[Festival] Forte (2018)
C’est avec beaucoup de nostalgie que nous écrivons ces lignes, il y a déjà plus d’une semaine que nous avons quitté la magnifique et chaleureuse ville de Montemor-o-Velho où se tenait le Festival Forte au Portugal. C’est depuis cinq ans déjà que la petite communauté d’environ 25 000 habitant·e·s accueille cette célébration de la techno pour une fin de semaine de pure folie. Soyons honnête, il y a quelque chose de franchement irréel dans le fait d’assister à un événement prenant place dans une forteresse construite au 10e siècle, c’est pratiquement absurde. Nos attentes envers le festival étaient évidemment très élevées, nous voulions faire le plein de souvenirs mémorables.
En arrivant sur les lieux et en apercevant le château trôner sur la vallée, nous avons tout de suite su que les quatre journées passées au Forte seraient légendaires. Certes, il y aura eu le manque de confort, les très courtes nuits sur une surface inconfortable et la cacophonie permanente, mais il s’agissait des sacrifices à faire pour participer à cet événement grandiose à des milliers de kilomètres de la maison. De toute façon, comme nous nous le répétions constamment, nous n’étions pas au Portugal pour dormir!
Photo: Extrawelt
Jour 1
L’idée de franchir les portes du château s’élevait au même titre que l’attente d’un enfant le soir du réveillon. L’excitation fusait à l’approche de l’heure fatidique, mais il aura fallu s’armer de patience, car la porte était coincée… C’est avec l’aide de plusieurs autres festivalier·ère·s que nous avons finalement pu ouvrir le portail qui menait aux festivités, notre quartier général des jours à venir. Nul besoin de vous dire que les premières minutes étaient plutôt irréelles.
Assez discuté, place à la musique maintenant. C’est l’excellent projet Pantha du Prince qui avait l’immense tâche d’ouvrir le bal et il faut dire qu’il aura réussi avec fougue. Accompagné à la batterie par Bendik HK, les deux musiciens ont littéralement mis le feu à la forteresse avec une performance haute en couleur qui aura permis de nous donner un bel exemple de la qualité sonore et de l’immensité des projections qui défileraient devant nous. Toutefois, le moment marquant de cette première nuit a été sans aucun doute la fabuleuse prestation de l’artiste autrichienne Electric Indigo que nous avions eu la chance de voir une semaine auparavant à Montréal durant le Mutek. Elle nous a offert une techno acide débridée et dansante, un set bien différent de celui de la semaine précédente, mais toujours aussi efficace.
La suite de cette première nuit fut une histoire d’amour avec la bière portugaise, ou plutôt son prix dérisoire. C’est avec un peu d’excès que nous avons apprécié ce que Monolake, Umwelt et Stanislav Tolkachev avaient à nous offrir. La furieuse prestation de ce dernier fut d’ailleurs très difficile à encaisser pour un crâne amoché et tourbillonnant, bref ça faisait mal. C’était dommage pour celui qui terminait la soirée, le célèbre Oscar Mulero, mais nous avons dû abdiquer avant d’entendre les premières notes.
C’était très excitant d’apercevoir ce château en haut de la colline. Le premier soir, lorsque nous sommes arrivés dans la ville, je crois que nous avons eu un peu la même réaction. Nous étions subjugués, surpris de l’immensité du lieu et de la lumière flamboyante, traversant le ciel. Au loin, tel un refuge appelant ces soldats de nuit, le château était prêt à nous émerveiller par ses performances visuelles et sonores. – Laura
Photo 1: Château de Montemor-O-Vehlo / Photo 2: Pantha du Prince
Jour 2
Maintenant que nous savions à quoi nous attendre des lieux et de l’ambiance, il ne restait plus qu’aux artistes de nous surprendre et de nous faire voyager. Le timing était impeccable, car nous avions droit à la première mondiale de Time Machines de Drew McDowall avec les somptueuses projections de Florence To. Se faire heurter par des sonorités drone de cette qualité sur un système de son aussi puissant n’aura certainement pas été de tout repos pour nos tympans, mais chaque seconde en valaient entièrement le sacrifice.
C’est ensuite la prolifique DJ Anastasia Kristensen qui prenait le relais et elle aura réussi à nous faire sentir à la maison en mixant un morceau de Working Class Woman, nouvel album de la Montréalaise Marie Davidson. Finalement, comment ne pas être émerveillé devant l’un des grands de la musique électronique, j’ai nommé le légendaire Alva Noto? La richesse du son qu’il nous a balancé avait de quoi rendre l’ensemble des artistes jaloux·ses. Sans surprise, il s’agissait de l’un des moments forts de ce vendredi soir bien garni.
Les légendes de la techno s’enchaînaient ensuite pour la conclusion de cette deuxième nuit de folie. Deux des plus grands vétérans du style se préparaient à fouler les planches. Le Britannique Surgeon nous a servi une leçon avec des visuels à couper le souffle, tandis que le très efficace Function était fidèle à sa réputation dévastatrice. Nous avions déjà abdiqué lorsque François X et Antigone ont fait résonner les murailles, disons toutefois que nous entendions très bien le résultat depuis le confort de notre tente!
La programmation de ce deuxième jour était assez surprenante et audacieuse. Les projets comme ceux de Drew McDowall, Alva Noto et Apart + Amnesiac ont apporté un plus à la programmation et c’était bien malin de la part de l’organisation que de les planifier le plus tôt possible en soirée. Nous sommes définitivement passés par toutes les gammes d’émotions. – Laura
Photo 1: Drew McDowall / Photo 2: Anastasia Kristensen
Jour 3
Une aventure musicale qui s’étendait sur plus d’une journée nous attendait, c’était une première pour nous tou·te·s. C’était en quelque sorte la mission et l’objectif ultime du festival, le marathon final! Nous participons rarement à des soirées qui s’étirent jusqu’au lever du soleil, et encore plus dans le cas présent, mais nous nous faisions un devoir d’y aller jusqu’au bout pour celle-ci. Difficile de résister à l’enchaînement de prestations de la part de Lena Willikens, Blush Response, Adam X et The Hacker, une telle sélection n’est pas chose commune. C’est pourtant de cette manière que cette folle épopée avait débuté. Quatre sets bien différents les uns des autres, mais toujours très pertinents et invitant à la danse.
Le point culminant de cette nuit est cependant survenu entre 6h00 et 8h00. C’est la réputée DJ allemande Helena Hauff qui aura fait fuir la nuit, elle transforma la pénombre en lueur d’une manière inoubliable. Au risque de nous répéter, c’était absolument incroyable d’assister à un rave prenant place dans une forteresse et de voir le soleil se lever au-dessus de la scène. Il s’agissait certainement du moment le plus fort de l’événement, autant pour l’ambiance que pour sa fracassante sélection musicale, disons simplement qu’elle s’est autoproclamée reine du Forte avec son efficacité.
Même si le soleil commençait à être véritablement déplaisant, le français I Hate Models et le duo portugais Hedonic2 nous ont livré des performances complètement euphoriques. La chaleur insoutenable était de la partie, mais heureusement, le dancefloor s’est rapidement couvert de parasols grâce aux efforts de l’équipe d’organisation. Nous étions maintenant partiellement camouflé·e·s à l’ombre, il ne restait que la poussière à affronter. C’était plutôt difficile de respirer convenablement, mais l’intensité était à son paroxysme!
Les dernières heures s’annonçaient frénétiques avec l’enchaînement de Svreca, Neel et Donato Dozzy. C’est le légendaire producteur italien qui avait la difficile et prestigieuse tâche de conclure les festivités. C’est avec un DJ set de trois heures entièrement avec vinyles qu’il nous aura finalement assommé·e·s. Nous avions l’impression qu’il allait faire perdurer ce moment pour l’éternité. Heureusement pour nous, sa performance était sans faille. Sa sélection électro des plus énergique et efficace était la conclusion parfaite, cela demeurera un moment inoubliable.
Qu’y a-t-il de mieux après un rave de 24 heures? Et bien, c’est de revenir au camping pour nous rendre compte que les festivités persisteront encore jusqu’à cinq heures du matin! Honnêtement, mais qui sont ces gens qui ont encore l’énergie pour danser après tout ça? Ce sont probablement des surhumains. Nous leur levons donc notre chapeau, mais pour nous ce fut directement à la douche et au pays des rêves… – William
Photo: Helena Hauff
Camping
Le second volet musical du festival se déroulait sur la scène installée à l’intérieur du camping. Avec des artistes et DJs qui s’y exécutaient pratiquement 24 heures par jour, il était difficile de cacher notre mécontentement face à ce choix déplaisant de la part de l’organisation. Même si nous y avons fait de belles découvertes, notamment le collectif d’improvisation originaire de Lisbonne Desterronics, il était strictement impossible de prendre du repos ou de bien dormir avec ce bruit omniprésent. Heureusement que nous sommes tombés sur cet ensemble portugais qui constitue probablement l’une des plus belles surprises que nous avons eue au festival. Il s’agissait d’un mélange entre électro, dub et house, tout cela dans une ambiance décontractée. C’était la préparation parfaite pour le marathon de techno qui nous attendait le samedi soir!
Photo 1: I Hate Models / Photo 2: Desterronics
Pour conclure, disons simplement que le Forte est loin d’être parfaitement organisé. De nombreuses améliorations pourraient être faites pour rendre l’expérience encore plus agréable, mais nous nous souviendrons de cette fin de semaine pour le restant de nos jours. C’est un événement absolument unique mis en place par des personnes débordantes de passion, et pour note plus grand plaisir, qui ont d’excellents goûts musicaux. Si vous avez l’opportunité d’y assister dans votre vie, n’hésitez surtout pas, chaque dollar investi en vaut totalement la peine. Qui sait, à l’année prochaine peut-être?