[Entrevue + Exclusivité] Alchi – Tulpa (Single)
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Il est toujours plaisant de découvrir une nouvelle mine d’or, un secret bien gardé qui renferme des sonorités fascinantes et enrichissantes. Direction les Pays-Bas pour cette révélation issue de l’étiquette mylja records et du fantastique album Full Of It du producteur Krijn Moons. Adeptes d’échos électroniques, expérimentaux et bondissants, vous serez conquis·e·s par cette boule d’émotion d’une éminente beauté. À la fois joyeuse et contemplative, mélancolique et émerveillante, la musique d’Alchi tisse des filons auditifs d’une grande splendeur, venant paisiblement nous étreindre, tel un câlin réconfortant et doux.
À l’occasion de la parution de Full Of It le 29 janvier prochain, nous avons l’immense privilège de vous présenter en exclusivité un nouvel extrait issu de l’opus, celui de l’éclatante pièce Tulpa. Par la même opportunité, nous en avons également profité pour poser quelques questions à Krijn, qui a répondu généreusement à l’appel. Découvrez sans plus tarder le ravissant univers d’Alchi!
Tu laisseras paraître ton premier album en tant qu’Alchi sur mylja records le 29 janvier prochain, un voyage au travers de magnifiques paysages sonores électro-expérimental. Peux-tu nous parler un peu de ton parcours musical et de l’histoire derrière ce nouveau projet?
Je vois ce disque comme l’atteinte de ma maturité en tant que musicien, à bien des égards. Certaines pièces sont terminées depuis déjà longtemps, et la création de l’album s’étend sur trois ans. J’ai progressivement trouvé mon propre son et réenregistré d’anciennes parties. J’ai commencé à investir sur plus d’instruments, ce qui a rendu mes sonorités plus caractéristiques. Cependant, je ne voulais pas abandonner mes idées initiales. Elles contenaient beaucoup plus d’indices liés à la dance music et également plus d’échantillons. Maintenant, je ferais cela très différemment, mais je comprends ce que je pensais être beau ou puissant à ce moment là, c’est vraiment un amalgame d’ancien et de nouveau travail. En cours de route, j’ai découvert ce qu’était la signification collective de la musique, et progressivement j’ai commencé à découvrir ce que je pense être important dans la musique.
© Photo: Nyré Tiessen
Ta musique est excitante à différents égards, mélangeant un grand nombre de styles et d’influences, ce qui crée une ambiance où tout peut survenir. Comment es-tu arrivé à façonner des sonorités si riches et denses?
Au début, je me suis tourné vers plusieurs artistes. J’adorais m’inspirer des sonorités de Tim Hecker, Arca et cie, et des sons de synthés analogiques de producteurs comme Floating Points ou Weval en utilisant uniquement des vsts gratuits et des pédales de guitare. En pratiquant de cette manière, j’ai passé beaucoup de temps à expérimenter pour trouver ma propre signature; avec un son où tout est «vivant», et où chaque son est très détaillé. Je n’ai qu’un seul vrai synthé analogique – le Vermona Perfourmer, avec lequel j’ai créé des sons non raffinés en combinaison avec une enregistreuse à cassettes à moitié brisée.
Je partage également un studio avec un ami (Hugo Ariëns) qui travaille la guitare préparée. Il utilise la guitare pour créer des sons très étonnants, utilisant rarement des effets. Parce que son matériel est toujours à portée de main, il y a encore beaucoup de guitare (préparée) sur l’album, souvent sous forme de couches texturées. En bref, c’est une sorte de combinaison de travail au hasard, avec beaucoup de détails et de caractère – principalement grâce à un équipement imprévisible et à moitié cassé.
Tu mentionnes que ta musique est faite de porcelaine et de granite, ce que nous pouvons aisément ressentir au court de l’album alors que tu nous amènes dans de nombreuses directions et au travers un large spectre d’émotions. Quel était ton état d’esprit lorsque tu as composé Full Of It et qu’as-tu voulu communiquer exactement?
Ce n’est qu’en travaillant sur Middenin au courant de l’été que j’ai compris. Je me décrirais comme une personne émotionnelle, et ce sentiment me guide aussi dans la vie en général. Cependant, il y a souvent de longues périodes pendant lesquelles je me sens à plat. Dans ces moments, j’ai vraiment besoin de musique pour rester en contact avec l’intensité ou la puissance que quelque chose peut me faire ressentir. Ensuite, il est devenu clair quelles chansons allaient figurer sur l’album et pourquoi je fais de la musique, ce qui est comme une montagne d’émotions en soi. J’avais l’habitude de naviguer sur le caractère impressionnant ou sur mes habilités. Je pense que j’ai maintenant changé cela, et j’ai principalement commencé à me concentrer sur ce qui me touche profondément, quel que soit le type de musique que je produis au final. C’est pourquoi il n’y a pas de courtes chansons ou d’interludes.
J’ai besoin de ma propre musique pour me sentir connecté à mes propres émotions. Parfois, j’aimerais être plus terre à terre pour faire de la musique plus conceptuelle ou cérébrale.
J’en suis venu à me voir comme quelqu’un qui vit principalement selon mes sens – ma fascination pour la nourriture, les odeurs, et surtout une fascination pour voir des choses ordinaires, comme la texture des pelures d’orange, ou encore observer des abeilles se nettoyer.
© Photo: Nyré Tiessen
Certaines de tes plus grandes influences sont Nicolás Jaar, Boards of Canada, Sigur Rós et James Holden, je me demandais s’il y avait quelques artistes moins connu·e·s qui t’inspiraient ou que tu appréciais en ce moment? Est-ce qu’il des projets des Pays-Bas que nous devons absolument découvrir?
Je pense que nous avons une scène ambiante très vibrante aux Pays-Bas. J’ai écouté beaucoup de Zeno van den Broek ces derniers mois – et beaucoup de parutions de Moving Furniture Records. Concernant l’inspiration, il y a deux albums qui m’ont le plus inspiré cette année, bien qu’ils ne soient pas néerlandais; Mutable Set de Blake Mills et Anne de Joseph Shabason. Les arrangements des compositions de Blake Mills sont époustouflants. Il utilise de nombreux instruments subtils tout au long de l’album. Et Anne est juste un merveilleux mélange de sons, avec un courant si naturel.
Pour conclure l’entrevue, j’aimerais te demander de nous parler de la splendide couverture de l’album. Qui a créé cette œuvre abstraite et est-ce qu’elle porte une signification particulière?
La peinture est une découpure d’une plus grande œuvre d’art de Pleun Moons. Elle faisait partie d’une série de trois grandes toiles. Les peintures ont été créées en déchirant à plusieurs reprises les couches du plancher d’un espace artistique. L’une d’elles était découpée en morceaux plus petits – comme celle de la couverture de l’album, ce qui révélait encore plus les détails des couches de peinture et de bois qui étaient autrefois cachées sur le sol. Toutes les couches de couleurs sur le plancher étaient comme les cernes d’un arbre. En ce sens, la peinture originale parle de la présence inévitable du temps et de périodes différentes en simultané. À travers le processus du travail, on ne peut jamais nier ce qui existait avant, même effacer ou mettre une autre couche par-dessus ne nie pas ce qui se trouve en dessous. Chaque marque, chaque couche et chaque action définit le temps; en omniprésence, moments, simultanéité, ou l’absence de temps.
Tout cela ne se traduit pas directement dans ma musique, mais les similitudes entre ma musique et ses peintures sont visibles dans la façon dont elles apparaissent: à travers l’inattendu. De cette manière, l’échec et l’imperfection peuvent également se matérialiser; c’est un assemblage égal de fragments de la réalité.
Merci pour ton temps temps!