[Festival] MUTEK (2018)
Soyons honnête, le festival MUTEK c’est un peu comme le Noël des fanatiques de musique électronique. Ce rendez-vous annuel est toujours rempli de surprises de taille et de moments magiques. Chaque type de mélomanes y trouve son bonheur à travers les différents concepts offerts par l’équipe de programmation.
L’édition 2018 n’a pas fait exception à cette tradition en offrant l’un des alignements les plus diversifiés et éclectiques de l’histoire du festival. Voici donc un bref retour sur les quatre premiers jours de l’événement, car nous n’avons malheureusement pas pu assister à la prometteuse dernière soirée. Nous avions besoin d’un repos avant de prendre le chemin du Portugal pour couvrir le Festival Forte!
A/Visions
Lorsque nous nous s’installons dans les sièges du Monument National pour les programmes audiovisuels, nous savons que nos sens seront fascinés. Il se présente chaque fois sur cette scène des performances captivantes, que ce soit avec les hypnotiques lasers de Robin Fox ou ceux associés aux magnifiques projections du trio russe Tundra; également avec les exigeantes compositions aux allures d’expériences scientifiques de Herman Kolgen ou de Martin Messier (en collaboration avec Yro), ces deux monuments de l’art numérique. Cette thématique est l’essence du festival, nous aurions aimé qu’il y en ait encore davantage.
C’est toutefois la jeunesse qui a le plus épaté. L’ovation après l’œuvre de Line Katcho n’avait rien d’anodin, elle a littéralement transcendé l’auditoire par l’intensité, autant musicale que visuelle, de sa pièce Immortelle. Plus discret, le collectif Falaises a clôturé le tout avec une proposition visuelle fascinante. Une installation complexe et onirique, à la fois mystérieuse et sensiblement tangible. – Rémy
Photo 1: Monument National / Photo 2: Herman Kolgen
Expérience
À notre plus grand bonheur, nous avons eu droit à la suite logique du succès qu’avait eu la programmation extérieure gratuite de l’an dernier. Quelque peu améliorée, notamment à cause du changement d’orientation de la scène et d’une Esplanade sans travaux de construction, ce concept a encore une fois fait plaisir aux festivalier·ère·s, mais aussi aux curieux·ses qui s’y sont aventuré·e·s.
Cet endroit de prédilection pour entamer les soirées nous aura bercé notamment lors de l’incroyable ambiance durant Deadbeat, avec la surprenante performance du Norvégien Boska et surtout avec la prestance et la dévotion de l’Américaine Analog Tara. Malheureusement, nous n’avons pas pu voir les artistes qui jouaient plus tard en soirée en raison des conflits d’horaire, mais je souhaite ardemment un retour de cette formule l’an prochain, nous y avons fait une panoplie de découvertes intéressantes!
Cette série est un incontournable et même un devoir. Il est essentiel d’offrir gratuitement une partie de cette vaste et riche programmation. C’est de cette manière qu’il est possible de partager cette passion pour la musique. De belles journées ensoleillées et des rythmes entraînants, que demander de mieux? Pour moi, une journée au Mutek ne peut s’entamer autrement qu’en allant me détendre à la Place des Festivals. – Louis
Photo 1: Viñu-vinu / Photo 2: Deadbeat
Métropolis
Les grandes salles comme le MTelus n’offrent certainement pas l’ambiance favorite de l’ensemble des membres de notre rédaction, mais nous nous faisons tout de même un devoir d’aller regarder un peu ce qui s’y déroule à chaque année. Réduit à deux représentations pour 2018, nous avons eu droit à une première soirée où la techno a été déformée dans toutes ses facettes, notamment par Edna King avec sa parfaite dose de basses dans une enveloppe minimal.
Les prestations d’Anthony Linell et LADA furent également parsemées de moments forts malgré une sonorité légèrement trop faible selon les standards de la salle. Il serait dommage de ne pas nommer la grande générosité du finlandais Aleksi Perälä avec son set de plus d’une heure et demi. Malgré sa présence très stoïque sur scène, il est définitivement celui qui a fait le plus bouger nos neurones dans la grande salle de la rue Sainte-Catherine.
Ce qui aura cependant marqué nos soirées au Métropolis est la présence d’une deuxième salle dans le même édifice. Bien que beaucoup trop petite pour accueillir tous le monde à plusieurs moments clefs, les prestations des héros locaux anabasine, CMD ainsi que le glorieux retour de Jaclyn Kendall auront été définitivement de belles expériences musicales. – William
Photo 1: LADA (Dasha Rush & Lars Hemmerling) / Photo 2: Aleksi Perälä
Nocturne
Comme le répètent souvent les membres de la programmation, les soirées Nocturne sont en quelque sorte la colonne vertébrale du Mutek. Seule thématique à être présente durant l’intégralité du festival, nous avons eu cette année des moments inoubliables à la SAT. Celle qui aura marqué davantage notre imaginaire sera vraisemblablement la deuxième qui s’est ouverte avec le montréalais T. Gowdy proposant des paysages sonores et visuels passionnants. La rencontre d’un ambiant palpable avec des ondes expérimentales.
Lors de la même soirée, Lawrence English a tout fait trembler. Le public allongé sur le parterre, tel que recommandé par l’Australien, a sans doute beaucoup voyagé intérieurement. Quand les basses fréquences s’envolent avec autant de brio, il est difficile de faire plus envoûtant.
La Nocturne du samedi soir fut également très divertissante. Entre stroboscopes et dense fumée, Lanark Artefact a créé un monde parallèle le temps de sa performance. Un environnement sonore déstructuré, à la fois minimaliste et imposant. Les synapses s’entrechoquaient, emprisonnées dans l’impossibilité de bouger et une frénésie incontrôlable. C’était malade! Juste après, vent de nostalgie analogique avec Pye Corner Audio, un set brillant et captivant. Les projections se mariaient merveilleusement bien aux nappes, tour à tour ambiantes et dansantes, habilement hantées par le passé.
S’il ne devait rester qu’une seule prestation de tout le festival, ce serait celle de Caterina Barbieri. Une densité incroyable s’est dégagée de ses synthétiseurs modulaires, entre drone envoûtant, mélodies complexes avec ce timbre si particulier. De quoi basculer dans une sereine contemplation sonore.- Rémy
Photo 1: Lawrence English / Photo 2: T. Gowdy
Play
Cette nouvelle série plus expérimentale qui prenait place dans l’accueillant Studio Hydro-Québec du Monument National s’est avérée très étonnante. Malgré l’accès parfois très compliqué vu sa gratuité, c’est dans cette salle que nous aurons vécu certains des moments les plus forts du festival.
Tout d’abord, la collaboration entre Push 1 stop & Wiklow ainsi que le duo Interspecifics auront illuminé tour à tour la première soirée. Les premiers offrant des ondes sonores dans une installation visuelle captivante; les secondes dans une vastes gamme expérimentale jubilatoire. Le lendemain c’est l’imprévisible islandaise dj. flugvél og geimskip qui, avec son imaginaire débordant, nous aura fait voyager très loin dans l’espace avec des chiens. Les troisième et quatrième rendez-vous nous aurons particulièrement marqués avec le talent local des Data Slum, Félix-Antoine Morin, Myriam Boucher et Woulg.
Pour ne parler que de quelques un·e·s que j’ai eu la chance d’admirer, je retiendrai Ewa Justka qui a délivré un excellent et puissant set de techno acide grâce à un matériel maison minimaliste ou encore l’argentine punk Rrayen qui, grâce à des Game Boy d’une autre époque, nous a démontré une fois de plus que c’est avec passion que sont délivrées les meilleures expériences sonores et visuelles. – Benjamin
Photo 1: Interspecifics / Photo 2: dj. flugvél og geimskip
La beauté du Mutek, c’est cette accessibilité et cette proximité. La proximité des lieux, mais surtout avec les artistes. Le festival crée un sentiment de communauté où les artistes, mélomanes, bénévoles et médias partagent ensemble une expérience vécue différemment. Je suis toujours ravi de voir que la majorité des musicien·ne·s restent à Montréal pour la totalité des festivités. C’est ce qui crée des liens, mais aussi qui façonne ce sentiment d’appartenance qu’on retrouve tant sur la scène électronique montréalaise.