[Entrevue + Exclusivité] Elyze Venne-Deshaies – Les grandes solitudes des femmes sauvages
C’est avec beaucoup de fébrilité que nous avons le privilège de vous présenter en exclusivité le tout premier album de l’artiste montréalaise Elyze Venne-Deshaies, intitulé Les grandes solitudes des femmes sauvages. Alors que la parution prendra vie le 30 mars prochain via l’étiquette Small Scale Music sous la forme d’un zine alliant musique, littérature, poésie, photographie et dessin nous avons eu l’occasion de poser quelques questions à Elyze concernant ce projet des plus fascinants. En plus de discuter amplement de LGSFS, nous abordons le sujet des sessions Live in Concrete, un album collaboratif avec Marilou Craft, l’implication dans les Productions de la Loba, les soirées LUNES, le futur de DARKWINDS et bien plus encore. Bonne écoute et bonne lecture!
Tu fais partie d’une panoplie de projets musicaux différents et tu es impliquée dans la scène montréalaise depuis bon nombre d’années autant au niveau de la gestion artistique que de l’organisation d’événements ou de festivals. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de te lancer en solo et qu’est-ce qui t’a poussé à finalement faire le saut?
La question à 100 piasses! Bon, il faut dire qu’à la base je suis une interprète-pigiste et passer en mode artiste solo multidisciplinaire, c’est une autre game. De par mes expériences et mes formations, j’ai toujours campé des rôles de soutien même si j’ai souvent été une personne-ressource pour l’organisation et la prise en charge de multiples collaborations dont j’ai fait partie. Pour moi, ça a toujours été le trip de gang de jouer de la musique.
Maintenant spécifiquement à LGSFS, je suis arrivée à un moment de ma vie où j’avais besoin de vivre une création plus personnelle. Je ressentais le besoin criant de me rapprocher de ça ainsi que du dessin et de l’écriture; des hobbys que j’ai délaissés en entrant au Cégep en musique.
C’est en septembre ou octobre 2020 que j’ai réalisé que j’avais plein de nouveaux matériels sonores et un photoshoot dont Geneviève Alary (collaboratrice & photographe) et moi étions très fières. Ça et je réfléchissais à faire une demande de subvention. Je m’étais dit : “Je vais m’enregistrer. Ça va leur donner du matériel à jour et plus proche de ce que je veux faire.” Ça a donné LGSFS! Ça me fait bien rire; comment contourner son anxiété de performance comme une pro. Et je n’ai jamais fait cette demande de sub. J’ai fait mon album-zine à la place hahaha!
Au-delà de tout ça, je pense que ça reste très intime de présenter une œuvre en son nom et non sous la bannière d’un band ou d’une collaboration. Mon intimité, je la vis en secret. Pendant longtemps, ça m’a convenu. Faire un album solo ou un projet solo, ça voulait dire d’accepter le regard extérieur. Il est inévitable et incontrôlable. Honnêtement, j’en avais franchement peur. Sortir cet album-zine était synonyme de ne pas me conformer à ce que les gens pouvaient s’attendre. Éliminer les attentes d’autrui; de ne même pas y penser. Oblitérer les pressions extérieures et me concentrer sur ce que j’avais à faire no matter what the outcome.
La différence aujourd’hui c’est que je suis mieux entourée et c’est ça qui m’a permis de réaliser ce qui est devenu LGSFS. Ce sont des gens avec lesquels je me sens égale, auxquels je fais confiance et dont leurs valeurs humaines et artistiques rejoignent les miennes. Sans pour autant être identiques. La confiance est donc un gros facteur de réussite finalement.
Fun fact: “Les grandes solitudes des femmes sauvages” est le nom de mon EP inachevé de 2016. Il n’y a que le titre qui est resté. Ça s’est transformé en quelque chose de complètement différent. Je pense que j’essayais de me plier à des idées, des standards extérieurs à la création et ça m’a beaucoup mélangée.
© Photo: Geneviève Alary
Ton album paraîtra sous la forme d’un zine, mêlant ta musique à des œuvres littéraires et visuelles, et sera également accompagné de sessions lives. Pourquoi était-ce important pour toi d’offrir plus qu’un simple album musical et d’en faire un projet multidisciplinaire?
Trouver le plus de moyens possibles pour communiquer et partager avec les gens dans un contexte où nos repères n’existent plus ou sinon ne sont pas accessibles, ça semble être les défis de tous les changements que la pandémie a apportés et pas seulement dans le milieu culturel. La différence, je crois, est que dans le culturel, les arts servent de liant humain. Dans un monde où le contact entre personnes est limité, les arts sont assurément affectés à même leur essence. Ce qui pouvait être transmis dans un contexte de spectacles n’est tout simplement plus possible. L’innovation devient alors une forme de protestation.
J’aime partager avec les gens et la pandémie nous aura forcé à revoir et reconsidérer comment est-ce qu’on connecte entre nous. Il y a beaucoup d’activistes sociaux qui affirment que sans la pandémie, nous n’aurions pas pu avoir le #metoo en juillet passé. J’y crois. Je ne suis pas la seule à avancer que le milieu des arts avait bien besoin de cette pause forcée. Un moment donné être sur la brosse plus souvent que non, on vient à perdre le focus du pourquoi à la base on voulait être artiste. Ça remet en question la culture du bar et c’est correct de prendre un recul et de se poser ces questions nécessaires si on veut pouvoir guérir en tant que société.
Dans ce contexte sociopolitique complètement sans dessus dessous, mon processus créatif m’a amené à vouloir offrir quelque chose de plus profond. La quête du fame et de la reconnaissance est bien solitaire. Je le savais depuis longtemps que je ne faisais pas tout ça pour ça, mais je crois que je peux maintenant m’en détacher plus clairement. Il faut préciser que ça n’a pas rapport avec “avoir le sens du spectacle”, mais plutôt qu’est-ce qu’on présente au final et pourquoi; sur quoi on trippe collectivement et qu’est-ce que qu’on met de l’avant?
Again, je m’ennuie du Triangle, de la Brasserie Beaubien (RIP), du Café du Clocher à Alma, du Zaricot et de toutes ces salles indépendantes. Je leur dois pas mal tout et j’ai hâte à ce moment où se sera possible de refaire des shows sans les mesures de distanciation. Je suis admirative des personnes qui ont été de l’avant avec des festivals en ligne comme le Phoque Off, le Gala Dynastie et des séries de shows live.
Les spectacles me manquent profondément autant en tant que spectatrice, musicienne ou productrice, mais je me console en disant que j’en ai eu tellement que j’ai assurément du matériel de radotage pour mes vieux jours de rockeuse et qu’il y aura un nouveau temps où ce sera propice.
Pour LGSFS, utiliser les vidéos et le zine reflète mon intention de rejoindre les gens chez eux. Aborder des sujets qui se prêtent peut-être moins au feeling all in des spectacles et de toute une communauté qui se rencontre au même moment dans un même lieu. LGSFS c’est intime et je l’ai fait en prenant tout ça en considération. C’est une façon de me présenter d’une manière qui n’aurait pas été possible avant. Ça me permet d’embrasser cette curiosité du multidisciplinaire et ma volonté de m’assumer comme une artiste et pas seulement une musicienne-pigiste.
La poésie occupe une place importante sur Les grandes solitudes des femmes sauvages, autant dans la partie musicale qu’au sein du zine. D’où vient cette passion pour la poésie et pourquoi as-tu décidé d’épurer autant les prises de parole que l’on entend sur l’album, comme si la musique et le temps s’arrêtaient au même moment?
Cette passion de l’écriture a toujours existé, mais ne vivait que dans mon jardin intérieur. J’ai appris à écrire avant la maternelle et avant cela, je dessinais des phrases, une imitation naïve de l’écriture. Alors, dès la 1ère année, j’écrivais dans un journal intime. Avec le temps, c’est le rapport à la mémoire qui est venu structurer mes textes.
L’impression de pouvoir m’exprimer de manière créative sans le regard des autres et donc d’aller plus profondément dans mes sentiments m’habitait et motive encore mes moments d’écriture. De creuser, de me questionner, de me remettre en question ainsi que les autres sans la peur de représailles, de commentaires, de “bin voyons pourquoi tu fais pas ça de même”… Oh my God! Il n’y a rien de plus étouffant je trouve. La poésie me donne la possibilité d’explorer les mots, leurs sons et significations tout comme ma place dans le monde et mon identité en silence en premier.
Par rapport aux courtes prises de paroles sur l’album, j’aime bien que ce que tu as perçu c’est le temps et la musique qui arrêtent. Ce n’est clairement pas voulu à la base, mais ça fait du sens. Je crois que pour une musicienne, je suis particulièrement gênée d’utiliser ma voix. Ça semble venir de mon enfance et d’avoir l’impression que si je parle ma vérité, ça dérange et les bonnes filles ne dérangent pas. Oups, c’est raté. Hahahah!
C’est donc une première tentative de reconnecter avec ma voix, de la laisser vibrer et de l’accepter telle qu’elle est. Je me suis lancée dans le vide sous la suggestion de Raphaël Foisy-Couture d’avoir des courts passages a capella. Que ça soit suspendu dans les airs fait donc absolument du sens car les textes de ces pistes vocales apparaissent nulle part dans le zine. Cette voix est ma voix du présent qui relate mon passé, ma vingtaine, tant de relations importantes et de choix. C’est la voix d’une femme qui s’aventure à vivre comme elle n’a jamais eu l’impression de vivre. C’est la voix d’une survivante, mais ce n’est plus tout ce que je suis.
© Photo: Geneviève Alary
Ton album paraîtra sur l’étiquette montréalaise Small Scale Music, pilotée par Raphaël Foisy-Couture. Je me demandais ce qui t’a amenée à collaborer avec ce label et de quelle manière as-tu fait la connaissance de Raphaël?
2015 est une année de feu et de flammes littéralement: break-up très difficile d’une longue relation, le bloc où j’habitais a passé au feu et quatre déménagements plus tard, j’habitais au Réacteur Nucléaire, un loft d’artistes dans centre-sud qui existe encore d’ailleurs, mais qui a changé de vocation. J’allais déménager neuf fois entre 2015 et 2016. On top de tout ça, je vivais encore du TSPT et je m’étais faite mettre en dehors de mon band juste après notre lancement. Je considérais ces gens comme ma famille. Ça a été un coup dur. J’étais en perte de repères totalement et je cherchais fort à me trouver une place où je me sentirais un peu bien.
Raphaël et moi avons fait connaissance dans cette période houleuse de ma vie. À force de se croiser et d’échanger, Raph m’a tendu une main vers la musique improvisée en m’invitant à jouer avec lui à quelques reprises. Et my God! J’en suis reconnaissante. En faisant ça, il m’a ouvert la porte vers un milieu musical qui m’a permis de m’épanouir et de reprendre confiance en moi. Raph et moi partageons aussi une éthique de travail similaire et avons le DIY tatoué sur le cœur. Ça n’aurait pas été possible de réaliser «Les grandes solitudes des femmes sauvages» sans sa présence et sa façon de voir. Publier sur Small Scale Music est ce qui faisait le plus de sens. Cette période reste un morceau charnière de ma vie et le projet LGSFS le démontre bien.
Nous avons pu voir une prestation pour la série Live In Concrete (co-présentée par le FTA – Festival TransAmériques & Corne de brume) où tu joues en compagnie de Marilou Craft. Cette performance se veut un sublime extrait de votre album collaboratif Veiller le souffle paru en février. Peux-tu nous expliquer ce que représente cette union musicale entre toi et Marilou et comment avez-vous vécu l’expérience de performer pour cette superbe initiative de Vicky Mettler et Zachary Scholes?
Marilou, c’est grâce à Ève Landry – Les fausses vérités que je la connais. Je savais que Marilou avait fait des impros avec Tamara Filyavich (Tamayugé) et qu’elle s’était trempée les pieds dans la performance.
Humainement, nous avons cliqué dès notre première jasette pour un projet mis sur la glace dû à la COVID. Nous avons jammé quelques fois et quand Vicky Mettler (Kee Avil) m’a approchée pour participer à un vidéo Live In Concrete, j’ai tout de suite pensé à Marilou pour venir faire une performance avec moi. Nous avions aussi déterminé qu’elle n’avait pas besoin d’écrire un nouveau texte et que de revisiter un texte écrit au préalable était tout à fait justifié.
Alors, Marilou et moi avons enregistré l’album Veiller le souffle à mon local avec François Mackin (Destruction Derby & Lüger) pour faire une pratique en prévision de la session Live in Concrete. Ça s’est déroulé en une take de 30 minutes. Après notre feeling était tellement fort que nous avons conclu que nous devions aussi sortir ce morceau-dialogue avec la vidéo LIC. Nous sommes parties de cette session pour déterminer quel extrait nous allions faire. Marilou a donc retravaillé un peu le texte pour le garder cohérent puisqu’il serait hors contexte n’ayant pas le texte complet. Le vidéo LIC dure une dizaine de minutes, alors c’était nécessaire d’ajuster.
Cette union artistique m’est apparue comme un cadeau. Marilou est une artiste profonde et talentueuse avec une pensée articulée. J’espère que nous pourrons refaire des expérimentations sonores et théâtrales ensemble. Nous étions aussi très bien supportées par le FTA et Corne de Brume pour la sortie du vidéo ainsi que l’album. Nous avons eu du feed-back généreux pour une œuvre qui je crois demande de s’asseoir, d’écouter et de se laisser emporter dans l’histoire. Ça peut devenir inconfortable par endroit, mais c’est ça un peu le message sous-jacent; il faut vivre l’inconfort pour comprendre certaines choses.
Tu es la fondatrice des Productions de La Loba qui agit dans la production de spectacles, la gérance et le milieu d’agence d’artistes et dans la gestions des réseaux sociaux. Qu’est-ce qui t’a inspirée à te lancer dans ce domaine de la sphère musicale et comment restes-tu motivée en 2020/21?
Ce qui m’a inspirée? La frustration. C’est la frustration de constater le phénomène des cliques qui se reproduisait. Étant dans le DIY et l’émergence depuis 13 ans, ce qui me garde là c’est que je trippe à découvrir des bands, des artistes et que je me dis: “Wow, ça du potentiel.” et pas pour le profit, mais bien parce que je me dis : “Il y a de la relève. Il se passe de quoi d’intéressant.” Ça, c’est motivant. L’affaire c’est qu’un moment donné il y a des gangs qui ont tellement de fun ensemble – wich is fine, sauf que ce que ça crée, ce sont des groupes qui émulent la formule “Galaxie/Fred Fortin”: les mêmes gens rotationnent entre deux bands (ou plus) qui font les mêmes gigs, concours et festivals. C’est brillant, mais trop de bands avec cette formule, ça finit par créer un débalancement et une forme d’élitisme dans la scène culturelle émergente. Et ce phénomène est répandu en masse dans la scène musicale québécoise. En gros, ça aussi rapport avec le Boys Club et ça rend ça sélect.
En 2015-2016, je me suis beaucoup remise en question et j’ai fait le tri des 16 bands dans lesquels je jouais comme pigiste pour des salaires de misère – comme si faire partie d’un band cool, ça mettait de la bouffe dans le frigo ou que ça payait le loyer ou que ça aidait à prendre soin de sa santé mentale. Ça l’air que j’avais besoin d’aller voir ça par moi-même. Donc, j’ai fini par garder les bands avec lesquels je trouvais que les gens impliqués démontraient de la gratitude entre ielles.
Quand j’ai accepté que je vivais de la frustration vis-à-vis cette culture machiste de favoritisme, j’ai réalisé que j’avais deux choix; chialer ou faire de quoi. J’ai choisi la deuxième option. Ça me parlait plus d’être dans l’action, mais c’est sûr que je chiale pareil là. Je fais plus que ce que je chiale. Haha! Bref, c’est comme ça que j’ai commencé les Productions de La Loba et les soirées LUNES avec Melyssa Elmer, une personne magique qui me rend meilleure à tous les niveaux.
Avec la pandémie, j’ai mis la production et le booking sur la glace. Je continue de tenir mon rôle de gérante pour Destruction Derby. C’est bien sûr au ralenti et je crois qu’après leurs trois dernières années folles avec deux EPs et bin de la tournée de bar-spectacles, le break n’est pas un luxe. Sinon, je dirais que les gars ont fait de belles sessions dont deux en live au Petit Campus et au Studio de Rouen et une rediffusée avec Le Hall TV et captée chez Alex’s Room. Ce sont des opportunités qui se sont présentées grâce au travail fait en amont depuis trois ans. Je ressens beaucoup de gratitude envers tous les gens qui ont supporté mes idées de booking heavy-rock-expérimental avec des line-up inusités, mais j’avais mes idées et on m’a fait confiance. L’organisation, c’est une de mes qualités. Sauf qu’au début de 2020, j’étais rendue au bout du rouleau. J’avais besoin de prendre une pause. Je me le suis offert aussi. Je n’ai rien fait en booking – à part annuler une vingtaine de shows de bookés (ayoye j’en ai braillé une shot) et cette césure a duré cinq mois soit de mars à juillet 2020.
Avec LUNES, c’est là que ça brasse plus depuis la fin de 2020. Nous avons remis en branle notre présence sur les médias sociaux en transformant notre profil en pseudo vitrine culturelle afin de continuer notre mission de faire découvrir des artistes femmes, trans et non-binaires de la scène culturelle québécoise. Bon, ça arrive qu’on déborde un peu vers l’extérieur du Québec parfois, mais ça reste plutôt axé sur ce qui se passe dans la province. On présente des artistes de toutes les disciplines, on monte des playlists des sorties musicales de chaque mois, on recense les sorties littéraires, on tente de mettre de l’avant le plus d’artistes différent.es tout en restant alertes de notre privilège. Nous sommes plus en conciliation qu’en réconciliation car le gouvernement et donc bien des gens peinent à reconnaître le racisme systémique.
Alors, ce qui me motive plus intimement, c’est de rester à l’affût le plus possible de ce qui se fait et de faire un effort conscient d’élargir mes horizons. La musique fait de moi une meilleure citoyenne. Punk et citoyenne, ça l’air que ça se peut. Hehe!
Tu as participé au tout premier album, Mesures, que Simon Provencher lancera à la fin du mois de mars en jouant de la clarinette. Est-ce que la pandémie a rendu les collaborations plus difficiles ou au contraire, tu as eu plus de temps devant toi pour en réaliser?
C’était un projet carte blanche tellement inspirant. Ça m’a motivé à passer au prochain chapitre de mon travail de musicienne. Car, en effet, les collaborations ont été plus difficiles, c’est sûr. Il a fallu que je fasse la transition vers une autonomie technique et être capable de m’enregistrer pour pouvoir avancer. J’ai aussi la chance d’avoir un technicien de son comme partenaire de vie. Ma transition s’est faite tranquillement, avec ses conseils et j’étais rendue là. Il reste que j’ai eu beaucoup de belles opportunités cet automne. Je me considère chanceuse. D’enregistrer le projet de Simon m’a permis de réaliser que c’était une avenue viable et que ça pourrait me permettre dans le futur de prendre part à des collaborations qui nécessitent cette autonomie.
DARKWINDS, ton duo avec Véronique Janosy lancera son premier album en mai prochain sur Cuchabata Records. Est-ce que ce projet se trame depuis longtemps et à quoi pouvons-nous nous attendre pour cette parution que nous anticipons avec impatience?
Nous avons une musicienne invitée sur tous les enregistrements. C’est donc un album collaboratif DARKWINDS avec cette musicienne surprise. Je dirais aussi que c’est absolument organique car ce sont des enregistrements de jams pré-2020. J’ai fait un gros ménage dans mon ordi et j’ai trouvé des archives qui sonnent et dont le matériel musical était trop bon pour les laisser dormir. Je dirais que c’est un album introspectif non complexé. C’était important de sortir ça maintenant parce que je ne sais pas quand nous nous retrouverons sous la bannière DARKWINDS, Véronique Janosy (ma comparse trompettiste) et moi.
David Dugas Dion m’avait ouvert la porte par le passé pour notre duo. Ça fait du sens de le sortir sur cette étiquette indépendante. Ça reste un album raw, garage et noisy par bout et avec des envolées mélodiques, des loops et des drones; un bon match avec les autres projets hébergés sous Cuchabata.
© Photo: Geneviève Alary
Pour conclure, quel est ton secret pour parvenir à accomplir autant de projets en simultané et demeurer motivée malgré les défis pandémiques, mais aussi les nombreux challenges qui viennent avec le milieu de la musique expérimentale et underground (pertes financières, tournées éreintantes, etc)?
Ouhla! Humm… apprendre à dire non. En deuxième, réévaluer de temps en temps si mes activités sont cohérentes avec comment je souhaite vivre. En troisième, ne pas faire de multitasking. Éviter le multitasking comme si votre vie en dépendait.
Ça ne veut pas dire ne pas avoir plusieurs projets, mais plutôt se concentrer sur le moment présent et le projet entre vos mains. De profiter pleinement du processus. Bon, après ça, il y a les rushs et les imprévus normaux de la vie qui viennent rendent ça intéressant haha! C’est une recherche fragile d’équilibre.
Ça reste que je tente de démanteler les standards de performance qui glorifient sur qui nuisent à ma santé mentale et physique, car je dois apprendre à arrêter, ralentir, prendre des congés et accepter les limitations physiques bien personnelles qui influencent mon quotidien.
Les défis en musique existent peu importe le genre de musique qu’une personne fait ou dans quel cercle elle évolue. Personnellement, j’ai fait de la tournée au Québec majoritairement et en Ontario, très peu aux États-Unis et j’ai rapidement déchanté. Ça n’a jamais été un rêve de tourner partout dans le monde. La musique fait voyager et plusieurs façons existent pour atteindre cette liberté. C’est peut-être parce que je joue des instruments à vent et non de la guitare que je pense ainsi hehe… Tourner n’est tout simplement pas un objectif de carrière. Si un jour cette opportunité se présente, je devrai peser le pour et le contre. C’est très glamourisé.
Je pratique la musique depuis mes 8-9 ans. J’en ai 32. Ma vision de la musique, d’une carrière en musique, c’est de bâtir sur le long run. Alors, je dirais que de faire preuve de patience et de développer une discipline adaptée à soi-même – ne pas négliger les choses qui nous apportent de la satisfaction. Au fond, je joue de la musique et je fais de l’art parce que c’est ce qui me rend heureuse. Et ça, c’est ce qui est le plus précieux à mes yeux. C’est là où la cohérence réside chez moi.
Merci pour ton temps!