[Scène locale] Rosewater Ctz – Crushed
Six mois plus tard dans les Maritimes, osons maintenant quelques mots au sujet du dernier EP du producteur et DJ montréalais Victor Bongiovanni, alias Rosewater Ctz. Sorti le 18 décembre 2017 sur la jeune étiquette belge aardkern, Crushed fait suite à Solace, le premier EP de Bongiovanni paru en 2015. Quelques mots donc : des palmiers dans l’espace, des nuages de vapeur, une apesanteur tragique, tragique comme un film où Ryan Gosling meurt en pleine quête existentielle, seul au bord d’une autoroute, dans la fumée stagnante des pneus qui brûlent dans la nuit d’été… Ouais, ça c’est mon propre délire d’interprétation. Après avoir partagé mes impressions à Victor et une fois son émoi estompé (son émoi = « putain ok… »), il établit lui-même la vérité et l’intention derrière son EP:
Au moment où je le composais, je vivais en Allemagne ; je passais davantage mon temps à lire de la science-fiction qu’à aller dans les clubs. En gros, j’essayais de créer des sons de guitare, avec un casque pourri, dans ma chambre, sans guitare.
Résultat : Six pièces où voisinent des ambiances obscurément new-age et cinématographiques (Elys, Cleanse et Ink) et des rythmiques massives et imperturbables, teintées de DnB modéré, de big beat et de trip-hop riche en delay (Dead 2 Me et Pray 4). Résultat, nous dit Bongiovanni : « ambiant, folk, techno, country ». Ok Vic… ça c’est ton délire à toi, mais c’est aussi l’interprétation légitime de ta propre œuvre, et à bien y réfléchir, j’estime assez juste que tu y trouves de la musique folk et country, à tout le moins au sens où le folk et le country reflètent l’esprit populaire, la musique du pays. Justement, c’est là où je veux en venir, Crushed est à mon avis un exemple admirable du vent frais qui souffle sur la musique pop montréalaise, laquelle jouit de son métissage avec les musiques électroniques. Ainsi, composant dans le même sens que CRi et Ouri, Bongiovanni donne le ton juste en alliant des couleurs plus légères, des tournures mélodiques ou autres éléments issus des codes solides de la musique pop, à la profondeur catégorique d’une musique introspective, planante et vaporeuse. Une musique sensible bien plus à elle-même qu’aux exigences déprimantes du commerce.
J’ai d’abord découvert Victor en 2012, sur la Piu Piu Beat Tape Vol. 2, où il signait avec Phil Sparkz un gros beat qui les fait bien rire à présent. Depuis, il s’est occupé à spinner des disquettes dans les partys de Booty Bakery, Moonshine, etc. Il s’est livré à la musique et ses compositions se sont raffinées et ramifiées. Je vous invite aujourd’hui à le découvrir, mais aussi à l’écouter, à le méditer, à le feeler, à l’apprécier et à l’aimer. Car la musique, c’est beaucoup d’amour. En voici la preuve : l’autre après-midi, j’ai croisé Victor et il m’a dit : « Je suis complètement hangoveux » et moi bien sûr d’entendre « complètement amoureux »…
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Paru le 18 décembre 2017 sur Aardkern.
- Révision du texte par Sandra.