[Recommandation] Musique d’ameublement pour espaces dissonants – Vol. 5
Antony Coffinot & Alexandre Navarro | Aurora
Paru le 13 février 2020 sur microrama.
→ Texte de William
Une ville dans la pénombre, c’est ce que nous révèle la photo de couverture en toute sobriété. Une fois que les édifices et les nuages colorés se joignent aux sonorités des deux comparses parisiens, cette image précédemment immobile prend vie, elle s’active au gré des mélodies. Agissant tel une force tranquille, leur musique frappe notre imaginaire avec sincérité, utilisant l’espace de manière consciencieuse. Les élans de synthétiseurs sont apaisants, ils nous bercent et nous entraînent dans la poésie passagère qui meuble Aurora.
Avec ses cinq morceaux, cette première collaboration du duo nous permet de trouver ce que nous ne cherchions pas initialement, forçant une certaine déroute des idées qui nous habitaient en entrée de jeu. Cette capacité à engendrer l’égarement est fidèle à la carrière d’Alexandre Navarro, qui nous sert des petits chefs-d’œuvre plusieurs fois par année. Qu’il soit seul ou en compagnie d’ami(s) de talent, le résultat demeure toujours pertinent, c’est particulièrement le cas avec ce nouveau projet qui nous démontre une grande patience et une utilisation impeccable de l’échantillonnage sonore. Il ne reste qu’à vous installer confortablement et faire une immersion dans cette pochette aux possibilités infinies!
∼∼∼
Ghostovmyself | Al’ashbah / الأشباح
Paru le 21 janvier 2021 sur Mediteranos.
→ Texte de Louis
Vrombissements nocturnes en quête de liberté et à la recherche d’espoir, les sinistres échos produits par Ghostovmyself manifestent une immensité hors du commun. Par leur caractère angoissant et leur intensité viscérale, les quatre pièces qui forment Al’ashbah / الأشباح émeuvent et renversent quiconque souhaite se prêter à leur écoute. Plus récente offrande de l’artiste palestinien GOM, cet assemblage de drone, d’industriel et de noise capte l’essence primaire de chacune de ces influences pour en faire ressortir une vigueur émancipatrice et bienvenue.
Ayant vu le jour via la remarquable maison de disque Mediteranos, cette brumeuse concoction puise ses inspirations d’un monde dystopique et d’une réalité confuse, mais aussi d’une passion profonde et éloquente. Entraînant son auditoire à ses côtés dans cette tournée, le producteur façonne chaque sonorité comme si elle était vivante; nous surprenant, nous réconfortant ou nous oppressant sans vergogne. La musique de GOM résonne avec beaucoup de sensibilité et davantage de puissance, menaçant tout ce qui se trouve sur son passage de s’écrouler. Que dire du remix de Hålbå qui conclut cette aventure dans la dévastation et la dissonance? Chapeau!
∼∼∼
musique moléculaire | Cosmos
Paru le 4 janvier 2021.
→ Texte de William
Dire que Cosmos est un titre bien choisi pour cet album serait un pléonasme. Décidément, le producteur montréalais prend un malin plaisir à s’égarer aux confins du spectre sonore pour nous faire vivre des déroutes étincelantes. Celui qui est passé maître dans l’art des expérimentations étranges affiche une productivité incomparable au sein de la scène locale. Malgré plusieurs parutions ayant vu le jour depuis janvier, c’est celle-ci qui m’appelait à l’écriture, comme si son pouvoir d’attraction était insurmontable. La structure vivante et organique de cette longue pièce a de quoi nous engloutir en faisant évoluer une mélodie merveilleuse vers quelque chose de presque machiavélique. Comme si le grondement des appareils électroniques révélait de mauvaises intentions. Une fois que le tumulte de mi-morceau est achevé, nous nous retrouvons en totale flottaison dans l’espace, bien entendu, laissant la beauté infinie occuper notre regard et le pétillement des machines nous étourdir. Si vous aviez encore des doutes que musique moléculaire porte bien son nom, et bien vous serez totalement confondu·e·s après avoir vécu ce voyage astral en sa compagnie. Il s’agit aisément de l’un des artistes les plus imaginatifs du moment, alors n’hésitez surtout pas à le suivre pour découvrir ses nombreuses folies auditives qui nous transportent bien loin dans nos songes.
∼∼∼
Phalioo | Echo Waves
Paru le 5 décembre 2020 sur Speaking Of Clouds et Veinte 33 Records.
→ Texte de William
Voici un autre album qui porte magnifiquement bien son nom, je vous laisse deviner l’effet que les ondes auront sur votre corps. Avec son approche drone vibratoire et circulaire, le projet uruguayen Phalioo nous caresse les tympans avec légèreté. Les vagues qui déferlent sur nous sont bien dosées et procurent une détente presque instantanée. La musique qui nous est offerte est dénuée de tout empressement, elle respire au juste rythme et nous incite à suivre sa cadence. Le périple n’est toutefois pas homogène puisque l’artiste sait manipuler les ambiances avec efficacité, se promenant entre plusieurs créneaux minimalistes tous plus étonnants les uns que les autres. Si certains segments sont plus pulsés que d’autres, l’ensemble de l’œuvre nous garde tout de même en haleine, intégrant avec justesse plusieurs samples vocaux qui s’imbriquent à merveille au sein des structures lancinantes. Echo Waves c’est un peu comme une balade introspective sur la plage au lever du soleil, c’est un moment de contemplation qui nous soigne, qui nous aligne vers l’essentiel. C’est le genre d’album que vous avez besoin sans même le savoir, alors ne perdez surtout pas de temps!
∼∼∼
Sarah Haras | Mirage
Paru le 5 mars 2021 sur CHINABOT.
→ Texte de Louis
Rares sont les albums qui parviennent à nous surprendre, à nous divertir, à nous émouvoir et à nous jeter en bas de notre chaise. Pour obtenir un résultat de cette envergure, chaque élément doit être réfléchi et méticuleusement juxtaposé, tout en demeurant naturel afin d’assurer une cohésion exemplaire. Lorsque toutes ces composantes sont en place, il ne reste plus qu’à apprécier le moment et à se fondre d’admiration devant une œuvre de cette ampleur. La productrice bahreïnienne Sarah Haras arrive justement à cet accomplissement alors qu’elle nous présente l’un des albums électroniques les plus riches et texturés qu’il nous ait été permis d’entendre cette année, et dans les précédentes.
Derrière le mystérieux nom de Mirage se cache tout ce qu’il se fait de mieux en matière de drone, d’industriel et de noise. Cet amalgame stylistique progresse allègrement au rythme du disque, montrant sa grande diversité et arborant une apparence abstract et expérimentale forte. Captant l’attention dès les premiers instants, mais désorientant son auditoire à chaque occasion possible, la musique de Sarah Haras fascine par son ingéniosité et son audace. Tirant entre autres ses inspirations de la nature bahreïnienne et du folk khaleeji, la productrice n’a pas peur de s’aventurer sur des sentiers qui détonnent, par exemple en ajoutant des influences dancehall et beaucoup plus dansantes à un album qui ne l’est pas aux premiers abords.
Renversante expérimentation sonore, Mirage est tout sauf une illusion, chaque vibration, chaque seconde, chaque émotion est bien réelle. Il ne vous reste plus qu’à embrasser cette douche de décibels!
∼∼∼
SEPL | Drifting Lights
Paru le 7 mars 2021 sur Attenuation Circuit.
→ Texte de Louis
Murmures bruitistes tumultueux cachant un paysage dépravé et grisonnant, les reflets sonores qui jaillissent des instruments de Scorched Earth Policy Lab sculptent un tourbillon perpétuel d’ondes stridentes. Projet solo du prolifique producteur français Thierry Arnal, SEPL pousse son auditoire dans ses derniers retranchements, succombant entièrement à la merci des sons qui lui sont acheminés. Chacun de ses sens aux aguets, en pleine conscience de ce qui se profile à l’horizon, c’est dans le désordre que s’entame Drifting Lights.
Véritable appel aux âmes noctambules, ce formidable album représente ce qu’il se fait de mieux en matière de drone sinueux et de noise ingénieux. Grondements sourds, grésillements criards et voiles de décibels fantomatiques se succèdent et s’entrecroisent, dessinant des mélodies hypnotiques où la distorsion est maîtresse. Périple musical exigeant, mais ô combien bénéfique, l’écoute de ces huit compositions agit au même titre qu’une décharge d’électrochocs!
Constituant beaucoup plus qu’une simple virée auditive, Drifting Lights se comporte plutôt comme une expérience sensorielle souveraine. Procurant une vague d’énergie singulière, chaque parcelle sonore caressant les tympans et le cerveau avec dextérité et mordant, laissant une marque qui prendra quelques jours avant de disparaître. Pour le meilleur et pour le pire, sombrez en compagnie de SEPL!