[Recommandation] Anjou
Si vous êtes un amateur de musique post-rock, vous avez sans doute déjà fait résonner du Labradford dans vos enceintes. Ce mythique groupe américain, principalement actif dans les années 90, a même fait une tournée en compagnie des héros locaux Godspeed You! Black Emperor en 1999. Malgré le démantèlement de la formation en 2001, les membres sont toujours restés impliqués dans le paysage musical. Ce sont les deux anciens musiciens du groupe, Mark Nelson et Robert Donne, qui ont donné naissance à Anjou il y a de cela quelques années à peine. C’est sous la fameuse étiquette Kranky qu’ils balancent la majorité de leurs publications depuis leur début. Sans surprise, le duo revient encore une fois sous cette bannière pour nous proposer son délectable deuxième album intitulé Epithymía. Ce nouvel opus propose une oscillation entre de vastes paysages ambiants et de savoureuses doses d’expérimentation. Une œuvre ambitieuse qui se déconstruit en quatre titres monolithiques de plus de dix minutes, entrecoupés de deux pièces de transition. Cette suite logique à leur première parution éponyme permettra certainement de cimenter leur réputation dans la très riche scène ambiante actuelle.
La vaste expérience et la complicité de Mark et Robert sont palpables de la première à la dernière minute d’Epithymía. Tous les éléments sont fluides, vous n’aurez d’autre choix que de vous abandonner lors de cette bouillonnante traversée. La complexité et la variété des sonorités sont presque inimaginables, il est difficile de croire que l’album fut composé globalement à distance, les deux s’échangeant des fichiers entre Chicago et Richmond. Le morceau An Empty Bank, probablement le plus bouleversant de l’album, nous déstabilise même avec l’apparition inattendue d’une clarinette. Immédiatement, j’ai revécu des émotions similaires à celles que j’ai développées lors de l’écoute d’un disque de Bohren Und Der Club Of Gore. Cette quête de diversité est d’autant plus importante puisque le percussionniste Steven Hess, membre de Locrian et Pan•American, n’était pas de retour pour la création du second album. L’absence de réelles percussions passe totalement inaperçue, un magnifique titre comme Soucouyant est si personnel et envoutant qu’un simple geste démesuré pourrait gâcher le pouvoir hypnotisant qu’il détient chez l’auditeur. Cette composition m’a immédiatement rappelé la beauté que j’avais perçue sur l’extraordinaire album de Huerco S. paru l’an dernier. Epithymía se glissera aisément dans les albums de l’année en matière d’ambiant, rares sont les offrandes aussi riches et saisissantes. Le futur de ce projet ne pourrait pas être plus reluisant, ils entameront même leur première tournée en mai prochain, prions pour une future bifurcation vers Montréal.
Pour l’imprévisibilité à l’état pur…
Pour une lente descente dans l’obscurité…
Pour une dose incomparable de nostalgie…