[Scène locale] Joël Lavoie – Souvenir
Deux ans après avoir traité de l’excellent Cabines sur le site dans le cadre d’une chronique illustrée, nous sommes de retour dans l’univers sonore dense de Joël Lavoie. Celui qui nous a toujours habitué·e·s à de la musique ambiante ficelée avec une authenticité déroutante et offrant une propension à l’introspection surclassant la moyenne ne déroge heureusement pas de sa recette si prenante sur Souvenir.
Rien ne sert de se lancer dans l’aventure si le temps et les conditions ne nous permettent pas de le faire adéquatement. Le saut au travers des compositions de Joël doit se faire avec volonté, espace et compréhension, il faut s’engager dans ce récit musical avec autant d’aplomb que son créateur. Le musicien fait preuve d’une patience stupéfiante pour installer les atmosphères de ses trois pièces, qu’il recommande d’écouter au casque lors d’une balade en ville (ou en nature, je présume). Cette ode à la lenteur m’apparaît en fait comme un hommage à la grandeur et à la splendeur du monde qui nous entoure, nous laissant le choix d’admirer l’aspect humain ou environnemental de ce qui gravite autour de nous. Malgré le titre de l’album y faisant référence, ce qui m’a le plus chaviré est l’absence totale de nostalgie dans l’air. Les nappes sonores me forçaient plutôt à vivre et ressentir le moment présent, à faire une reconnexion avec moi-même forçant l’abandon drastique du passé et des soucis du quotidien. C’est là que la différence majeure s’installe avec un artiste comme Alessandro Cortini par exemple, qui offre plusieurs similarités avec Joël sur un titre comme Marche irréfléchie, mais dont le Montréalais parvient à se détacher vu l’effet de sa musique sur notre conscience.
Le second élément qui fait de ce disque une expérience singulière est sa capacité à ne pas tomber dans les clichés du genre ambient en évitant les crescendos prévisibles et les murs de son parfois injustifiés. Il injecte de manière progressive et harmonieuse les différentes couches à sa musique, complexifiant ses structures sans empressement et d’une manière très plaisante à assimiler. Les chemins limpides qu’il propose pour arriver à destination(s) récompensent davantage ses auditeur·trice·s les plus calmes et patient·e·s. Il est possible d’écouter cent fois Souvenir et de ne jamais vivre les mêmes ressentis, de comprendre à chaque occasion un peu plus de nous-mêmes et surtout du compositeur, qui sait déposer ses tripes sur la table de manière minutieuse (ce qui semble dur à croire, mais totalement possible avec Joël). Au risque de me répéter, même après plusieurs mois d’écoute, il s’agit de l’un des plus beaux voyages ambient de 2020.
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Paru le 1er juin 2020 sur Mikroclimat.