. La mélancolie ressentie sur les compositions du premier opus semble s’être métamorphosée en confiance déstabilisante. Leur savoureux amalgame de post-rock expérimental ne m’a jamais apparu si efficace, le groupe montréalais sait très bien ce qu’il fait et il semble en pleine possession de ses moyens. L’enivrante mélodie créée par la combinaison de la batterie et des guitares forme un front uni du début à la fin, l’album s’amorce d’une bien belle façon avec un véritable monolithe.
La douce finale du premier morceau nous dirige avec calme vers la suite. E P O C H représente la pièce la plus courte de l’album, mais elle est néanmoins merveilleusement bien balancée. Les vibrations créées par les lamentations de guitare sont envoûtantes, la structure évolue avec finesse vers un résultat qui s’inspire davantage des piliers du genre. L’intensité grimpe constamment et met en place une douce harmonie à mi-chemin, quelque chose de très cinématographique en jaillit. Malgré sa longueur, ce titre n’est définitivement pas un interlude, la complexité et l’ambiance y sont trop uniques pour ne pas l’apprécier à sa juste valeur.
Une mystérieuse sonorité enrobe l’introduction du troisième morceau, elle rappelle le bruit d’un vieil appareil électronique en fin de vie. H O R D E s’annonce comme le morceau le plus expérimental jusqu’à présent. Quelques instants plus tard, l’arrivée inattendue des guitares sonne la charge, le son est d’une richesse émotive rarement égalée. Il n’est pas surprenant de voir que C I N D E R a été enregistré par Howard Bilerman au mythique studio de l’Hotel 2 Tango à Montréal. Ce n’est jamais une mauvaise idée de s’entourer de gens gravitant autour de la légendaire étiquette Constellation Records. Cependant, l’élément qui étonne davantage est l’apparition soudaine d’une voix claire et évidente en fin de morceau. Une surprise de taille, puisque CHRIST utilisait le chant d’une manière très effacée jusqu’à ce point de leur carrière. C’est une nouvelle fenêtre de possibilités qui s’ouvre avec ce surprenant élément, ils ne devraient pas hésiter à le mettre de l’avant pour l’avenir de la formation.
Le dernier titre et non le moindre. Du haut de ses vingt minutes, T O W E R est sans contredit la pièce maîtresse de l’album. Sa simplicité n’a d’égal que sa profondeur sonore, chaque élément respire, tout est méticuleusement calculé. La vaste expérience des musiciens est palpable sur chaque battement, sur chacune des lointaines mélodies. Ce fantastique segment ambiant de plus de douze minutes nous expédie avec justesse vers l’un des grands moments musicaux de l’année. La cadence se fait littéralement écraser par un astéroïde débordant de distorsion, cette lourdeur se ressent jusqu’au plus profond de nos organes. C’est ce qu’on appelle communément passer au second niveau, la finale de ce titre est grandiose. C’est une répétition digne des plus grands, cette patience aura définitivement été payante pour les auditeurs les plus avertis. Si vous étiez confortablement installés dans votre sofa pendant les dix premières minutes, c’est impossible de ne pas sursauter lorsque l’intensité chavire. Une expérience qui vaut l’achat de l’album à elle seule, vivement la suite pour cette jeune formation montréalaise. Ils sont parvenus à trouver leur propre sonorité et à entièrement déjouer nos attentes.
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Paru le 27 mai 2017 sur Consouling Sounds et ODT Records.
- Révision du texte par Geneviève.