[Entrevue] Women Rule The Music – Ela & Pulsatilla
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Les célébrations du quinzième anniversaire de Chez Kito Kat se poursuivent avec notre deuxième et dernière entrevue, réalisée dans le cadre de la série de podcasts Women Rule The Music. Cette fois-ci, nous avons discuté avec Ela et Lisa Pulsatilla qui ont toutes deux contribué au projet avec des enregistrements captivants! Productrice et DJ originaire de l’Argentine et maintenant basée à Bruxelles, Ela dévoile un énergique mix qui nous amène dans de nombreux recoins de la musique électronique. Pour sa part, Pulsatilla offre une fascinante captation live réalisée en compagnie d’Alicia Hush et d’Ellxandra, près de deux heures d’égarement musical des plus envoûtant. Bonne écoute et bonne lecture!
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Tout d’abord, je me demandais ce qui vous avait motivé à répondre positivement à l’appel de Salima pour participer au quinzième anniversaire de Chez Kito Kat Records et plus précisément au projet de podcast Women Rule The Music?
Ela: 15 ans d’existence d’un label indépendant est déjà une énorme raison pour soutenir, mais aussi avez-vous vu le titre de l’appel? Une très belle approche pour célébrer la musique! Ce n’est pas tous les jours que des opportunités se présentent pour générer ce type d’échange entre des femmes du monde entier qui en plus se consacrent également à différents styles de musique. C’est sur que CKK c’est une équipe et qu’il n’y a pas seulement Salima la Présidente-Fondatrice; mais c’est justement l’équipe de ce Label qui a décidé de fêter cet anniversaire en reconnaissant et en mettant en valeur la contribution féminine au projet et à la culture en général, et ça, ç’a ma forcément touchée.
Pulsatilla: Je supporte pleinement l’initiative de Salima et de toutes les artistes impliquées pour apporter davantage de visibilité aux musiciennes et DJ’s s’identifiant comme femme, personne non binaire ou personne trans. Comme les FAITS le démontrent au courant des dernières années, les personnes trans, non binaires ou s’identifiant comme une femme sont toujours sous représenté·e·s dans la majorité des grands festivals et ce n’est que grâce à la collaboration et la création d’espaces accessibles et sécuritaires qu’il nous sera possible de fournir un environnement où tou·te·s les artistes pourront se rassembler et s’épanouir. Je crois que cette série de podcasts fournit un lieu, une pierre angulaire qui fait en sorte que je suis reconnaissante d’y contribuer.
L’enjeu de la représentation des femmes/personnes non binaires/personnes trans dans le monde de la musique prend plus de place dans l’espace public depuis quelques années avec de nombreuses initiatives visant à diversifier la scène et les festivals. Comment vis-tu avec l’orchestration de ce changement et sens-tu une réelle sincérité derrière les différentes actions qui sont prises? Selon toi, y aurait-il une approche qui pourrait être plus organique et sentie?
Ela: Pour ma part, je suis toujours contente de voir quand les gens en général se positionnent sur ce sujet, et je suis très sensible au fait qu’à l’évidence, il y a des dynamiques sociales anciennes qui existent toujours… Parfois, par exemple j’entends des phrases qui suggèrent que c’est «une mode» de rendre visibles les femmes, les personnes non binaires, trans ou même carrément le féminisme. Ça c’est pour moi une vision – produit d’une société qui considère toujours notre visibilité comme une menace… et du coup qui n’avance pas.
Je ne peux pas juger si actuellement les initiatives culturelles sont sincères ou pas, mais je peux supporter le fait qu’il y ait des espaces et des personnes qui se sensibilisent, et quel que soit leur statut, prennent position et contribuent à ce que la scène soit plus équilibrée et diversifiée. Les femmes ont toujours fait de la musique, de l’art, mais pour une raison quelconque, il y a encore des gens qui jugeront ou rabaisseront nos performances (souvent même la beauté ou le statut, l’histoire personnelle prendra plus d’importance que le contenu créatif). L’exigence sociale est très haute et peut-être que ces mouvements peuvent nous apporter l’acceptation générale nécessaire pour arrêter de se poser toutes ces questions et d’enfin évoluer vers d’autres horizons.
Il semble incroyable qu’en 2021 il soit encore nécessaire d’en parler, mais tant que les abus de pouvoir et de consommation continuent d’exister, il y aura encore des consciences à réveiller là-dessus. La culture est un instrument merveilleux pour l’évolution et je pense qu’une chanson, qu’une artiste et que l’inspiration peuvent grandement libérer de certaines «prisons» physiques ou mentales.
Pulsatilla: Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la scène musicale, j’ai été vraiment découragée et je me suis continuellement demandé si je souhaitais faire partie de ce type de scène. Plus spécialement dans la musique électronique, pendant longtemps, je me suis sentie inappropriée et insécure de revendiquer mon espace en raison de nombreuses expériences que j’ai vécues en jouant dans un événement ou un festival dominé par des hommes. Me faire enseigner comment utiliser un filtre, faire ajuster mon volume pendant un set par une personne touchant mon mixer, ou ne pas être payée alors que tous les gars sur le show le sont, ce n’est pas cool et ça continue l’application des hiérarchies et du patriarcat au sein des scènes musicales. Ça m’a pris environ deux ans avant de réellement trouver l’espace dans lequel je voulais créer et performer. Ce n’est qu’au moment où j’ai organisé mes propres événements, une série mensuelle de jams dans mon jardin où plusieurs de mes ami·e·s improvisaient ensemble pour la première fois, que j’ai trouvé l’espace où j’étais confortable pour faire de la musique avec d’autres personnes et devant un petit public. Pour moi, c’était la manière la plus sécuritaire et organique possible. Je crois toujours que nous devons faire plus de musique ensemble. Il doit juste y en avoir beaucoup plus jusqu’à ce que ça inonde tous les autres secteurs. Ça peut bien sûr être de petits événements, dans un jardin par exemple, ou quelque chose de plus grand comme des collaborations internationales ou des festivals, mais le changement doit venir du bas et se rendre en haut.
Ela, ton mix propose des percussions tonitruantes, une ambiance éclectique, mais aussi sombre et bruitiste par moment. Qu’est-ce qui a influencé ta sélection, tes inspirations et quelles émotions voulais-tu véhiculer aux personnes qui l’écoutent?
Ce que j’ai adoré dans l’appel, c’est le fait qu’il était totalement ouvert, alors je me suis laissée emporter dans la sélection. Pas de pression, juste la musique que j’aime, sans penser à plaire à un auditoire précis. Quoi qu’il en soit, j’avais des incontournables comme The Subdermic, artiste que je mixe souvent et qui correspondait parfaitement au thème!
Globalement, j’aime les percussions tribales et bien marquées, celles qui te font piétiner et sentir la terre plus près. J’aime casser le rythme binaire et constant de la techno avec des broken beats et des changements radicaux de BPM. Étant autant amatrice de jazz que de breakcore, j’aime l’idée de ne pas être prisonnière d’un genre, d’un rythme ou d’une sonorité quand je mixe. J’admire énormément aussi la créativité, la recherche et l’intensité de la musique expérimentale, d’où aussi ce côté bruitiste.
Tu es originaire de l’Argentine, mais tu habites maintenant à Bruxelles, ayant au passage laissé paraître une pièce sur une compilation de l’étiquette Black Teeth Records. Je me demandais à quoi ressemblait la scène de ta ville d’accueil et as-tu des projets belges à nous recommander?
C’est un peu compliqué de répondre à cette question en ce moment avec la situation actuelle et la culture complètement bloquée, mais en tout cas, il se passe toujours des choses sur la scène locale. Ça fait plaisir, par exemple, de continuer à suivre les projets de ceux qui sont à Bruxelles depuis toujours comme Activities Records ou Night on Earth qui ne s’arrêtent pas de créer. Et il ya également des labels plus jeunes comme Antipattern.Dpt ou Black Teeth Records qui produisent des choses intéressantes. Côté event, Saintklet prépare également de beaux projets, espérons que tout ceci va reprendre de plus belle maintenant.
Tu laisseras paraître deux pièces sur Kito Kat durant l’été. As-tu quelques détails à nous confier par rapport à cette sortie que nous avons très hâte d’entendre? Qu’est-ce qui s’en vient pour ELA dans les prochains mois?
Concernant la sortie de ce prochain mini EP 2 titres, tout ce que je peux te dire, c’est que ça va être un petit projet assez sombre. On sort tous d’un long hiver confiné et cet EP a été confectionné durant ce temps là. Je suis super contente, car ça sera ma première sortie en solo pour un label, maintenant, pour le reste, ça sera a toi de me donner ton feedback a la sortie!
Lisa, tu as réalisé le mix aux côtés d’Alicia Hush et d’Ellxandra, comment as-tu trouvé l’expérience de partager la création de ce podcast en compagnie de deux autres artistes? Peux-tu nous parler de ce qui a influencé votre sélection, vos inspirations et quelles émotions vouliez-vous véhiculer aux personnes qui l’écoutent?
En fait, il ne s’agit pas d’un mix, mais d’un jam live que nous avons réalisé une soirée à mon studio. C’était la première fois que je jammais avec Alicia. Ellxandra est ma collaboratrice et soeur de jam sur une base régulière, donc nous nous connaissons assez bien au niveau sonore. Nous avons pensé que ce serait intéressant de nous rencontrer, et lorsque nous l’avons fait, nous avons branché nos machines et nous avons joué pendant près de trois heures. Alex était sur son portable, tout comme Alicia, et j’avais mon walkman avec des enregistrements, que j’avais fait sur mon synth à la maison, et quelques pédales avec lesquelles jammer. En trois heures, nous n’avons presque pas parlé et la communication au travers la musique été incroyablement fluide, ludique et magique! Dans notre sélection de sons, nous avons accordé une attention particulière aux textures, à la progression mélodique et à la magnifique voix d’Alex. Nous faisons toutes de la musique différente, mais lorsque nous nous rencontrons, tout s’assemble et coule à merveille.
Au courant du mois de mai, tu recevras Salima à l’émission Lo Signal sur CKUT. Je me questionnais à savoir comment l’équipe de Lo Signal avait réussi à conserver la motivation durant la pandémie et que réserve le futur de votre côté?
Nous avons eu beaucoup de changements au sein de notre collectif au cours de la dernière année, donc nous avons deux nouveaux/nouvelles membres qui nous ont rejoint·e·s récemment! Évidemment, nos pas aller au studio a fait une grande différence. J’adore mixer en direct, recevoir des invité·e·s et réaliser des entrevues en onde. Cependant, nous essayons toujours d’inviter le plus personnes possible et de proposer un programme qui inclut plus d’artistes et de styles nichés, comme la musique cantonaise, turque, et bien sûr, de l’électronique allemande par exemple.
Tu as récemment participé à la compilation in da cosmos? mais oui, where else? de l’étiquette Jeunesse Cosmique parue pour le 420, ainsi qu’à SOLIDARITY with UNIST’OT’EN, initiative de Jonas Fortier. Les deux compositions sont tout à fait magnifiques, peux-tu nous parler de l’historique derrière ces créations et de ton état d’esprit lors de leur production en collaboration avec Camélia Andromeda et Franco Bellavita?
Ma chanson pour in da cosmos? a été créée à partir d’un état d’esprit similaire que j’avais lors de l’organisation des jams dans mon jardin. Camelia est une artiste que j’admire, mais avec qui je n’avais jamais fait de musique auparavant, donc je lui ai proposé d’aller au Jardin Botanique un après-midi ensoleillé pour enregistrer une improvisation. Notre pièce Helio Ode, que vous pouvez retrouver sur la compilation de Jeunesse Cosmique, est un souvenir de notre après-midi intime sous un grand arbre en compagnie de beaucoup d’oiseaux et d’hélicoptères. Pour Camelia et moi, c’est une très belle image de notre après-midi.
Franco – avec qui j’avais l’habitude d’animer les éditions ambiantes de LoSignal – et moi avons un grand intérêt pour les méthodes de guérison par le son et notre pièce Amanita Muscaria est née d’un besoin et d’un désir mutuel de guérir. Nous avons enregistré tous les sons à partir des petits instruments que Franco a amassés lors de ses voyages et les mélodies viennent d’un tongue drum qu’un·e de mes ami·e·s a fabriqué à partir d’un réservoir de gaz propane! Nous avons soumis cette chanson en soutien et avec le souhait de voir le territoire Unist’ot’en libéré afin de les voir vivre sur leur terre comme ils et elles le veulent et le font depuis tant d’années. Si vous ne connaissez pas leur lutte avec le projet d’oléoduc de Coastal Gaslink et le gouvernement fédéral, visionnez leur film Invasion et suivez-les sur les réseaux sociaux! Elles et ils se tiennent avec force et ont besoin de tout le soutien possible.
Merci pour votre temps!
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