[Recommandation] Musique d’ameublement pour espaces dissonants – Vol. 4
Nous voilà à l’aube de la première année d’existence de ce concept lancé par Elena et il faut dire que les sources d’inspirations ne nous manquent pas! Ce nouveau volet de Musique d’ameublement pour espaces dissonants présente six albums enlevants de par leur beauté, leur hantise ou leur intensité. De l’ambient au noise en passant par le drone et l’industriel, vous avez plusieurs heures d’excellente musique à vous mettre sous la dent. Bonne écoute et bonne lecture!
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Camecrude | Enclave II-II
Paru le 21 décembre 2020 sur Cioran Records.
→ Texte de Louis
Méandres des rêves défunts, Enclave II-II tergiverse patiemment, prônant l’égarement, la désolation et le marasme. Tels des sables mouvants, la musique de Camecrude nous accueille naturellement, paisiblement. Gare aux traquenards, car un faux pas peut faire la différence. Une embûche et c’est la pagaille, la débandade pure et simple. Bienvenue au purgatoire et bonne chance pour la suite, vous en aurez besoin!
Alors, comment vous sentez-vous? Il faut l’avouer, ce n’est pas si mal, c’est même plutôt agréable… Derrière l’intimidante heure et demie de pur délire imaginée par le producteur français se trouvent des compositions savantes, bien qu’inhospitalières. Mais n’est-ce pas ce que nous recherchons? Noise débridé et ravageur, dark ambient angoissé et poisseux, la recette mise de l’avant par Camecrude se veut toujours aussi efficace.
Divisé en deux chapitres, l’album s’élance en puissance avec trois débauches monolithiques, de longues pièces où la dévastation règne sous fond de harsh noise et d’industriel bien décapant. Rituel occulte ou cauchemar abyssal, cette perturbante introduction s’immisce dans notre cerveau, laissant tranquillement planer le doute et le désarroi. Sur la seconde partie, ce sont les ténèbres qui s’installent, beaucoup plus sournoises, mais tout autant ravageuses, poursuivant leur machination, et n’ayant qu’un seul but: prendre le contrôle. L’aventure se conclut comme elle a commencé, dans la tourmente, ne laissant qu’une flaque résiduelle au sol. La bête a vaincu, quel futur nous réserve-t-elle? Un dernier questionnement demeure, est-ce que cette balade était bien réelle ou le fruit de notre imagination tordue et perverse?
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Ekca Liena | Veiled State
Paru le 11 décembre 2020 sur Hidden Vibes.
→ Texte de William
Bienvenue dans une dérive fantaisiste, dans un état altéré de conscience. Nous y apercevons le Soleil, mais aussi la Lune, cette quête sonore qui se déroule partout et nulle part à la fois est exactement ce dont nous avions besoin sans même le savoir. Délicatement, les notes se posent sur notre peau, nous faisant frémir par la même occasion. Notre respiration est devenue la clef, elle s’harmonise avec les bruits, les tintements et le souffle du vent. Il faut chérir cette fusion, il faut y plonger sans faire d’éclat. Nos yeux cognent, nos mains s’enfoncent, nous basculons sans cesse entre ténèbres et lumières. La concentration devient alors facultative, notre corps fait déjà partie intégrante de cette spirale voilée, notre regard est perdu depuis longtemps. Il se passe quelque chose d’important à l’intérieur de nous, des évidences refont surface et des doutes se dissipent, nous avons l’étrange impression de nous effondrer et de nous édifier en simultané. Tout cela se produit sans le moindre mouvement, dans un immobilisme total, dans une immersion absolue. Merci Ekca Liena, votre musique est belle et justifiée, vos intentions comblent nos vides et nous accueillent à bras ouverts.
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Emba | Paragraphs
Paru le 24 octobre 2020 sur Handstiched*.
→ Texte de William
Être témoin d’une conversation pertinente sans en prendre part activement demeure une expérience fort intéressante. C’est un peu le sentiment qui nous habite lorsque nous observons Mathieu Lamontagne (arbee) et Tim Diagram se communiquer au travers de cette collaboration essentielle. Si les deux artistes correspondent au présent, ils nous forcent toutefois à imaginer le passé, la nostalgie suintant de chacun des chapitres. Malgré notre retrait, ce sont dix sentiers ondoyants que nous empruntons en leur compagnie, cette distance laisse l’espace nécessaire aux sons pour former les rudiments de quelque chose de grand, une communion inhabituelle, un tout.
Leur utilisation de la technologie incarne la nature, où plutôt les divers éléments de celle-ci. Cette musique de solitude est une errance portuaire où la brise marine nous aide à assimiler l’oubli. Elle permet de scinder les corps pour mieux les faire renaitre de leur vénalité et de l’absurdité existentielle. À l’intérieur de ses nombreux paragraphes muets, il y a des mots (les nôtres), qui deviendront également les leurs. Finalement, cet échange de talent engendrera un dialogue interne qui éliminera nos tensions présentes et passées, fournissant un remède à quelque chose d’innommable. S’égarer dans le pétillement des machines aura rarement été aussi thérapeutique et lénifiant.
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JUANITO))) | VOLUME 100)))
Paru le 2 octobre 2020 sur Imploding Sounds.
→ Texte de William
Quand le titre d’un album vous indique clairement la marche à suivre, il faut la respecter. Nul besoin d’écouter ce disque si le volume n’est pas dans le tapis et que les basses font trembler le plancher, au diable les voisins… De toute manière, ils auront sans doute déménagés après l’écoute de VOLUME 100))). En établissant ses propres conditions, JUANITO))) jette un regard avilissant sur son auditoire, avec laquelle il s’amuse sadiquement. Si les premières quinze minutes ont comme mission de nous malaxer les neurones avec des percussions éreintantes, le reste s’avère être un édifiant mur de son qui s’émancipe au gré des morceaux, tous plus écrasants les uns que les autres.
Vous comprendrez que le style de prédilection ici n’est pas de tout repos, l’artiste ne fait absolument pas dans la dentelle, c’est stressant, c’est bruyant, c’est étouffant. Prendre la décision de s’infliger un tel album est un choix qui ne nous laissera pas indemnes, mais qui a le mérite de nous servir une vivifiante douche sonore. Un choix que ne regretteront pas ceux et celles qui ont besoin de remettre le compteur à zéro dans leur vie personnelle. Croyez-moi, il ne restera rien d’identique après cette séance d’écoute, c’est un supplice gratifiant. Même si les décibels nous prennent souvent aux tripes, JUANITO))) sait calmer le jeu et est passé maître dans l’art d’installer furtivement ses crescendos, de sorte de nous garder sur le qui-vive en permanence. Ce qui est agréable avec VOLUME 100))), c’est que vous aurez l’impression d’avoir payé pour un rendez-vous chez le psychologue, chez le chiropraticien et chez le dentiste, tout ça pour la modique somme de 2$ sur Bandcamp, c’est un pensez-y bien!
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Phragments | Anthems Of Solitude
Paru le 20 décembre 2020.
→ Texte de William
Étroitement reliés à la période actuelle, ces hymnes à la solitude savent comment rendre nos nombreux moments d’isolement encore plus troublants. Parfois, cette nécessité de s’exiler nous hante, à d’autres moments elle nous libère d’un poids incommensurable. Chose certaine, cette balade glauque dans les tréfonds de la musique saura nous cloîtrer à un point tel que nous parviendrons à nous soustraire nous-mêmes de notre carapace.
La seule chose qui respire ici c’est la musique, son souffle est lent et à peine perceptible, mais elle en fait suffisamment pour nous traîner dans l’ombre avec elle. L’inquiétude coule dans nos veines, ce terrain de jeu sinistre nous appelle malgré tout, son pouvoir d’attraction est incontestable. Cette immensité morne qui nous encercle méticuleusement à des idées claires, elle se laisse contempler pour une raison. Son aura est si dense qu’elle nous effleure les cheveux, les oreilles, le dos…. jusqu’à nous forcer à fermer l’œil. De cette manière, elle peut errer comme bon lui semble et s’accaparer de l’espace nécessaire afin de nous mettre en état de paralysie. Nos paupières sont désormais clouées et le point de non-retour est atteint. Nul besoin de lutter, ou de se barricader, il faut accepter que les limites sont transgressées et que les directives proviennent de nos enceintes.
La distance que nous désirions conserver se dissipe, le trou noir se forme à notre insu (ou non), le mal est déjà fait. La seule voie possible est de fuir dans la musique, d’embrasser ce néant qui s’offre à nous, d’aller chercher ce qu’il a à nous offrir, car il est riche et lucide. Cet album est une étude mutuelle entre les sons générés par l’artiste et nous, ce périple onéreux au travers des soubresauts ténébreux occasionne un réveil salvateur, car au plus profond de notre solitude se cache une force inégalée. Concluons avec ces sages paroles de l’artiste…
IN SOLITUDE WE RISE, IN SOLITUDE WE FALL.
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Vargkvint | Hav Reimagined
Paru le 22 janvier 2021 sur piano and coffee records.
→ Texte de Louis
La beauté de la musique de Vargkvint est indéniable. Les délicates nappes harmoniques que la musicienne suédoise Sofia Nystrand dresse sur son passage émerveillent et émeuvent, tels les doux flocons qui descendent du ciel lors de la première neige automnale. Son énigmatique univers sonore oscille autour d’un grandiose mélange de folk, de néoclassique et d’électronique, créant cette chamboulante oeuvre qui a atteint son paroxysme avec la parution de son tout premier album, Hav, en avril 2019. Nous sommes maintenant près de deux ans plus tard et voilà que quelques artistes que Nystrand affectionne particulièrement réimaginent à leur manière son splendide travail.
Lucy Claire, Sun Rain, Bonander, Hoshiko Yamane, Kinbrae, Klangriket & Sjors Mans et Tim Linghaus se succèdent, adaptant élégamment chacune des sept pièces originales de Hav. Perpétuant l’enchantement, les huit producteurs et productrices parviennent à ajouter leur personnalité et à élever les mélodies à un niveau de sublimité encore plus grand. Captant l’essence et la pureté propres aux compositions de Vargkvint, la magie opère à nouveau, formant de bouleversants paysages sonores. Hav Reimagined rend un vibrant et chaleureux hommage à la talentueuse musicienne, offrant un nouveau souffle à un album qui mérite d’être entendu par toutes et tous.
Si vous avez apprécié, n’hésitez pas à vous procurer l’album au lien suivant alors que tous les profits sont remis à l’organisation The Ocean Cleanup.
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