[Mix] Technique Nado
L’un de nos projets les plus importants pour la quatrième année d’existence du site est de ramener le concept de mix à l’avant-plan. Pour ce faire, nous avons le plaisir de vous annoncer l’arrivée de Laurent dans notre équipe de rédaction! Son apport sera fabuleux et il nous épaulera afin de faire revivre ce concept trop peu exploité sur MEFD. Sa première participation vous propose un mix original de la part de Technique Nado, le nouveau pseudonyme de Bianca Néron, anciennement connue sous le nom de Sainte Nitouche. Pour accompagner cette heure de musique absolument éblouissante, vous pourrez aussi lire une entrevue réalisée parallèlement à la création de ce mix de feu. Alors nous vous souhaitons bonne lecture, mais surtout bonne écoute!
D’abord, peux-tu nous parler de ton parcours musical et de ce qui t’a amenée dans ce monde?
C’est quand même un long parcours, mais admettons que la musique a toujours un peu fait partie de ma vie, même si c’est la réponse quétaine que tout le monde dit. Quand j’avais six ans, j’avais deux enregistreuses et j’enregistrais tout ce qui passait à la radio et des fois, je jouais de l’harmonica ou parlait par-dessus. J’ai toujours aimé le principe de faire des mixtapes, aussi rudimentaires soient-ils. La musique électronique a toujours fait partie de mon environnement. Ma mère avait une très bonne amie, Johanne, qui écoutait Swayzak, Deadbeat et d’autres trucs comme ça et quand on allait souper chez elle et que ce genre de musique jouait, j’étais vraiment curieuse de savoir c’était quoi. Justement, elle m’avait donné le CD de Swayzak, Some Other Country. C’était mon premier album de musique électronique, j’avais peut-être 11 ou 12 ans et ça me fascinait. J’avais une petite radio CD et je m’assoyais devant pour écouter les chansons en boucle.
Après, en vieillissant, j’ai commencé à sortir dans les bars quand j’étais assez jeune. J’avais les fausses cartes de ma sœur. J’ai commencé à sortir à Montréal où c’était le début du dubstep au Koi Bar. J’ai trouvé que ce genre de musique était vraiment intéressant. J’écoutais du métal avant donc le dub venait rejoindre le côté gras, bassy et lourd avec des rythmiques un peu étranges. Ça a été le début de quelque chose. De fil en aiguille j’ai rencontré ESL Crew qui était composée de Bowly, BUS, SkinnyBones pour ne nommer que ceux-ci, il y a d’autres DJ qui gravitaient dans ce milieu. Ça a été un honneur de baigner dans cet environnement super riche en termes de musique lorsque j’étais très jeune. Ça m’a inspirée à découvrir plus de techno, Detroit techno, des trucs comme ça. Après, ça n’a jamais arrêté. Quand la techno est arrivée, on dirait que mon cerveau a rewired, comme si c’était la réponse que je n’avais jamais demandée, mais qui est venue à moi. Jusqu’à ce jour, c’est quelque chose qui est pratiquement religieux, sacré, il y a quelque chose de vraiment touchant dans cette musique pour moi et je pense que c’est le cas pour beaucoup d’entre nous.
© Photo: Justine Durand
Tu as commencé ta carrière de DJ sous le nom de Sainte Nitouche, comment cela a débuté et il y a de ça combien de temps? Quelles sont tes parutions passées et à venir?
Je pense que j’avais environ 20 ans quand j’ai commencé à utiliser le nom Sainte Nitouche. J’ai eu plusieurs alias, car je ne savais pas comment m’appeler. Sainte Nitouche m’est venue en écoutant Le Temps d’une paix. J’aime bien regarder des émissions québécoises quétaines et quand j’ai entendu «Fais pas ta sainte-nitouche», j’ai eu envie de me l’approprier. J’ai aussi commencé à produire sous ce nom. Il y a un moment récemment où j’étais tannée de dire Sainte Nitouche, je trouvais que la prononciation m’énervait, mais je voulais rester dans cet esprit qui rend hommage à des éléments de mon histoire en tant qu’être humain au Québec, et Technique Nado, vient de ma grand-mère qui faisait la Technique Nadeau dans son sous-sol. Il y a quelque chose de parlant dans cette espèce d’image de personnes qui bougent, c’est un peu les premières images que tu vois de quelqu’un qui danse d’une façon étrange. Il y a un bon six ans entre les deux alias et c’est depuis cet été que j’ai fait le virage sportif.
Comme parutions officielles, il y a Tropique en canne sur Musique Maison, et également un morceau sur leur compilation MM Vol. 1. Il y a eu aussi une track avec Alexandra Laird de Lost Creatures qui est parue sur Unfulfillment dernièrement. C’est encore en discussion, mais disons que j’aime beaucoup l’attitude de Leon Louder (Vertigo Inc.) qui gère Unfulfillment donc je pense qu’il y a du potentiel de ce côté. Il y a d’ailleurs un remix qui s’en vient sur un album qu’il va sortir et potentiellement un full release éventuellement, mais il s’agit d’un travail en cours. Ça me prend beaucoup de temps avant d’accepter de sortir quelque chose. J’ai beaucoup de chansons complètes, il y a des moments où je finis une série de pièces, que je fais un live avec et qu’après, je ressens un besoin de repartir à zéro comme si je n’avais pas encore trouvé le filon et l’alliage exact. J’aime beaucoup mélanger le côté bass à la techno et il y a une sorte d’équilibre avec lequel je suis en quête perpétuelle. Je pense que l’équilibre s’en vient bientôt, je vais être prête à sortir des trucs sous mon nouveau nom.
Tu as mentionné que le thème de ton mix était la techno psychédélique, est-ce que tu peux nous parler un peu plus du processus de création et de comment tu le vois?
C’est un mélange de chansons que j’avais depuis longtemps sur des disques durs. J’utilise aussi beaucoup Bandcamp parce que j’aime que l’argent aille le plus directement aux artistes et aux labels. Bandcamp a quand même un bon pourcentage des parutions, donc j’aime beaucoup faire de la recherche là-dessus, je trouve ça le fun, je suis plusieurs de labels. Le processus de recherche a été un mélange de chansons que j’ai déjà et de nouvelles pièces. En faisant ce mix, mon état d’esprit était d’aller vers le côté psychédélique de la techno qui vient rejoindre le disjoncté et déconstruit du bass music, c’est quelque chose que j’aime beaucoup! Je trouve que la techno, dans sa nature psychédélique, est quelque chose qui me rappelle ses débuts, arborant même un côté un peu jazz, mais un jazz complètement torturé en enfer. Quand j’ai fait le mix, dans ma tête, j’avais l’image d’un dancefloor à Montréal: il est 1h ou 2h du matin, je débute mon set, les gens commencent à entrer et c’est l’espèce de moment où tu arrives au rave avec tes ami·e·s et que l’intensité augmente, l’un des instants clés où la soirée passe à un autre niveau dans la relation que tu as avec la musique, avec tes ami·e·s et avec le moment présent. Je l’ai créé au cœur de la pandémie durant l’été. C’était à une période où j’avais besoin de raver, donc il s’agit un peu d’une catharsis de me mettre dans cet espace et d’imaginer les gens que j’aime avec moi et de comment on pourrait se laisser aller et être nourri par ce moment.
Comment la pandémie a changé ta vie de DJ et de raveuse? Comment vois-tu l’avenir à court et moyen terme pour la musique électronique?
Disons que j’ai plusieurs idées mélangées par rapport à ça. D’abord, est-ce qu’on va pouvoir raver à nouveau? Est-ce que les mesures sanitaires vont rester? Est-ce que ça va changer notre vivre ensemble en tant qu’être humain à long terme? C’est une question à laquelle je n’ai pas la réponse. J’ose espérer que non et je crois que c’est très naturel pour nous de se réunir et de fêter ensemble, c’est quelque chose de très sain. Ce n’est pas tout le monde qui va se faire vacciner au même moment, il y a des gens avec des problèmes de santé, etc, à quelle échelle, à quelle vitesse et comment on va se rétablir? Quelles lésions ça va avoir laissées? Est-ce que ça va être plus difficile, est-ce qu’il va y avoir plus de surveillance policière? Il y a beaucoup d’effets comme ça que l’on ne peut pas calculer et disons que c’est le côté sombre. En même temps, je pense que cette période a donné la chance à tellement de gens de pouvoir faire de la musique, d’avoir du temps pour créer et j’ai l’impression que ça va avoir entraîné un espèce de cocon de créateurs et de producteurs incroyables et j’ai hâte de voir l’éclosion de tout ce temps donné à soi.
Sur le plan personnel, au début de la pandémie, j’ai quitté Montréal pour les Laurentides et je pense que c’est l’une des meilleures décisions que j’aurais pu prendre. La nature m’inspire, je trouve que la musique psychédélique, que ce soit techno ou peu importe, et la nature sont intrinsèquement liées. Le fait d’être dans cet environnement a été tellement nourrissant pour ma créativité. Les bruits de la forêt, les bruits ambiants et même le silence me permettent de mieux écouter et d’être plus présente quand je crée. Ça me donne le temps de réfléchir à des choses et il y a des vagues d’épiphanie qui viennent plus facilement dans la nature. C’est sûr que sur ce plan, je vois la situation d’une manière très positive. Cependant, le fait de jouer devant les gens, le côté DJ, me manque vraiment. J’essaie quand même de cultiver cet aspect, j’ai deux émissions de radio: Vitamines Rythmiques à La Face B qui regroupe tout ce qui est bouncy et groovy, j’essaie de jouer des trucs sortis dans le dernier mois, c’est une mensuelle. J’ai aussi Arythmie sur still.fm qui est un peu le evil twin de Vitamines Rythmiques alors que c’est plus axé sur l’ambiant, le shoegaze et un peu toutes les musiques que je ne jouerais pas normalement comme DJ. Durant la pandémie, j’ai pris plus de temps pour écouter des musiques moins liées à des sets. Avant, quand j’écoutais de la musique, c’était toujours dans l’optique de la mixer avec une motivation de travail et de recherche. Présentement, c’est plus libre et je me tourne vers des styles que je n’ai pas écoutés depuis longtemps, l’ambient, le new age, le black métal, peu importe.
J’ai la peur de ne pas pouvoir raver à nouveau, mais également l’espoir et l’empressement de voir ce que ces périodes sombres et lumineuses auront fait germer de façon collective chez les créateurs! J’ai hâte de voir ce que ça donnera au prochain rave!
Merci pour ton temps!
© Photo: Justine Durand
Tracklist:
ose – Cio
Rrose – Open Cell
Pləbeian – Neptune
Bebhionn – Perihelion
Lee nacre – Shapes
Cisco Ferreira & CJB – Un trust
Xanexx – Colliding Particle (Pharaoh & Yogg Remix)
XONO – Infrared
Ben Ritz – Transition Piece
FLAWS – Centred
YANT – Hydro 3
OPOSITION – Flyknit
A5 – Sugar On Mars
Divide – Lettura
L & M – A Sun That Never Sets
Talker – Battla Standard (Regis Remix)
Divide – Processo
400PPM – Cladogenesis
- Introduction de l’entrevue rédigée par William.