[Entrevue] Lux Magna
Il n’y avait pas meilleur sujet pour notre prochaine entrevue que celui-ci. Ce nouveau festival arrive par surprise dans le paysage culturel montréalais et fera le plus grand bien à notre moral lors de la période la plus creuse de l’hiver. Une panoplie d’événements vous sera proposée du 25 au 28 janvier prochain. Il est pratiquement impossible de ne pas être intéressé·e par au moins l’un d’entre eux. Afin de vous aider à y voir un peu plus clair, nous avons cru bon de rencontrer Amélie, l’une des membres de l’équipe du Lux Magna.
Pour éplucher la programmation, c’est ICI.
Tout d’abord, félicitations pour la mise sur pied du festival. Le concept déborde de vivacité et nous avons très hâte d’en faire l’expérience à la fin du mois. Afin de bien entamer l’entrevue, pourrais-tu décrire à nos lecteur·trice·s le solide mandat qui s’accroche au Lux Magna? Quelle est la colonne vertébrale du festival, sa raison d’être?
Nous avons plusieurs raisons d’être. L’une de nos idées principales était de faire un événement au beau milieu de l’hiver qui nous réchauffe un peu. C’est un mandat assez simple: faire une grosse fête au moment où l’hiver est vraiment dur, c’est-à-dire à la fin de janvier ou début de février. Nous avons finalement choisi la dernière fin de semaine de janvier. L’objectif est de présenter des artistes qui nous plaisent dans une diversité de genre qui est voulue, des artistes qui parleront à tout le monde et qui amèneront des gens différents écoutant des musiques de tous les styles à se rassembler durant un week-end dans certains lieux de Montréal. Donc ça, c’est le mandat principal.
Nous avions également envie de faire quelque chose qui est centré sur les artistes d’ici. Nous trouvons que nous avons un réservoir de talent immense à Montréal et que nous n’avons pas spécialement besoin de chercher à l’extérieur pour organiser des choses. Ça peut être un bon moyen de faire découvrir des talents locaux à un public qui ne les connaît pas forcément. Nous voulions, dans cette idée d’inclusivité et de rejoindre tout le monde, que ce soit accessible en terme de tarification en proposant des prix assez bas. Si jamais nous arrivons à prolonger l’année prochaine, nous ferons des tarifs encore plus bas que ça. Donc l’idée est d’avoir un gros rassemblement d’artistes et de gens de Montréal pendant quelques jours à la fin de l’hiver pour se tenir au chaud en écoutant de la nouvelle musique. Nous désirions aussi que ce soit multidisciplinaire, nous avons évidement une dominante musicale parce qu’il y a une majorité de musicien·ne·s dans le comité, mais nous souhaitions une rencontre entre les arts et les genres.
Une impressionnante et reluisante équipe se dissimule derrière l’organisation de cette première édition. Peux-tu nous glisser quelques mots sur ton implication personnelle dans ce projet et aussi nous présenter brièvement tes collègues?
Pour mon implication personnelle, je travaille dans le domaine de la musique à Montréal et je suis promotrice. Je fais pas mal de tâches de programmation et de coordination générale, mais chacun·e de nous fait un peu de tout dans le comité. Je ne sais pas vraiment si nous sommes un collectif, une équipe ou un comité, l’important est que tout le monde s’implique à la hauteur de ce qu’elle ou qu’il sait faire ou a envie de faire, car c’est complètement bénévole en fait.
Il y a Kiva Stimac, qui a créée le Suoni Per Il Popolo, la Casa del Popolo, la Sala Rossa et la Vitrola. Elle est une formidable artiste graphiste qui a fait l’affiche et les visuels du festival et qui est assez connue à Montréal pour ses visuels de posters. Tout ce qu’elle fait a une créativité immense. Elle Barbara, dont le groupe est J. Ellise Barbara’s Black Space, est une artiste très impliquée dans la scène montréalaise et elle a programmé deux soirées pour le festival, Prise d’Opposition et Shemale Reprezent!.
Nous avons Ora Cogan, une artiste musicienne qui vient de Vancouver, mais qui vient d’emménager à Montréal, qui entre autres, fait beaucoup de promotion et de relations presse pour le festival et qui fera une très belle collaboration qu’elle a montée elle-même. Magassy Mbow, quant à elle, fait partie de Strange Froots et est aussi une artiste très active dans la scène montréalaise. Mags a réalisé beaucoup de visuels en ligne (notamment les calques Lux Magna) sur les médias sociaux et le site. Elle a aussi programmé beaucoup de concerts. Mars Zaslavsky est une étudiante de McGill qui est passionnée par la musique et les activités culturelles et qui a plein d’idées formidables. Elle a notamment travaillé sur les activités pour enfants, et m’aide beaucoup sur la logistique.
Julie Richard, une formidable musicienne très impliquée dans la scène montréalaise, a entre autres travaillé sur la soirée Battle of the Brass Bands avec Sonya Stefan et Sasha Kleinplatz, qui sont deux artistes plutôt axées sur la danse et l’audiovisuel. Elles ont travaillé sur l’intégration de la danse dans le festival et elles ont aussi monté le show Family Style où il y aura des adultes et des enfants. Pour terminer, il y a aussi Camille Larrivée du collectif Unceded Voices.
Plus d’une vingtaine d’événements se dérouleront du 25 au 28 janvier prochain. Plusieurs seront gratuits, adressés aux enfants et adolescent·e·s ou encore à la promotion de la diversité sexuelle, de couleur et de genre. Je n’ai personnellement jamais vu un festival s’efforcer autant à proposer une telle diversification et accessibilité à toutes et tous, quel est le principal défi qui se cache derrière l’organisation de quelque chose d’aussi inclusif?
Nous ne nous donnons pas une mission de diversification, cela n’a pas de sens pour nous. Nous sommes simplement un comité regroupant plusieurs personnes et nous avons toutes et tous des goûts différents. Il y a certaines choses qui nous parlent plus à cause de nos parcours différents et à cause de qui nous sommes. Ça aboutit effectivement à un festival assez divers en termes de genre, de couleur ou d’orientation sexuelle. L’essentiel pour nous, c’est de présenter des projets qui nous semblent intéressants.
Sur la diversification des genres d’art, c’était volontaire. Ça pose quelques défis de coordination et aussi pour trouver le bon moyen de s’adresser au public, c’est-à-dire que nous espérons que tout le monde aura accès à l’information, c’est un peu le principal défi. Sinon, c’est un peu juste du fun, car c’est assez sympathique de programmer plein de choses différentes et de travailler avec plein de gens différents.
Différentes formes d’art seront proposées lors du Lux Magna: musique, danse, expositions, spoken word, concours, etc. Est-ce que ce fut difficile au niveau de la logistique de rassembler toute cette variété derrière un seul et même projet?
Nos problèmes de logistique viennent surtout du fait que nous en sommes à une première édition et que nous avons absolument zéro budget. Comme toutes les premières éditions, nous nous sommes pris·e·s au dernier moment. Nous en avons parlé pendant beaucoup de temps et, au bout d’un moment, nous avons fait «Oh, c’est déjà la mi-novembre, le festival est dans deux mois!».
Nous verrons après, c’est toujours le grand inconnu de savoir si nous aurons beaucoup de participant·e·s aux activités pour enfants, si beaucoup de jeunes s’inscriront au Work Camp. Lorsqu’on voit l’exemple de l’atelier de poésie qui est déjà complet, ça me donne confiance, donc voilà, on verra bien.
Il y a indéniablement une volonté de combler un manque dans la scène musicale montréalaise. Qu’est-ce que tu espères que le festival aura comme effet sur le public et surtout dans le milieu du spectacle en général?
Un manque? Tu veux dire en terme de quoi?
C’est un festival qui se veut très diversifié, il pourrait aider à réduire l’omniprésence des hommes dans le milieu et l’industrie. Quand nous allons dans des spectacles, c’est notable qu’il y a beaucoup plus de blancs. Il y a aussi des gens qui ont peur de venir dans certains événements. Est-ce que vous souhaitez un peu basculer cette situation?
Oui et non, mais c’est certain que ce n’est pas un hasard que, cette année en tout cas, dans le comité nous soyons que des femmes ou des personnes non binaires. Effectivement, il y a une volonté, pas forcément d’envoyer un message clair, mais juste de commencer à avoir une influence. Nous le disons assez bien dans le mandat, nous voulons juste faire des choses pour que le monde soit différent dans plusieurs années. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas de faire une démonstration maintenant, c’est juste de commencer à faire les choses de la façon dont nous avons envie qu’elles soient faites.
C’est sur, il y a forcément la volonté de montrer toute la richesse de la scène locale, qui est parfois sous-estimée à mon avis. Je pense que nous faisons le pari que des affiches complètement locales intéresseront le monde, nous verrons si nous avons raison ou pas. Oui, il y a forcément une volonté de montrer une certaine richesse qui est parfois sous représentée, de changer les choses, nous verrons bien. Donc, nous présentons des projets qui nous semblent intéressants et qui représentent effectivement une certaine diversité. Sans volonté de tokeniser, l’idée principale est de faire quelque chose qui est amusant et si les gens se rendent compte qu’un festival organisé essentiellement par des femmes et avec essentiellement des artistes non blancs ou non hommes c’est plaisant et bien tant mieux.
L’aspect visuel est éclatant, le design regorge de vie et de couleurs, il décrit remarquablement l’esprit qui se cache derrière le festival. Pourrais-tu nous parler un peu plus de l’artiste à l’origine de ce concept magnifique?
C’est Kiva Stimac de Popolo Press qui est derrière le visuel, le logo et la galaxie. C’est elle qui a fait l’affiche et qui a fait toute une série de logos qui est sur le site internet, ceux dont nous nous servons globalement. C’est inspiré par les thèmes qui nous parlaient pour ce festival et qui sont aussi les thèmes du nom du festival: le cosmos, l’hiver lumineux et les choses un peu pagan. Ensuite, les calques avec les photos des artistes superposées avec le logo du festival, c’est Magassy Mbow qui a fait ça. Elle a fait un excellent travail qui définit et qui donne tout de suite une identité au festival.
Sur une base un peu plus personnelle, est-ce qu’il y a un événement en particulier que tu nous recommandes absolument de ne pas rater, un incontournable?
À partir du moment où ça commence jusqu’à la fin, je vous conseille d’être là! Je ne peux pas recommander des événements plutôt que d’autres, car je les trouve tous super. Je pense que ça dépend un peu de vos objectifs envers le festival. Si jamais vous voulez faire une grosse fête, je pense que les deux événements à ne pas rater sont le vendredi soir à la Sala Rossa, la bataille des Brass Bands, dont nous ne parlons pas trop, car il y aura une surprise, mais ça va être assez fou. Il y a une vraie idée artistique derrière, enfin c’est quelque chose qui n’a jamais été fait, ça va être vraiment intéressant. Les Brass Bands que nous avons invités sont fous, ça va vraiment être une partie du tonnerre. Le lendemain, c’est Shemale Reprezent! qui sera super aussi pour danser et s’amuser.
Si jamais l’objectif est de découvrir des artistes locaux, je conseillerais plutôt de choisir les shows à la Casa del Popolo et à la Vitrola où nous avons vraiment des affiches avec des artistes que nous voyons souvent à Montréal, mais qui sont présenté·e·s de façon originale. Ça dépend vraiment des genres de musique que vous voulez entendre, car nous avons un peu de tout. Sinon, pour des événements plus uniques, que nous ne voyons pas beaucoup, il y a le jeudi et le dimanche à la Sala. Le jeudi, c’est cette grosse soirée avec douze artistes sur six heures avec six genres musicaux différents pour une cause politique et caritative. Le dimanche, nous avons la soirée collaboration avec des choses qui n’ont jamais été faites avant. Les Lux Magnets, qui sont notre programme éducatif, ouvrent l’événement et elles n’ont jamais joué ensemble. Elles vont faire un morceau que Mags, qui sera leur mentor, va les aider à créer. Ensuite, nous aurons les femmes et personnes non binaires du programme électroacoustique de l’Université Concordia. C’est encore là la même situation, elles n’ont jamais performé sur scène auparavant. Après, nous aurons la collaboration avec des gros noms de la musique expérimentale montréalaise, dont Ora Cogan, Robin Wattie de Big ‡ Brave, Jessica Moss, Joni Sadler de Lungbutter, Joni Void et YlangYlang. Ce sera leur première fois ensemble également.
Comme tu occupes déjà un poste pour le Suoni Per Il Popolo, ce qui demande sans aucun doute beaucoup de temps et d’efforts, d’où te vient cette motivation de t’impliquer dans un autre projet de cette envergure?
Le Suoni c’est en juin et le Lux Magna en janvier, donc ça me laisse du temps! J’en profite pour dire que les deux structures sont complètement séparées. Dans Lux Magna, nous ne sommes toutes que des bénévoles. Et puis, ce n’est pas le même projet artistique, je pense que c’est clair. Personnellement, j’ai effectivement profité du fait que c’est plus calme pour le Suoni en hiver. C’est un équilibre qui est assez intéressant, car ce n’est pas les mêmes projets du tout et en travaillant sur l’un parfois, j’ai des idées pour l’autre. Je me dis que ce qui n’ira pas pour l’un des deux pourrait bien aller pour l’autre festival. Je me sens très chanceuse de travailler sur ces deux festivals là.
Pourquoi avoir choisi cette période de l’année pour le déroulement, est-ce une décision stratégique ou simplement un certain hasard?
Ce n’est pas du tout un hasard! Il y a évidemment une partie stratégique parce que c’est plus facile de lancer un nouveau festival en janvier qu’en juin ou en juillet par exemple. Il y a beaucoup moins d’offres. Il y a aussi le fait qu’on s’ennuie au mois de janvier, il fait froid, nous n’avons pas grands choses à faire et qu’il faut vraiment se motiver pour sortir. Si c’est un peu banal, nous ne sortons pas, je pense que nous sommes toutes et tous pareils.
La dimension de jour avec les activités dans la journée a été aussi très forte parce que des membres du comité, par exemple, disaient qu’elles ne savaient pas quoi faire avec leurs enfants les weekends d’hiver. Elles adoreraient qu’il y ait des événements qui se passent où elles peuvent faire des choses divertissantes avec ses enfants et nous avons dit «Bon, on va le faire!». Nous avons alors créé des activités pour les enfants. Nous avions vraiment envie de créer une rencontre, une animation au cœur de l’hiver.
Nous le souhaitons de tout cœur, mais si tout se déroule bien, est-ce qu’une deuxième édition est déjà dans votre ligne de mire? Quel est la vision et la mission à plus long terme de Lux Magna?
Comme je l’ai mentionné plus tôt, une deuxième édition est clairement dans notre ligne de mire, ce n’est pas une one off. Après, est-ce que nous allons réussir à le faire ou pas, c’est impossible à savoir. Nous ne savons pas du tout combien de personnes vont venir au festival. Sans présumer du tout ce qui se passera, nous avons envie d’emballer ça dans un rythme annuel. Nous pensons qu’il y a une place pour nous à la fin de janvier. Nous verrons ce qui marche cette année, ce qui ne marchera pas et nous ajusterons en conséquence. Nous avons envie d’aller vers plus d’interdisciplinarité. Nous avons programmé beaucoup de musique, car c’est plus facile pour nous, mais, l’année prochaine, nous travaillerons plus afin de présenter une grande variété de rencontres. Un peu comme nous l’avons fait avec le show Brass Bands où nous proposons de la danse et de la musique. Bien sûr, nous voudrions aller vers des tarifs encore plus bas pour faciliter l’accès. Pour terminer, j’aimerais simplement en profiter pour remercier nos partenaires, les artistes et les animateur·trice·s!
Nous te souhaitons une fantastique première édition, au plaisir de nous croiser lors de la multitude d’activités!