[Entrevue] Transparente
Le tout nouveau projet de Nathalie Gélinas et Guillaume Cliche fait vibrer nos enceintes depuis l’automne dernier. Afin de mettre la table pour le lancement de leur premier EP Reflet violet, qui aura lieu le 11 janvier prochain à la Sotterenea, nous avons eu la chance de nous entretenir avec le duo Transparente. Une brève visite dans leur local de répétition aura permis d’en apprendre un peu plus sur l’univers sonore éclaté de la prometteuse formation.
Pourquoi ne pas prendre quelques instants pour lire notre entretien avant de faire le plein de décibels lors du concert de samedi prochain? En prime, faites-vous plaisir avec l’écoute exclusive de l’album, bonne écoute!
Nathalie, tu avais mentionné que l’envie de faire un projet davantage orienté vers la techno était présente en toi depuis longtemps. Puisque ce désir est maintenant assouvi avec Transparente, j’aimerais savoir comment cette association avec Guillaume est survenue?
Nathalie: Ça fait longtemps que je gravite autour de la gang de Musique Maison sans toutefois m’impliquer dans le projet, mais plutôt comme amie qui allait souvent à leurs soirées dans des appartements. Il y avait une partie de moi qui avait envie de faire de la musique plus électronique, c’est déjà ce à quoi je touche, mais du côté plus punk ou stoner de la chose. J’avais simplement envie de faire ce que j’aime, car c’est plutôt le genre de musique que j’apprécie dans mon quotidien.
Guillaume: Je me souviens que notre amitié a commencé à se forger au Rockfest de Montebello. Nous avons des ami·e·s en commun qui habitent à Gatineau (Violence) et on s’en allait dans un party là-bas en faisant un léger détour vers le festival pour une prestation. Nous n’avons fait que passer, mais c’était super plaisant, on était en backstage avec de la bière gratuite et on déconnait, parce qu’on n’avait rien à faire et qu’il faisait très chaud. Je crois que c’est à ce moment que nous avons commencé à être de véritables amis.
Vous semblez avoir du mal à déterminer le style de votre nouveau projet, comment le qualifieriez-vous?
G: Nous avons parlé de techno tout à l’heure, mais je ne trouve pas que ce que l’on fait se rapproche vraiment de ce style. C’est plutôt noise si vous voulez mon avis, mais pour Nath c’est beaucoup plus proche de la techno que l’ensemble de ses autres groupes.
Pour moi, la démarche est moins techno et plus expérimentale ou noise, mais est-ce qu’on pourrait jouer dans un rave? Peut-être, c’est juste qu’en ce moment nos prestations ne sont pas très adaptées à ça, il faudrait qu’on les retravaille. Le mariage entre le noise et la techno, ça fonctionne vraiment bien. Le noise seul, ça peut être un peu difficile d’approche parce que c’est du bruit, c’est très fort et il n’y a pas toujours de soucis de progression, c’est un mouvement contestataire qui refuse un peu la structure et c’est dans ta face. C’est une musique où la structure est un peu moins importante et je trouve qu’avec la techno, ça vient rendre l’écoute du noise un peu plus facile parce qu’on peut danser puisqu’il y a du rythme, c’est maintenant possible de bouger un peu. On peut donc accrocher les gens avec ça et je trouve que le mariage est parfait parce qu’à la base, la musique techno n’est pas une musique de notes, c’est une musique de son et le noise, c’est uniquement du son. Nous n’avons aucun synthétiseur, c’est seulement la voix, des pédales et c’est tout. C’est un peu ça le but du projet. C’était de ne pas avoir d’ordi, pas de synthétiseur. C’est du noise avec un drum machine, aussi simple que ça!
Dans cette optique, j’ai eu la chance de voir le concert que Guillaume a fait en duo avec Érick d’Orion. Le style me semble être exactement dans cette lignée, est-ce que Transparente est né d’un désir de continuer à faire quelque chose du genre?
G: J’ai bien aimé mon expérience avec Érick, mais la manière dont nous avons procédé était différente. Il faisait des jams de son côté et me les envoyait, ensuite je les reconstruisais pour leur donner une structure. J’ai étudié en musique alors j’ai le souci de la structure, c’est quelque chose que j’aime beaucoup travailler. J’avais adoré cette expérience même si c’était très difficile.
Avec Transparente, c’est Nath qui m’a proposé de faire le projet ensemble, j’avais entendu un set solo de sa part au Geist House l’an dernier et j’avais perçu que nos styles iraient super bien ensemble. Je me suis tout de suite imaginé faire les percussions et elle qui s’occuperait du bruit.
N: On en parlait déjà avant, mais ça ne se concrétisait pas. C’était la première fois que je jouais en solo et je pense que c’est ça qui l’a convaincu de faire le projet. Il m’avait déjà vue dans d’autres occasions, mais c’était plutôt rock ou punk, ce n’était pas un projet personnel et je chantais majoritairement dans ce temps-là.
Est-ce qu’il s’agit de votre premier projet en commun?
G: Oui! Tout s’est tellement bien passé, nous avons jammé une fois et nous avions déjà un album. La manière dont nous avons enregistré ne me donnait pas l’opportunité de pouvoir bien mixer, ça nous forçait à travailler avec quelque chose de très brut et de ne pas trop perdre de temps. Tout s’est déroulé très rapidement, deux semaines après notre première pratique notre album était aussitôt terminé.
Une fois sur scène, prévoyez-vous tenter de reproduire votre EP ou vous irez plutôt au feeling?
N: C’est impossible pour nous de le reproduire, donc chacun de nos concerts sera différent comme il y a une importante part d’improvisation dans notre musique. Les rythmes restent sensiblement les mêmes, mais la structure est beaucoup plus variable.
G: Nous avons des sonorités clés que nous essayons de retrouver pour faire un certain lien, mais le reste diffère. Chaque chanson a ses moments spécifiques et nous savons déjà quelles pédales seront utilisées, mais c’est absolument impossible de refaire l’album comme beaucoup d’éléments sont aléatoires et que je dois souvent me réajuster en cours de route.
Quelle est l’origine du nom Transparente et de celui de votre album Reflet Violet?
G: Nous voulions trouver un nom abrasif lors de notre premier brainstorm, mais à un certain moment je me suis dit que nous devrions faire l’opposé et y aller pour quelque chose de transparent. Nous avons simplement changé le mot pour le mettre au féminin. On cherchait trop à coller le nom à ce qu’on faisait et j’ai pensé qu’on pourrait faire le contraire.
N: Nous cherchions peut-être à y aller pour quelque chose de trop similaire à ce que nous faisions musicalement, un nom un peu plus dark. Je suis contente d’avoir opté pour l’inverse finalement puisque quand on y pense le visuel de l’album est composé de slime et de glitters, ce qui n’est pas très obscur.
G: C’est vrai que dans les glitters il y a une forme de noise et quelque chose d’un peu glitchy qui colle à notre musique. Le nom Reflet Violet est issu de notre background en arts visuels. Nous adorons les couleurs, d’ailleurs tous les titres des chansons sont liés à cette thématique. Notre dernière qui s’appelle Au revoir noir est peut-être une manière imprévue de rejeter cette étiquette dark.
Pour les gens qui ne vous connaissent pas beaucoup, pourriez-vous expliquer ce que vous faites concrètement dans le projet?
N: Je m’occupe des cris, sinon j’ai des pédales d’effet et des appareils fabriqués sur mesure. Je suis responsable de tout le bruit que vous entendez. Quand je regarde Guillaume travailler, je me dis que nous nous complétons vraiment bien. Il a un côté hyper structuré, il travaille extrêmement bien et le résultat est toujours très beau. Normalement, je suis habituée à des choses plus brutes et imprévisibles. Nos styles se balancent parfaitement et ça représente bien nos personnalités.
G: Je ne proviens pas du monde de l’improvisation comparativement à Nath. Elle a toujours été très à l’aise avec l’impro contrairement à moi, j’ai absolument besoin d’un plan de match. Quand nous jouons ensemble, j’essaye de suivre ses élans et de donner un souffle à ce qu’elle construit, c’est un peu plus ça mon rôle dans Transparente. J’adore jammer seul chez moi, mais quand je me retrouve devant des gens je deviens anxieux. Nath est la partie plus improvisée et moi la portion structurée. Nous avons trouvé un setup d’instruments qui nous convient parfaitement et que nous avons gardé depuis nos débuts.
Le lancement aura lieu le 11 janvier prochain, auriez-vous quelques mots à dire sur l’événement et ce que vous nous réservez pour l’occasion?
G: Nous sommes vraiment chanceux, car les groupes qui nous accompagnent sont complètement fous. Émilie Roby ouvrira la soirée avec son nouveau projet qui délaisse un peu la synthpop pour un truc plus exploratoire. Après ça nous aurons le duo Chabanel qui me fait capoter, ils font des prestations hallucinantes et ultra efficaces.
N: Nous avons rencontré Chabanel lors d’un concert dans le sous-sol du bassiste Gabriel. C’était lors d’une soirée super chaude et humide de l’été dernier, les plafonds dégoulinaient tellement c’était intense et que les gens étaient en feu. Ce fut une découverte magnifique.
G: Après eux, ce sera à notre tour de jouer et le projet SERIEU X terminera le bal. Il fera un duo avec un ami sous le nom de NIAISEU X, nous ne savons pas encore tout à fait en quoi ça consistera. Je ne suis pas inquiet que la soirée se terminera en force avec une grosse dose de techno. Nous sommes tellement contents d’être entourés de tous ses artistes, nous n’aurions vraiment pas pu demander mieux.
Êtes-vous un peu nerveux à l’approche de la date fatidique?
G: Quand je faisais mes projets solos plus dansants, j’étais souvent très nerveux, car toute cette pression de faire danser reposait sur moi. Ce sera plus agréable à deux, car je sais que Nath a une présence sur scène et un charisme énergisant. Je n’aurai donc pas tout le poids de faire lever le party sur mon dos, nous serons ensemble et ce sera beaucoup moins stressant.
N: De mon côté, ça ne me stresse pas du tout. Je trouve ça génial d’enfin pouvoir jouer et je suis certaine que ce sera vraiment le fun! Nous voulons développer notre chimie sur scène et essayer de faire plusieurs concerts durant l’année à venir.
L’album est paru de manière indépendante, je me demandais pourquoi ne pas l’avoir produit sur l’étiquette Musique Maison dans laquelle Guillaume est impliqué. Est-ce une volonté de te détacher ou tu trouvais que ça ne cadrait tout simplement pas bien?
G: Je pense que je voulais m’en détacher pour être honnête. Je reste dans Musique Maison bien sûr, mais la vocation de l’étiquette n’est pas tout à fait noise non plus. Je me suis occupé beaucoup du label dans les dernières années, mais j’ai un peu délaissé ce rôle pour faire mon truc en parallèle. J’ai l’impression que Musique Maison retrouvera son essence du départ lorsque c’était un projet à plus petite échelle qui était le visage d’un cercle d’ami·e·s qui faisait des soirées de manière intimiste. L’organisation de raves dans de véritables salles n’est peut-être pas ce que la plupart des membres du collectif avaient envie de faire finalement, il y aura sans doute un retour vers l’esprit familial.
N: Nous avons approché d’autres labels, mais comme nous n’avions aucun matériel avant celui-là, c’était difficile de les convaincre de sortir notre truc. Une fois que notre premier EP sera lancé, nous aurons quelque chose de plus concret. Il fallait le prendre sur nos épaules et montrer notre musique par nous même sans toutefois avoir de support physique pour ce premier album. Nous verrons pour la suite!
G: Nous avons parlé avec plusieurs labels et il semble y avoir eu un intérêt à travailler avec nous éventuellement, nous avons reçu de bons commentaires. Par contre, c’est difficile de trouver preneur quand le résultat est déjà masterisé, la plupart du temps ils aiment recevoir des démos et procéder à un échange.
Avez-vous des projets concrets pour le futur de Transparente?
G: Je pense qu’en 2020, nous allons pouvoir sortir quelque chose d’autre. Nous essayerons de trouver des avenues différentes pour développer le projet. Notre setup est très minimal donc ça peut tourner en rond, mais sincèrement nous n’avons pas vu le fond du tout pour le moment.
N: En même temps, nous voulons rester dans un certain esprit. J’ai déjà soulevé l’idée d’amener un ordinateur sur scène et nous avons rapidement décidé que c’était un non catégorique. Ça amènerait beaucoup d’ouvertures et d’opportunités, mais ce n’est pas dans notre vision. Nous attendons après le premier spectacle pour voir les lacunes et ce qui nous restera à travailler ensuite.
G: Je travaille toujours avec des ordinateurs et ce projet me permet de faire changement. J’avais l’envie depuis longtemps de faire de la musique de manière plus analogique, mais seul sur scène ça peut être très difficile. Il y a beaucoup de machines à manipuler en simultané et ça me sort en quelque sorte de la musique, je ne fais que penser au gear à gérer.
Le digital est plus facile à contrôler en prestation, mais je chéris beaucoup l’idée d’avoir un projet analogique. Dans les années 2000, je me suis acheté plein d’appareils analogiques, mais je n’ai jamais fait quoi que ce soit de concret vu la complexité d’utilisation sur scène. Avec Transparente, on dirait que c’est la bonne occasion de les ressortir.
Pour terminer, avec quels projets de rêve aimeriez-vous partager la scène un de ces jours?
N: Est-ce que j’ai le droit de dire Container même s’il joue la veille de notre lancement?
G: J’aime beaucoup le label Dream Disk Lab donc j’aimerais ça faire un show avec eux dans le futur. J’ai adoré l’album de Mothbot, nous lui avons demandé de jouer sur notre spectacle, mais il n’avait pas de local pour pratiquer si je me souviens bien.
Merci pour votre temps!