[Scène locale] Les Hommes-Chiens – Achlys
Certains des plus beaux souvenirs de mes premières années à Montréal sont étroitement rattachés à ma découverte de la défunte salle qui portait le nom de Loft From Hell. C’est dans ce lieu mythique que j’ai pu me familiariser, entre autres, avec la musique expérimentale. C’est donc avec grand plaisir que je chronique aujourd’hui le nouvel album du duo Les Hommes-Chiens, qui découle du cercle de musiciens inspirants que j’ai eu la chance de rencontrer à cette époque déjà lointaine.
Avant de tomber dans l’analyse de cette nouvelle composition du projet expérimental montréalais, il est important de mentionner qu’il s’agit d’un album split avec le musicien irlandais Cathal Rodgers. C’est d’ailleurs lui qui ouvre le bal avec son monolithique morceau de près d’une trentaine de minutes. L’idée de cette association est tout simplement parfaite, le long drone parsemé de percussions qu’il nous propose est le massage idéal pour nos tympans.
L’introduction mystérieuse nous plonge au beau milieu d’une grotte froide et obscure, où des expérimentations douteuses semblent prendre place. Les oscillations sonores provenant des outils fusionnent avec une surprenante batterie qui retentit au beau milieu des abysses. Cela me rappelle sans équivoque certaines compositions de thisquietarmy, l’un des pionniers locaux en matière de musique ambiante et drone. Lorsque les percussions se dissipent, les créatures sortent de l’ombre. Le morceau Choaskampf devient alors un jeu de cache-cache entre les démons et le bruit des tambours. Il est évident que nous suivrons de près le travail de Cathal Rodgers après cette écoute remarquable, la découverte fut grandiose.
Une fois nos méninges synchronisées sur la bonne fréquence grâce à la première partie, c’est le moment de faire place à la musique brumeuse et inquiétante des Hommes-Chiens. Contrairement au morceau de l’irlandais qui était plus caverneux, celui-ci m’inspire aussitôt une jungle des plus sombres, en décrépitude. Nous sommes confrontés à ce qui pourrait être la trame sonore d’un rituel malsain prenant place au plus profond de la nuit. L’aspect extrêmement granuleux du son force les notes à nous heurter d’une manière sournoise. Les sonorités s’agrippent à notre peau et elles grimpent lentement le long de notre corps pour terminer leur course bien ancrées dans notre crâne.
Plus les minutes avancent, plus le morceau déraille. Nous avons même l’impression qu’il respire à une cadence de plus en plus élevée, comme s’il était vivant. Cet effet sonore est à la fois déroutant et fascinant, du jamais vu dans mon cas. Il est aisé de comprendre pourquoi le duo québécois qualifie sa musique de «résonance post-apocalyptique». En effet, c’est une lugubre euphorie auditive qui nous force à replonger dans nos idées profondément enfouies.
Si, comme moi, vous avez adoré votre écoute, vous aurez la chance de les voir à l’œuvre le samedi 22 septembre à la Casa Del Popolo dans le cadre de la Soirée Éthérée. Le nom de l’événement pourrait difficilement mieux refléter ce que Les Hommes-Chiens vous réservent.
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Paru le 18 septembre 2018.
- Révision du texte par Sandra.