[Entrevue] Acoustic Mirror – Martín Rodríguez
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Durant cette ère de solitude et de restrictions dues au confinement, les initiatives artistiques sur le web sont les bienvenues. Au travers de cette multitude d’options de diffusion en direct – qui ne sont pas toutes très bien réussies d’ailleurs – il y a des projets avec une plus grande vision. La nouvelle série Acoustic Mirror est l’une de ces idées qui sortent des sentiers battus et qui proposent une formule originale et intrigante. Après une première édition qui nous a offert des sonorités particulièrement déstabilisantes, nous avons cru bon nous entretenir avec l’organisateur de cette série, l’artiste Martín Rodríguez, afin de vous faire découvrir cette magnifique initiative!
Quelle est la motivation principale derrière la création de la série Acoustic Mirror? Est-ce une idée qui mijotait dans ta tête même avant la pandémie actuelle?
Acoustic Mirror a été conçu à l’origine comme une série de concerts en direct visant à créer un espace pour les artistes du son et les musiciens afin d’explorer et d’échanger des idées artistiques. En tant que commissaire, mon intention était/est de jumeler des artistes contrastés pour créer un dialogue et inspirer de nouvelles possibilités sonores à travers ces performances. Lorsque j’imaginais l’environnement de cette série dans ma tête, c’était toujours un cadre intime, semblable à un «house show» avec des gens réunis autour d’une écoute commune, engagés dans l’échange entre les artistes et eux-mêmes.
Le début de la série était initialement prévu pour le 27 mars mais, comme beaucoup d’autres événements, nous avons évidemment dû annuler. C’est intéressant, car maintenant que la série a déménagé dans «l’espace radio», cela correspond presque mieux à mon intention LOL! Les gens sont chez eux et écoutent les émissions, en espérant qu’ils s’engagent dans l’expérience d’écoute d’une nouvelle manière.
Photo: Kelly Ruth
Alors que la plupart des gens se lancent dans la diffusion de vidéos en direct sur les réseaux sociaux, tu as choisi d’y aller pour une expérience audio dans un cadre plus professionnel et organisé. Y a-t-il une raison spécifique derrière ce choix de médium et dans ton approche?
Lorsque j’organise des événements, je veux que les artistes et le public sentent que quelque chose de spécial va se produire. Ce faisant, le public arrive à l’événement avec une énergie engagée et les artistes montent sur scène avec l’intention de produire un spectacle inspiré. Je respecte le temps que les artistes prennent pour se préparer au concert et le temps que les gens prennent de leur vie pour participer activement à la performance. En tant que promoteur, je trouve qu’il est de mon devoir de respecter toutes les parties impliquées et de créer une expérience exceptionnelle qui élève tous les participants. Pour cette série, j’ai donc dû trouver un moyen de créer un espace virtuel qui permettait au public de se concentrer sur le spectacle sans avoir la sensation de «scroller».
J’ai choisi d’utiliser un format audio en direct parce que je voulais que l’accent reste mis sur l’expérience d’écoute. En ce moment, nous sommes tous collés à nos téléphones et je voulais offrir une option où les gens pourraient poser ces appareils. Je travaille beaucoup avec la radio dans mes propres explorations artistiques et j’écoute beaucoup de podcasts. La radio a une beauté et un mystère, car nous écoutons souvent ces voix ou cette musique dans des lieux privés très intimes comme nos maisons et nos voitures. Nous laissons entrer ces étrangers et nous accueillons leurs idées, leurs mélodies et leurs rythmes.
J’ai fait un set de DJ sur n10.as l’autre semaine et ma mère l’écoutait depuis les États-Unis. Elle m’a dit: «c’était génial de t’entendre parce que j’avais l’impression que tu étais ici avec nous en train de déjeuner». Cette phrase a renforcé le pouvoir du son et de la radio parce que le son est une expérience physique et qu’en diffusant nos voix, nos mélodies, nos idées, nous nous téléportons en quelque sorte dans un autre espace. C’est la magie de la radio et l’une des raisons pour lesquelles j’ai choisi ce format.
Le 24 avril dernier, la première édition de la série a eu lieu en présentant des œuvres de Tim Shaw, Philippe Battikha et Esther Bourdages. Comment as-tu trouvé l’expérience et quelle est l’histoire derrière le choix de ses trois artistes?
WOW! La première émission est toujours passionnante parce que vous y entrez avec des idées préconçues sur ce que vous voulez, pensez et espérez qu’elle sera, mais bien sûr, elle n’est jamais à 100% de toutes ces choses. J’ai été très agréablement surpris par la première émission. J’ai eu quelques imprévus techniques avec une latence qui m’a fait parler plus lentement que d’habitude! LOL si vous écoutez l’enregistrement, c’est un peu comme si j’étais sous influence ;). Tim m’a dit qu’il y avait des problèmes avec son ordinateur qui traitait le son de sa promenade à Lausanne. C’est assez évident quand on l’entend, mais ça a fait une transmission vraiment unique. C’était comme si nous marchions à travers les bits brouillés des paquets Internet. Et puis, si vous essayez vraiment quelque chose d’expérimental, ça doit «fuck up» d’une certaine manière.
Je connais Esther depuis un bon moment maintenant et elle m’a envoyé un message du FB me disant que Tim était censé être en ville en mars et qu’il cherchait des spectacles. J’ai eu l’idée d’Acoustic Mirror et j’ai pensé que ce serait une bonne occasion de le programmer et d’aider l’événement à se développer en dehors de la scène montréalaise. Philippe Battikha était une pièce importante pour le line-up, car je voulais vraiment établir le thème du premier spectacle et je savais que je voulais un joueur de cor et je savais, grâce à l’expérience de Philippe avec l’Envers, qu’il saurait d’où venait l’inspiration de cette série. C’est aussi un autre expatrié comme moi, donc j’ai l’impression que nous parlons le même langage d’une certaine manière.
La prochaine diffusion en direct aura lieu le 8 mai et présentera le travail de CHIENVOLER et Kelly Ruth. À quoi pouvons-nous nous attendre de leur part? As-tu déjà planifié d’autres éditions par la suite?
Attendez-vous à vivre une expérience d’écoute unique en vous concentrant sur un riche mélange d’acoustique d’une autre époque et de technologies modernes. CHIENVOLER est Jérémi Roy et il jouera du Saz, un instrument à long manche de type luth turc. C’est Jérémi qui m’a fait découvrir cet instrument et j’en suis tombé amoureux dès que je l’ai entendu. C’est un instrument micro-tonal et les cordes sont doublées, ce qui permet d’obtenir ce fantastique balayage des fréquences. Kelly Ruth, je l’ai rencontrée lorsque j’ai joué dans un festival à Saskatoon. Elle jouera sur un métier à tisser préparé qui est équipé de cinq micros de contact et elle est capable de faire ressortir des rythmes et des tons intéressants qui sont enracinés dans le tissage des tissus. J’ai constaté que ces deux instruments organiques se complétaient grandement et reliaient leurs sons à l’histoire tout en trouvant de nouvelles techniques ou approches.
Pour ce qui est des prochaines éditions. Oui, il y en a d’autres à venir, mais j’annoncerai toujours la prochaine édition à la fin de l’émission précédente. Restez donc à l’écoute pour le découvrir! Ce que je peux dire, c’est que la série se poursuivra dans un avenir rapproché à toutes les deux semaines et que les artistes impliqués et moi-même continuerons à explorer le format et à tenter de nouvelles expériences avec le son.
© Photo: Nicolas Boulay (CHIENVOLER)
Y a-t-il une vision post-pandémie au projet? Si oui, de quelle manière aimerais-tu demeurer actif même lorsque la vie reprendra peu à peu son cours et que les spectacles commenceront à redevenir chose courante?
Je pense que ce projet a vraiment trouvé son format réel dans l’espace radio. J’aime le fait que ce format permet aux artistes de s’engager et de faire passer leur message artistique en dehors de leur cercle habituel. L’un des objectifs de l’émission est de ne jamais avoir deux artistes de la même région qui jouent ensemble. Je crois que cela aidera à la fois les artistes et l’émission à se développer. J’ai hâte de savoir où la série va se diriger.
J’ai d’autres idées pour les événements post-pandémie, mais elles seront différentes et tiendront compte de la réalité de ce que l’avenir nous réserve.
Pour conclure l’entrevue, as-tu un message ou un conseil à livrer à toutes les personnes qui sont actuellement en confinement?
Shhhhiiiiiitttttt, écoutez donc Acoustic Mirror ça va vous faire tripper!!!