[Recommandation] Rorcal & Earthflesh – Witch Coven
Je n’aurais pu espérer mieux que cet album collaboratif entre Rorcal et Earthflesh pour un premier sujet de chronique. Je ne m’étalerai pas sur l’aspect technique, mais plutôt sur le ressenti, car ce disque est une expérience en soi.
Puisqu’ils sont peu connus de ce côté de l’Atlantique, une mise en contexte me paraît pertinente. Rorcal est une formation exigeante et torturée, elle ne se laisse pas apprivoiser à la première écoute. C’est un groupe intransigeant, qui mélange les extrêmes à travers le black, le doom et plusieurs autres styles. Depuis ses débuts, il a énormément évolué et a tendance à durcir le ton. Cette évolution nous mène donc jusqu’à Witch Coven, album collaboratif avec Earthflesh. Ce projet solo ultra-prolifique verse aussi dans l’extrême avec un harsh noise très oppressant. Ces deux entités ne sont pas inconnues puisque c’est Bruno Sylvestre Favez, ancien bassiste du groupe, qui se cache derrière ses machines en solitaire.
Depuis sa création, Rorcal ne cesse d’explorer, de faire des collaborations, des splits et n’est pas avare en invités. Sur cette dernière parution, c’est encore une fois Michael Schindl (présent sur Altar Of Nothingness) des merveilleux Impure Whilhelmina, qui sortent d’ailleurs leur nouvel album à la fin du mois de mai.
Sur le premier morceau, le groupe retrouve son doom, où du moins lui laisse plus de place, en l’épaississant davantage. Les expérimentations noise de Earthflesh renforcent ce sentiment. Si sur CREON (sorti en 2016) nous pouvions reprendre notre souffle par moment, sur Witch Coven tout est noir, déshumanisé. Ce titre est en quelque sorte un anéantissement total de toute forme d’humanité. Après s’être ouvert sur des cœurs inquiétants, la composition devient lourde, très lourde, voire étouffante. Rien ne passe, tout est noir et nous sommes dans l’impossibilité de respirer. Ça, c’est sans parler des relents noise omniprésents qui finissent par achever l’auditoire. Ce chant nous prend aux tripes. Nous sommes face à un déferlement de haine, de souffrance et de colère. De mémoire, je pense qu’il ne m’a jamais été donné d’écouter une composition aussi oppressante. Sentiment décuplé par la lenteur et la répétition. Totalement fascinant.
Puis arrive un monstre portant le doux nom de Happiness sucks – so do you. Là c’est la même chose, mais à l’envers, le titre est une brutalité sans précédent. L’ouverture est… incroyable, vicieuse, véhémente. En une seconde montre en main, on se fait prendre directement à la gorge, la section rythmique est effroyable, les guitares hurlent à la mort et Yonni s’explose les cordes vocales comme jamais. Le titre se veut punitif. Tout se fond dans un maelstrom sonore où l’on perd littéralement ses repères. Là encore, Earthflesh se charge d’obscurcir le tout. Même lorsque nous pensons pouvoir reprendre notre souffle à la sixième minute, il y a toujours ce bourdonnement omniprésent et les martèlements de Ron Lahyani pour nous rappeler à l’ordre. Il s’ensuit alors une montée en puissance qui mène à une explosion cathartique. La dernière partie est un véritable carnage qui se termine avec des expérimentations noise du plus bel effet.
Pour résumer, un tel album ne s’appréhende pas dans la seconde. Déjà, deux titres pour un total de 31 minutes, ça peut être lourd à digérer pour ceux et celles qui ne sont pas familier·ère·s avec ce genre de musique. Un disque d’une noirceur incroyable, punitif ou s’entremêle black/doom/noise pour un rendu tétanisant. Certainement l’un des meilleurs du groupe.
→ À écouter si vous aimez : Amenra, Impure Whilhelmina, Unfold & Zatokrev
→ Morceau favori : Happiness sucks – so do you
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Paru le 2 avril 2021 sur Hummus Records.
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