[Entrevue] Replica – BitterCaress & Monarke
L’année commence en force dans la communauté techno montréalaise puisqu’un nouveau collectif fera son entrée en scène! L’idée mijotait depuis déjà un bon moment dans la tête du duo Or Room et voici qu’elle prendra finalement forme au légendaire club STEREO MONTREAL le 31 janvier prochain.
Pour l’occasion, l’équipe de Replica vous invite à venir plonger dans un univers inspiré par la science-fiction des années 80 avec le support des talentueux DJs BitterCaress et Monarke. Vous aurez d’ailleurs la chance d’en apprendre davantage sur ces deux projets ainsi que ce nouveau concept de soirée puisque nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec eux en prévision de cette première édition tant attendue. Bonne lecture!
Tout d’abord, quels sont les éléments de motivation qui ont poussé la création de votre nouveau collectif? Que souhaitez-vous amener de nouveau à la scène techno montréalaise qui est déjà en pleine explosion?
Camille: Replica est le projet du duo de DJ et producteur, Or Room, en partenariat avec STEREO MONTREAL. Le but du projet est d’être un tremplin pour les différents artistes montréalais qui prennent part à l’aventure et également être un miroir de la scène locale à l’international. Je suis donc honorée que l’on m’ait proposé de rejoindre le collectif en tant que DJ résidente aux côtés de Fabrice, aka Monarke.
Comme tu le dis, la scène techno montréalaise est en pleine explosion, le moment est donc propice pour Replica de prendre part à ce boom et de proposer une nouvelle formule qui n’existe pas encore à Montréal. En effet, malgré cette expansion de la techno à Montréal, le duo Or Room a réalisé qu’il était de plus en plus difficile de proposer des événements de qualité en ayant des contraintes, notamment organisationnelles, créatives et financières. De là, après beaucoup de réflexion, est née l’idée de Replica, le but du projet étant d’allier une expérience de rave multisensorielle, inspirée par la science-fiction des années 80, dans un cadre bien défini qui est celui du club.
Fabrice: Dès la première rencontre, je me suis rendu compte que le projet de Karl et Manu était quelque chose de solide. Leur présentation du projet et tout le travail en amont qu’ils ont effectué avant de me rencontrer m’ont montré un sérieux et un professionnalisme comme je n’en avais pas vu sur la scène à Montréal. Ceci m’a tout de suite motivé à l’idée de rejoindre le projet et à aborder la suite. Depuis, Replica n’est que bonheur et bonnes surprises me donnant l’opportunité de jouer au STEREO, sans limites musicales et possiblement de jouer avec mes artistes préférés. Le STEREO pour moi c’est une place “sacrée” donc c’est vraiment un plaisir de faire partie de ce beau projet. Je crois qu’à Montréal, et grâce à un club comme le STEREO, on a une très belle scène techno. Replica arrive avec sa vision artistique intéressante, ses artistes connus pour la plupart sur l’échelle mondiale et un concept unique.
Pourriez-vous nous décrire de quelle manière vous avez fait la rencontre des autres membres impliqués dans Replica? Quel est le cheminement ayant mené à la création du projet?
C: La scène techno montréalaise n’est pas bien grosse, à force de sortir et ayant fait partie du collectif OCTOV, j’ai rencontré beaucoup d’acteurs de la scène locale. Avant de rencontrer Karl et Emmanuel (le duo Or Room), j’avais bien évidemment déjà entendu parler d’eux quand ils étaient DJs résidents pour La Bacchanale et j’appréciais déjà leur travail en tant qu’artistes.
Je sais que Karl et Manu réfléchissaient au projet depuis déjà un bon bout de temps et Karl m’a contactée en août dernier pour me présenter Replica. J’ai alors accepté de rejoindre l’aventure! Cela a pris deux mois pour construire une équipe solide. Nous sommes environ une dizaine de personnes avec chacun son domaine d’expertise. Il y a une équipe créative, une équipe marketing et les DJs résidents.
F: Pour ma part, je connais Manu depuis un petit moment déjà. Nous avions pu échanger beaucoup sur la musique au cours des dernières années, je lui avais envoyé pas mal de mes maquettes surtout dans la deep et hypnotique techno et l’ambiant. Par la suite, nous nous sommes vus à plusieurs événements et c’est à ce moment-là que Manu m’a dit qu’Or Room travaillait sur un projet et qu’ils étaient intéressés à me le proposer. Et c’est là que j’ai rencontré Karl qui m’a présenté l’idée de Replica.
D’après ce que Karl et Manu me racontaient, cela faisait un petit bout de temps qu’ils travaillaient sur le projet. Leur idée de se rapprocher de pas mal d’artistes locaux, mais dans un spectre assez large m’a plu.
© Photo: Villedepluie – Replica
Camille, tu as récemment quitté les rangs d’OCTOV pour te lancer dans une nouvelle aventure et afin de focaliser sur le DJing. À peine quelques mois plus tard, tu te retrouves DJ résidente d’une soirée au mythique club STEREO. Peux-tu nous expliquer comment cette ascension fulgurante s’est déroulée?
C: En mai dernier, après plus d’un an et demi au sein d’OCTOV, j’ai pris la décision de quitter l’équipe, car je n’avais plus autant de temps qu’avant à consacrer au projet. Je m’occupais des partenariats et aidais pour la partie communication également. Comme j’ai terminé mes études fin 2018 et j’ai commencé à travailler à temps plein début 2019, j’ai dû faire un choix et je souhaitais avant tout faire vivre mon projet musical, BitterCaress.
J’ai commencé à mixer en 2018 avec une très bonne amie, Nath. Elle m’a vraiment poussée, elle m’a trouvé une Xone, une carte son et avec mon ordinateur, j’ai commencé à jouer. Je la remercie d’ailleurs sincèrement, car c’est finalement grâce à elle que je jouerai à STEREO fin janvier!
En quittant OCTOV, je me suis dit que j’allais enregistrer un set et le poster sur SoundCloud, c’est de là que j’ai commencé ma série Mixing For A Cause. Je l’ai envoyé à quelques amis, publié sur Facebook et visiblement, les quelques personnes qui ont écouté ont aimé.
Mon premier gig a été début juillet 2019. OCTOV (avec qui je reste extrêmement proche) m’a proposé de faire partie du line up pour leur événement avec le collectif D32 sur la plage de Longueuil. J’ai eu beaucoup de fun, c’était un chouette événement et j’ai pu (enfin!) sortir de ma chambre et jouer devant un public! Kris Tin m’a ensuite donné la chance de jouer au Salon Daomé qui est également un club mythique de la scène montréalaise.
Le reste s’est enchaîné assez rapidement ensuite: j’ai rencontré Karl pour Replica, enregistré des guests mix, d’autres Mixing For A Cause, etc. et me voici!
Je me sens vraiment chanceuse que tant d’acteurs aussi influents de la scène locale montréalaise m’aient donné ces opportunités, j’ai encore du mal à réaliser! L’année 2019 a été vraiment un tremplin pour moi. En juin, je n’avais jamais touché à des CDJs et quelques mois plus tard, je me retrouve à mixer à STEREO…
Tu as récemment démarré la série Mixing For A Cause, peux-tu nous parler de l’importance de joindre ta passion pour la musique à des enjeux sociaux? Quel futur anticipes-tu pour ce projet?
C: Pour ceux qui ne connaissent pas, Mixing For A Cause est un projet de podcasts sur ma chaîne SoundCloud.
En commençant à mixer, je souhaitais pouvoir exprimer mon opinion sur différentes questions d’actualités qui nous touchent de près comme de loin. Je crois sincèrement que par le biais de l’art et spécifiquement de la musique, nous pouvons aspirer à construire un monde meilleur, faire réfléchir notre auditoire sur certains enjeux sociaux importants et ainsi, contribuer à faire évoluer les mentalités.
En jouant en tant que DJ, je souhaite faire entendre ma voix et montrer que, même si je ne produis pas encore, la musique que je joue peut aussi être très engagée et traiter de causes qui sont essentielles à mes yeux.
Pour ce projet, j’ai la chance d’avoir un ami très talentueux, Corentin aka KORVN, qui a produit quelques tracks en rapport avec les sujets abordés: Decide for them, par exemple, que j’ai inclus dans mon premier podcast.
Pour le moment, les trois épisodes que j’ai enregistrés ont comme thèmes : les lois anti-avortement passées aux États-Unis en avril/mai 2019, l’homophobie et les violences faites aux femmes. Le troisième podcast a été enregistré en b2b avec KORVN. Je souhaiterais d’ailleurs continuer à faire la plupart de mes épisodes en b2b ou avec des invités. Je trouve cela important de laisser d’autres artistes, dont j’apprécie le travail, passer derrière les platines et s’exprimer sur des sujets qui leur tiennent à cœur.
Joindre ma passion pour la musique à des enjeux sociaux n’a rien d’anodin pour moi. Le milieu techno a à cœur des valeurs anti-oppression, prône l’ouverture d’esprit, le respect de l’autre et de la différence. Mon objectif, à court terme, serait de faire en sorte que mon public passe un bon moment et s’oublie en écoutant et en dansant sur mes sets. Je sais que certains se demandent s’il faut mélanger musique et politique et encouragent plutôt la neutralité de la techno. Pour moi, le dancefloor est aussi un endroit pour faire passer des messages. J’aspire à cela avec Mixing For A Cause. Même si je ne me voile pas la face et sais que ma vision reste très idéaliste et candide, mais j’aspire sincèrement à pouvoir faire réfléchir si ce n’est faire évoluer les mentalités. Pourquoi ne pas rêver après tout? La techno sert aussi à s’évader, non?
Si nous poursuivons dans le même esprit, le STEREO est une véritable institution, mais la réputation de l’ambiance qui règne sur son dancefloor a été entachée à plusieurs reprises au cours de l’année. Y a-t-il une volonté au sein de Replica de faire changer les choses ou de vous associer avec un collectif comme PLURI par exemple?
C: C’est amusant que tu me poses la question, car c’est une chose à laquelle j’ai immédiatement pensé en rejoignant Replica! Quand j’étais chez OCTOV, j’ai tenté de développer l’aspect “safer space” en collaborant avec PLURI et GRIP pour les soirées que nous organisions. Pour ceux qui ne sont pas familier avec les deux associations, PLURI vise à réduire les risques de harcèlement sur les dancefloors et GRIP opère dans le domaine de la réduction des méfaits en milieu festif.
La question n’a pas encore été abordée, car le collectif vient d’être créé, mais je ne crois pas me tromper en te disant qu’il est très important aux yeux de l’équipe et des fondateurs du collectif de respecter les valeurs de la scène techno que j’ai mentionnées plus tôt.
Aussi, un des aspects dont on m’a parlé avant que j’accepte de faire partie de Replica était le désir de donner de la visibilité aux différents groupes de minorités: les femmes, les BIPOC et les LGBT2Q+. Mettre en avant la diversité, PLURI le mentionne d’ailleurs à maintes reprises durant sa formation, est quelque chose d’extrêmement important pour moi et je ne me voyais pas rejoindre un collectif qui n’avait pas ce genre de valeurs. Je pense donc qu’il serait très intéressant de réfléchir pour une possible association avec des organismes comme PLURI. Bien entendu, il s’agit de mon opinion personnelle sur la question, et je pense que cela fera l’objet de discussions au sein de Replica dans un futur proche. Sur la scène montréalaise, le Datcha, MUTEK, OCTOV et d’autres ont été formés par PLURI, il faudrait continuer sur cette belle lancée et travailler à notre tour pour réduire, voire complètement abolir, le harcèlement sur les dancefloors.
© Photo: Villedepluie – BitterCaress
Fabrice, tu résides présentement dans la ville de Québec, à quoi ressemble la vie de DJ et d’amateur de musique techno dans la vieille capitale? Comment t’impliques-tu dans cette communauté musicale et y a-t-il une scène aussi florissante qu’à Montréal?
F: La scène à Québec est très petite, de petits collectifs y organisent de temps en temps des soirées, pas assez peut-être pour y avoir une scène assez importante pour être indépendante de celle de Montréal, mais ça essaye de bouger et de changer. Pour ma part je maximise mon temps en studio, un peu sous la sorte de sacrifice vis-à-vis de ma nightlife, pour développer mon son, ce que j’ai fait durant les deux dernières années. Très honnêtement, je me sens plus proche de la scène montréalaise que de la scène québécoise.
Tu as été extrêmement productif en 2019 avec une multitude de parutions. Peux-tu nous faire un résumé de ce que tu as produit dans les derniers mois et nous dire par quel album les gens qui ne te connaissent pas devraient débuter?
F: 2019 a été une année exceptionnelle sur le plan professionnel. En effet j’ai sorti quatre EP et un album ce qui m’a permis de commencer à sortir mon nom sur la scène. J’ai accompli beaucoup de travail, j’avais des objectifs personnels que j’ai atteints, notamment sur la recherche de mon son, ce que j’ai perfectionné. Je me diversifie entre la techno mélodique et la musique ambiante. J’adore ce qui crée une émotion.
Nous avons la chance de voir fréquemment le duo Or Room à Montréal, alors nous savons un peu à quoi nous attendre de leur part, mais c’est beaucoup plus mystérieux dans ton cas comme tu viens rarement à Montréal pour jouer. Quel apport penses-tu apporter aux soirées Replica, quel type de techno serviras-tu au public de la métropole?
F: Premièrement, le STEREO est un endroit unique avec un public exceptionnel, compréhensif et ouvert d’esprit. Je rapporterai définitivement mon côté sombre, plus techno, mais je sais que Replica me donnera l’entière liberté à me diversifier en fonction de mes sets. J’aime avoir la perception d’être dans un monde différent, et dans un univers parallèle et c’est ça que Replica propose. J’espère pouvoir apporter quelque chose de différent, quelque chose d’accrocheur, et définitivement ethereal.
Merci beaucoup pour votre temps!
© Photo: Villedepluie – Monarke
- Révision du texte par Sandra.