[Exclusivité] Guillaume Mansour – Attention à nos enfants, c’est peut-être le vôtre
La musique de Guillaume Mansour se faufile dans nos listes d’écoute depuis déjà quelques années, mais nous n’avions malheureusement jamais pris la peine de la présenter sur le site. Avec la ligne éditoriale qui s’élargit de plus en plus et la parution de son deuxième EP en solo, le temps est enfin venu de remédier à la situation. Sur cette nouveauté, Guillaume nous présente un rock francophone à la fois doux et introspectif qui viendra bousculer votre for intérieur avec une sincérité inhabituelle. En plus de vous présenter l’album avant sa sortie officielle le 12 juin prochain, nous avons également eux la chance de nous entretenir brièvement avec lui pour décortiquer ce nouveau disque. Bonne lecture, mais surtout, bonne écoute!
Le titre de ton nouvel EP est très évocateur, il recèle aussi une part de nostalgie pour les Québécois·es qui ont pu apercevoir ce panneau aux quatre coins de la province au cours de leur vie. Quelle signification as-tu voulu donner à ce message ancré dans notre mémoire collective?
C’est très simple, même quasi nono, mais “l’enfant qui pourrait être le vôtre”, c’est l’enfant intérieur. J’ai eu ce moment de révélation en thérapie avec ma psy où, même si l’idée paraît supra quétaine, y’a cette figure-là, de l’enfant, à qui on peut parler du haut de sa vie d’adulte. J’pense que dans beaucoup de cabinets de psy dans le monde, y’a de la guérison qui se fait à coups de dialogue avec c’te p’tite créature intérieure.
Pis dans le fond, quand je dis de faire “attention”, c’est un call at large… écoutez-là donc, cette petite voix toute vulnérable que vous avez en-dedans. Ce EP, c’est un compte-rendu de ce qu’on s’est dit elle et moi.
Tes compositions sont empreintes d’une grande fragilité. L’auditeur a l’impression de se retrouver dans ta tête l’espace d’un bref moment et de partager tes émotions. Comment approches-tu l’écriture de cette musique très personnelle et quels thèmes trouvais-tu particulièrement important d’aborder sur ce disque?
Vulnérabilité est pas mal le keyword pour toute ma démarche artistique personnelle depuis des années. Le plus fou là-dedans, c’est que je sais même pas exactement pourquoi. Juste instinctivement, j’ai le goût de me montrer fragile sur un stage et dans mes chansons. J’ai l’étrange impression que c’est ce qui risque de rendre le monde meilleur (en tout cas, autour de moi), mais est-ce que j’ai des preuves à l’appui? Pas tout à fait, mais je sens que je suis sur une bonne piste.
L’autre thème qui est là sur presque tout le EP, c’est la dissociation. C’était super full méga important pour moi de parler de dissociation, parce qu’en même temps d’avoir été une grosse source de problèmes dans ma vie récente, ça aussi été un réflexe de survie qui m’a permis de passer à travers plusieurs moments roffes. J’ai essayé de parler des deux tranchants de cette lame-là.
© Photo: Travis Cannon
Il s’agit de ta première parution solo depuis 2016, mais tu n’as toutefois pas pris de pause en t’impliquant dans des groupes comme Wouf Wouf par exemple. Qu’est-ce qui explique cette longue période avant de revenir à ton projet solo et comment ta collaboration avec différentes formations a influencé ton EP?
Pour être extrêmement honnête, 2016 coïncide non seulement avec la sortie de mon premier EP, mais aussi avec mon passage aux Francouvertes, événement qui a été, disons-le platement, décalissant. Après les Francous, je comprenais pu ce qu’on attendait de moi en tant qu’artiste, j’avais pu tant confiance en l’institution culturelle au Québec, j’étais abattu pis, ouep, un peu dépressif. Ceci dit, ça été un peu comme quand tu fais un accident de char et que t’es supposé recommencer à conduire rapidement si tu veux pas rester traumatisé à vie. J’ai essayé de continuer à me vouer à la musique, mais mon approche a fondamentalement changé. Genre:
- J’ai arrêté de croire que je pouvais vivre de ma musique. Ça été un long deuil, mais au final ça fait en sorte que maintenant, j’associe la création musicale avec pas mal juste de belles émotions et moins d’attentes. D’ailleurs, j’ai décidé de donner la totalité des ventes de mon EP “Attention à nos enfants” à des organismes affiliés à Black Lives Matter. Je sais pas quand je vais sortir mon prochain album, mais j’ai le goût de financer tout organisme qui se bat pour un revenu minimum garanti avec cette prochaine offrande-là.
- J’ai (re) découvert les joies d’être membre d’un band VS avoir un projet solo. Avec Perdrix (avec qui j’ai ÉGALEMENT fait les Francouvertes en 2016, grosse année) j’ai savouré les effets bénéfiques d’une saine culture de band, de la solidarité, de la complicité. Avec Wouf Wouf, j’ai ré-appris à m’exposer, à montrer mes compositions à mes bandmates, pour qu’en band on les élève en quelque chose qui dépasse ma simple personne. J’ai aussi joué de la basse pour Vanille et d’autres instrus pour Embo/phlébite – j’ai découvert que juste jouer d’un instrument sans avoir à porter un projet sur tes épaules c’est vraiment, vraiment relaxant.
- J’ai vraiment beaucoup écrit (pas des chansons, juste… des mots pis des phrases). Ça m’a rappelé que mon art n’était pas juste LA musique, que j’avais d’autres soupapes pour faire sortir le méchant – ou laisser entrer le gentil.
La sortie de ton premier EP avait été marquée par un passage aux Francouvertes. Depuis ce temps, tu as remis en question la validité des concours dans le domaine musical. Que retires-tu de ton expérience dans ce genre d’événement et comment cela a-t-il affecté ton approche pour la création et la promotion de ce deuxième album solo?
Y’a pas assez d’argent en culture au Québec. Les artistes (nombreux, ce qui est vraiment le fun) doivent se partager des ressources (peu nombreuses, ce qui est vraiment dommage). En musique, ya tellement peu de fenêtres et de tremplins que c’est facile d’entrer dans un mindset compétitif (“comment ça se fait que ce band-là a reçu une sub et pas moi?”). Pensez-y un peu, on passe notre temps à dénoncer une économie du 1% (où 1% de la population mondiale détient une part démesurée des richesses) mais en tant qu’artiste, on est pogné pour encourager une culture du 1% en s’investissant dans des structures où une poignée d’entre-nous seulement vont ressortir gagnant.
En 2020, il ne devrait plus y avoir de perdant en culture.
J’ai énormément pensé à la situation des arts au Québec ces derniers mois. Je me vois pu me battre pour ma propre carrière sans me battre pour la carrière de mes semblables. Si vous lisez cet article-là pis vous trouvez vous aussi que notre situation a un peu pas d’allure, je vous invite à écrire à Nathalie Roy et Steven Guilbeault pour leur demander des mesures permanentes qui améliorerait notre qualité de vie. PAR EXEMPLE un revenu minimum garanti.
Merci pour ton temps!