[Scène locale] Ensemble ILÉA – Multi.Cosmes
Qu’est-ce que vaut la vie si elle est vécue sans faire face au moindre défi? À mon avis, les zones de confort sont faites pour être transgressées, surtout au niveau artistique. Cette nouvelle chronique sur la scène montréalaise se veut l’un des plus grands travaux d’analyse que j’ai eu à effectuer pour le site jusqu’à présent. L’Ensemble ILÉA (Improvisation Libre Électro-Acoustique) nous présentait en février dernier son plus récent album intitulé Multi.Cosmes, une véritable mine d’or qui n’attend que de se faire exploiter par vos oreilles assoiffées de nouvelles sonorités.
Si le terme électro-acoustique ne vous est pas familier, il est important de diriger vos attentes dans la bonne direction. Oubliez vos habituels repères, mettez de côté les structures traditionnelles, vous voilà plutôt dans un riche univers parsemé de surprises et de dérives musicales alléchantes. Il est impossible de prédire ou d’anticiper le résultat avec une telle brochette de musicien·ne·s, cette troupe regroupant une douzaine de membres regorge de talent. Les plus assidus en matière de musique électronique expérimentale reconnaitront peut-être quelques noms comme Alexis Langevin-Tétrault et Pier-Luc Lecours qui font partie du projet QUADr ou encore Charlotte Layec qui a participé à la dernière édition du festival Mutek Montréal en compagnie de ce dernier sous le nom d’Imaginary Landscape.
Avec un alignement aussi nombreux et impressionnant, il pourrait être facile de s’égarer dans une totale discorde musicale. Heureusement, ce n’est absolument pas le cas puisque la cohésion entre tous les participant·e·s du projet est frappante, chaque artiste parvient à se démarquer à un moment où un autre de cet imposant album. Que ce soit par la finesse déroutante de la harpiste Alexandra Tibbitts dans Eclipse.Extinction, par les percussions stupéfiantes de Simon Aliotti dans Noise.Counterpoint ou encore les diverses fresques électroniques forgeant les balises de Multi.Cosmes, l’ensemble dirigé par Kevin Gironnay demeure toujours très pertinent et déstabilisant. Cette sublime complexité est directement responsable de mes nombreuses tentatives d’écoute échouées avant de réellement saisir ce que ce projet avait à transmettre. Dans cette époque de consommation musicale rapide et non attentive, j’ai vite réalisé que cette création ne pouvait pas s’apprécier à sa juste valeur en effectuant une tâche simultanée.
Ce n’est qu’une fois étendu dans mon lit avec mon casque d’écoute lors de ma quatrième tentative que j’ai véritablement eu le déclic. À trop vouloir décortiquer un album, il est possible de s’égarer de la raison principale de notre démarche, se laisser porter par la musique et par la beauté des sons. J’irais même jusqu’à dire que Multi.Cosmes ne s’analyse tout simplement pas, en réalité, c’est plutôt la situation inverse. J’ai alors laissé les cinq titres me transporter dans mes pensées telle une rencontre chez le psy. La richesse de ces compositions a décidément le potentiel de vous guider très loin dans votre subconscient, il y a quelque chose de libérateur qui colle à ce que fait l’Ensemble ILÉA. Est-ce que c’est le genre d’expérience que nous avons envie de vivre sur une base quotidienne, peut-être pas, mais il est impossible de rester de glace face à une aventure sonore de cette envergure lorsque les conditions d’écoute sont propices. C’est une œuvre à réécouter à maintes reprises lorsque vous avez envie de disparaitre pendant une heure, car la surdose d’informations sonores saura toujours vous diriger dans une direction différente et vous faire le plus grand bien.
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Paru le 20 février 2018 sur Mikroclimat.
- Révision du texte par Geneviève.