[Scène française] Camecrude – Enclave I
Il y a de ces albums qui possèdent une aura mystique. Peu importe le degré de préparation dont nous bénéficions avant l’écoute, nous ne serons jamais réellement prêt·e·s à affronter ce qui se trame en coulisses. Camecrude, le projet solo de l’artiste Valentin Laborde, nous expose justement à une création profondément bouleversante alliant noise et folk expérimental. Le rendu est si poignant que vous aurez l’impression qu’une entité s’imprègne de votre corps au défilement des premières secondes.
Le dérapage sonore que constitue Enclave I est un alléchant nonsense qui nous ronge les organes internes. Ça grince, ça décape, ça éblouit, mais surtout, ça étonne. À plusieurs reprises lors de l’écoute, il nous faudra mettre un frein face à notre surprise généralisée. Le spectre des possibilités est tout simplement incommensurable. Certes, cette musique improbable est le reflet d’un esprit tourmenté, mais avant toute chose, elle présente une créativité sans borne. Les mots de l’écrivain et philosophe Emil Cioran bercent les premiers instants de presque chacune des compositions, nous dirigeant vers un chemin de plus en plus sinueux, voire labyrinthique. En plus de la voix du mythique artiste roumain, l’album offre son lot de gémissements, d’incantations et de délires que Valentin s’amuse parfois à faire lui-même. Le résultat est à la fois captivant et glauque, impossible de rester de glace face à cette viscérale décharge de sons.
À l’instar du musicien bvdub, que nous chérissons particulièrement sur le site, Camecrude est aux prises avec de graves problèmes d’insomnie. Cette fâcheuse situation agit inévitablement comme principal vecteur de création, forgeant la trame narrative de son œuvre. Il parvient même à la rendre contagieuse après une écoute dévouée, car rien ne sert de s’installer confortablement, l’inconfort est inévitable. À l’écoute des six imposants morceaux qui composent l’album, le temps défile très lentement. Un sentiment d’étourdissement permanent nous habite, c’est définitivement l’une des choses les plus tordues que nous ayons analysées jusqu’à présent. Concédons à Valentin ce qui lui revient, il est maintenant devenu la légendaire bête qui l’effrayait lorsqu’il était petit, le Camecrude.
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Paru le 26 septembre 2018 sur Cioran Records.
- Révision du texte par Sandra.