[Entrevue] InsideOut
Avec l’arrêt de tous les événements musicaux pour une période indéterminée, plusieurs artistes et mélomanes ont vu l’une de leurs occupations favorites disparaître en fumée. À défaut de pouvoir fouler le plancher des salles de spectacle, certaines personnes ont décidé de prendre le relais pour nous occuper l’esprit en ces temps de solitude et de confinement. C’est exactement ce que Geneviève et Hugo de InsideOut ont voulu faire en créant une audacieuse chaîne de live-streaming extrêmement productive. Il était alors impératif pour nous de nous entretenir avec eux afin de connaitre l’envers du décor d’un projet de la sorte. Bonne lecture!
Vous avez lancé la plateforme InsideOut presque immédiatement après la mise en place des mesures de confinement à Montréal. Est-ce que cette page dédiée au live-streaming est quelque chose que vous aviez imaginé précédemment à la crise?
Oui, c’est une idée que nous avions déjà eue, mais plutôt sous forme d’émission hebdomadaire en ligne qui allait mettre de l’avant des artistes issues de la scène de musique électronique locale. Avec tous nos projets personnels, ça devenait difficile de voir comment nous allions être en mesure de mettre cette plateforme en place sachant tout le travail qui se trouve derrière. Que ce soit pour la programmation, le visuel, la rédaction pour présenter les différents artistes ou la portion technique qui inclut les manuels d’instructions liés à la mise en ligne de DJ sets et de live set. Ça demeure un projet en soi, un travail qui est pas mal de l’ordre du temps plein. On le sait encore plus maintenant.
Geneviève: Voyant mon travail de décoratrice en cinéma s’interrompre le 19 mars et l’amour que je porte pour la musique, j’ai vite fait le calcul mathématique dans ma tête. Une chose était certaine, je n’allais pas passer le confinement chez moi à ne rien faire et surtout pas laisser mon entourage tourner en rond. Une façon plutôt instinctive de mettre en place ce qu’il fallait pour rassembler les gens qui m’inspirent dans la vie de tous les jours.
Hugo: Cette période de confinement a été pour moi l’occasion de mettre en place une façon de regrouper toutes mes connexions gravitant autour du milieu de la musique électronique et pour certains de reprendre contact.
L’équipe derrière le projet est relativement petite, pourriez-vous nous décrire les rôles de chacun·e et la mission principale qui se dissimule derrière cette idée ambitieuse?
Au départ, nous sommes deux, Hugo (Producer, DJ, technicien de son et régisseur de scène) et Geneviève (DA, décoratrice en cinéma, scénographe et enthousiaste mélomane). Ce projet n’aurait pas vu le jour sans la collaboration des différents artistes visuels, graphistes et photographes qui ont cru bon d’ouvrir cette fenêtre sur notre inside world.
Voyant ce qui s’en venait, on a pris le temps d’actualiser le concept que nous avions avec celui du confinement. Le dimanche 15 mars, on s’est fait un plan d’action. Le mercredi 18, on avait la liste d’artistes qu’on voulait approcher, l’identité visuelle, le compte Instagram et Facebook et un plan de publication. Le samedi 21, nous faisions le lancement de la plateforme depuis la maison avec Buisson, premier artiste invité et confiné, avec nous. Ce qui nous semblait la façon la plus naturelle, vraie et cohérente de partir le projet.
Vous diffusez des performances de manière presque quotidienne depuis plus d’une soixantaine de jours. Comment vivez-vous le défi de dénicher et de convaincre des artistes de faire partie de votre aventure sur une base aussi récurrente?
Depuis le début du confinement, nous sommes pour l’une des premières fois de notre vécu rattachés par le simple et même fait d’être seul, et ce, pendant une assez longue période de temps. Personne ne connaît encore la suite de l’histoire. C’est un peu flippant de réfléchir à tout ça, tout seul de son côté, sans avoir de contact avec les gens qui font habituellement partie de notre paysage quotidien. Les gens qui nous inspirent, les bons moments partagés en compagnie de ceux et celles qui ont, à un certain moment, partagé les mêmes intérêts que nous. Autant du côté des artistes invités que des spectateurs, ils ont eux comme nous ce même besoin d’être entourés.
Par le biais de InsideOut, on a tout simplement voulu regrouper ces mêmes personnes, à travers la musique qui y est partagée. Simple geste généreux et convivial. Ça se ressent et ça se reçoit. Ç’a été assez pour que les gens aient envie de participer. On ne le répétera jamais assez. Le but n’étant pas d’en faire la promotion de soirées, mais plutôt de retrouver un semblant de quotidien qui fait du bien. On n’a rien à faire d’autre que de partager le moment présent pour l’instant. Tout en essayant de connecter et de rester connecté avec ce qu’on a connu du monde d’avant.
Vous avez fait face à des problèmes de droits d’auteur en raison de certaines pièces jouées durant les DJ sets. Comment avez-vous ajusté vos méthodes et trouvé la force de recommencer votre page suite à la fermeture de celle-ci?
Lorsque nous avons commencé la mise en ligne du projet, nous sommes vite montés en nombre d’abonnés. L’engouement pour l’effet de nouveauté et le sentiment de privilège ressenti à travers l’expérience des artistes (DJ set, live set) et celui des spectateurs étaient à son climax. On n’avait jamais trop assisté à ça en dehors d’un contexte payant ou de soirées comme Boiler Room par exemple, pour ne pas la nommer. Toute cette immersion dans le merveilleux monde de la musique électronique, à différentes heures de la journée, sur une seule et même page, accessible à tous. Ça a fait son temps, mais on est vite passé à autre chose. Facebook n’étant pas un média de diffusion de live-stream à la base, les règles sur les droits d’auteur ne sont pas adaptées à ce genre de proposition. Ce qui justifie le blocage de notre première page. L’ouverture d’une autre page n’a fait que nous permettre de consolider la façon dont nous voulions faire les choses par la suite. Qui se résume en gros à ceci:
Approcher les producteurs, les diffuser directement sur la nouvelle page en mettant de l’avant le caractère singulier de ces derniers et diffuser les artistes proposant des DJ sets sur la plateforme Twitch. Un compte YouTube a aussi été créé pour regrouper l’intégralité des artistes qui y ont participé. De cette façon, on peut continuer de proposer une programmation à la fois diversifiée et pointue et permettre de différencier plus facilement les genres musicaux programmés.
Y a-t-il un désir de perpétuer l’expérience une fois que la pandémie sera derrière nous ou comptez-vous plutôt transporter le concept dans de réelles salles de spectacle? Croyez-vous au potentiel de survie de plateformes comme la vôtre après cette crise?
Certes, ce que nous avons mis en place et expérimenté sur Insideout – comme d’autres plateformes créées par les différents acteurs de la scène durant le COVID – nous aura permis de nous inspirer d’une nouvelle façon de consommer la musique et de vivre l’expérience d’une représentation artistique.
Pour l’instant, nous n’avons pas de date fixe quant à l’interruption même des sessions InsideOut. L’avenir du milieu culturel étant encore incertain, il nous est difficile de nous projeter sur la forme que peut prendre le projet une fois les rassemblements permis. Une chose est certaine, c’est qu’il y aura probablement une suite.
Merci pour votre temps!
- Révision du texte par Sandra.