[Scène locale] Chabanel – Play Queue
Avez-vous déjà entendu quelqu’un·e frapper sur une basse à coups de poing, de pied ou de tête? Eh bien moi non plus… Mais ça, c’était avant de voir la formation montréalaise Chabanel en concert. Après un premier contact avec Play Queue, leur plus récente parution, mes impressions étaient partagées quant à la musique créée par le duo. L’expérience m’a laissé perplexe et je comprenais mal où ils souhaitaient me porter avec leurs compositions. Cependant, leur prestation du 7 juillet dernier à La Plante m’a ouvert les yeux sur ce que représente réellement ce projet.
J’ai ressenti un certain inconfort à mon écoute initiale de l’album. Toutefois, l’occasion de voir et surtout d’entendre les deux artistes dans un contexte différent m’a démontré que cette sensation n’était pas négative, qu’elle n’avait rien d’anodin. Ce choc est déclenché volontairement et fait partie de l’essence même de Chabanel. Mais à quoi pourrait-on s’attendre d’autre d’un duo qui repousse les limites autant par ses méthodes de production surprenantes que par des sonorités originales et rafraichissantes? Play Queue est une déstabilisante expérience sonore pour le moins enrichissante.
Dans un monde où tout est faux, superficiel et axé sur l’apparence, ça fait un bien fou de s’apercevoir qu’il est toujours possible de découvrir des créations qui proviennent des tripes et du cœur. Ce qui découle de l’album émane d’un besoin de se faire entendre, d’une urgence de s’exprimer. Le résultat en est une musique sans douceur et sans détour; elle vous frappe de plein fouet, directement où ça fait mal. Cette énergie se traduit de différentes manières tout au long de l’album, mais reste perceptible; parfois par des rythmiques hargneuses, d’autres fois par le chant agressif et affirmé de Jordan.
Parlons justement de ce chant qui résonne avec beaucoup d’insistance sur Jamais, personne, Tes suggestions, Yearn et Body. Rarement auparavant avais-je entendu des incantations aussi directes et légèrement altérées. Malgré le peu ou l’absence d’ajustements faits à celle-ci, la voix se joint à des rythmiques grasses et fracassantes pour former de savoureuses mélodies. Nonobstant les allures peu soignées de la musique de Chabanel, des harmonies électroniques terriblement efficaces se font entendre, notamment sur le morceau final qui a réussi à m’arracher de nombreux déhanchements. Autrement, Le vide & l’attente constitue pour moi la trame sonore digne de l’arrivée imminente d’une catastrophe qui mettra fin au monde que l’on connait. L’apocalypse est à nos portes.
Les sons créés par le duo sont originaux, nul doute là-dessus. Mais que dire de leur manière de construire cette musique? L’authenticité ne manque pas et c’est ce que j’ai découvert en les voyant performer en direct. L’utilisation d’une basse en guise de percussions, que ce soit avec des bâtons ou différentes parties du corps, constitue un coup de génie. Les échos qui en ressortent sont excessivement atypiques et s’agencent à merveille avec l’ensemble sonore.
Si vous avez apprécié Play Queue et même si ce n’est pas le cas, je vous conseille de rester à l’affut de leurs prochaines dates de concert, car cela changera définitivement votre perception de ce projet montréalais extrêmement étonnant et attachant.
Pour acheter l’album, c’est ICI.
Paru le 9 mai 2018.
- Révision du texte par Geneviève.