[Scène locale] Political Ritual – S/T
Le coup de foudre est survenu en 2016, dans la petite salle du MAC lors du festival MUTEK Montréal. Le duo expérimental composé de Félix-Antoine Morin et Maxime Corbeil-Perron avait littéralement fait trembler les fondations du musée; c’était un moment d’une grande intensité. Jusqu’à tout récemment, c’était malheureusement le seul contact que j’avais eu la chance d’avoir avec Political Ritual. Ce bon souvenir est resté gravé dans ma mémoire, mais les deux musiciens n’avaient jamais recroisé mon chemin par la suite.
Ce temps est maintenant révolu puisque devant moi se trouve leur toute nouvelle offrande. Un magnifique vinyle éponyme proposant deux imposantes pièces de plus de vingt minutes. Forgés sur fond de deuil, d’abus et d’inquiétude, ces deux rituels nous promettent un voyage déstabilisant en territoire hostile. La marche à suivre est simple: montez le volume adéquatement, installez-vous confortablement et laissez les décibels vous percuter de plein fouet.
Si les premières minutes de ce morceau ne vous écrasent pas dans votre siège, c’est parce que vous avez commis une première erreur. Le volume doit obligatoirement être monté d’un cran, car il vous faut entendre les notes siffler comme de violentes rafales de vent. Lorsque vous aurez le sentiment d’être égaré au beau milieu d’un tourbillon sonore, vous comprendrez que vous avez fait le bon choix. Ces bourrasques seront votre moyen de transport pour accéder à l’univers chaotique du duo montréalais. Vous comprendrez rapidement que cette improvisation raconte un récit déconcertant, c’est la trame sonore de quelque chose qui nous surpasse.
J’ai perçu Cérémonie comme une histoire où chaque instrument représente un personnage, tous plus tourmentés les uns que les autres. Ils m’apparaissaient brisés et éraillés, tout comme les outils de créations utilisés pour la confection de cette œuvre écrasante. Félix-Antoine et Maxime y ont déversé leurs tripes, il s’agit ici de l’une des musiques les plus inspirées que j’ai eu la chance de mettre sur ma platine. Chaque écoute vous replongera d’une manière différente dans cette troublante narration, le potentiel de réécoute est littéralement infini tellement ce qui se rend à notre cerveau est étoffé. C’est l’album de prédilection pour déconnecter du triste monde auquel nous sommes condamné·e·s.
Cette deuxième entité sonore se matérialise comme un long couloir dans lequel nous sommes forcé·e·s d’avancer. C’est une composition caverneuse qui nous ensorcelle avec une multitude de bruits d’ambiance accaparant le spectre auditif. Une fois bien submergé·e·s dans ce gouffre musical, nous réalisons qu’il sera impossible de faire marche arrière. La progression est tout simplement impressionnante, les couches se multiplient avec une délicatesse déstabilisante. Nous ne sommes définitivement plus en contrôle de notre corps et de notre esprit, ce morceau est désormais aux commandes.
Projection cathodique nous plonge entre la vie et la mort, à l’intérieur de ce fameux tunnel qui habite l’imaginaire des êtres humains depuis des lustres. Oscillant entre le trajet vers l’enfer et celui du paradis, la destination finale demeure incertaine. Je crois tout de même que quelque chose de positif ressort de cette tumultueuse création, une lumière jaillit néanmoins à travers la brume. Un album de cette envergure se savoure avec une totale dévotion, sans quoi vous ne serez pas en mesure de saisir l’ampleur du travail qui se dissimule derrière chacune des notes. Il représente une expérience musicale pratiquement inqualifiable, j’ai eu l’impression de faire de la méditation en ayant consommé des substances hallucinogènes. En espérant que vous arriverez aussi à laisser l’immense talent de ces deux musiciens vous faire décoller dans vos pensées les plus lointaines.
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Paru le 23 janvier 2018 sur Ambiances Magnétiques.
- Révision du texte par Geneviève.