[Scène locale] Essaie Pas – New Path
Pour des raisons que j’ai encore du mal à expliquer, je dois avouer que je méconnais presque entièrement le duo montréalais qui fait écarquiller les yeux de la scène musicale électronique. Étant pourtant très assidu à l’endroit des différents projets que touche habituellement l’incomparable Marie Davidson, je crois que cette situation se résume simplement par un mauvais hasard. Il était toutefois hors de question que je reste dans l’ignorance presque absolue pour la sortie de leur nouvel opus intitulé New Path. Vous le présenter dans notre nouvelle chronique Scène locale devenait alors une évidence, mais aussi un défi quelque peu stressant.
Inutile de perdre mon temps à vous expliquer longuement que l’album est inspiré de la nouvelle A Scanner Darkly de Philip K. Dick. Cette information vous a sans doute déjà sautée aux yeux avec la pluie de critiques élogieuses qui émane depuis la sortie de l’album. Ce qui m’intéresse principalement à ce niveau est de constater que l’élaboration de cette production a été inspirée par la littérature et non l’image ou le son. C’est, à mon avis, quelque chose de beaucoup plus rare et intrigant comme méthode de création. Le duo peut scander mission accomplie car, soyons honnête, si l’écoute des six morceaux ne vous donne pas envie de plonger immédiatement dans la lecture du livre, vous n’êtes pas normal. L’univers sonore qu’Essaie Pas arrive à matérialiser sur New Path est absolument éblouissant, une aura angoissante et dense enveloppe l’ensemble des compositions.
Les hypnotiques pulsions rythmiques de Futur Parlé et Les Aphides forgent une solide identité à la première portion du disque. Ces savoureuses répétitions démontrent une fragile vitalité qui nous conduira vers un subtil et grandissant dérapage sonore. Marie Davidson et Pierre Guerineau amorcent un jeu de patience avec l’auditeur·trice qui deviendra progressivement euphorique. Cet album est en constante mutation et nous devons demeurer aux aguets. Malgré l’immense talent qui permet à la scène montréalaise d’être si unique, j’ai rarement entendu un album de cette qualité en ressortir. La production sonore est à couper le souffle. Le parfait équilibre entre les bribes vocales lancinantes, les expérimentations musicales et les segments plus énergiques nous force à abdiquer face à la créativité et à l’originalité débordante des deux artistes.
Des pièces plus éclatantes comme Les agents des stups et Substance M représentent de véritables perles. L’enchainement de ces deux entités se décrirait aisément comme une mine d’or qui ne pourra jamais être exploitée dans son entièreté vu sa richesse et son potentiel illimité. Chacune des écoutes révèle de nouvelles subtilités qui nous accrochent immédiatement un sourire aux lèvres. Ce périple électro-futuriste se finalise avec l’audacieux titre éponyme qui offre une conclusion pratiquement ambiante. Ce virage totalement impossible à anticiper met un frein à l’une de mes plus belles découvertes en ce début d’année. À l’image de l’œuvre qui a inspiré le concept derrière New Path, nous pourrons réécouter ce disque dans plusieurs années et constater à quel point il sera toujours aussi débordant de fraicheur et d’actualité malgré les ravages du temps.
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Paru le 16 mars 2018 sur DFA Records.
- Révision du texte par Geneviève.