[Entrevue + Exclusivité] A/C Repair School – Órfãs
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Chaque parution de Grimalkin résonne avec beaucoup d’attention dans les oreilles des membres de MEFD et lorsque nous avons l’occasion de vous partager le fantastique travail du collectif, nous n’y manquons pas. Nous sommes donc extatiques de vous présenter en exclusivité l’écoute du tout premier album de A/C Repair School, duo formé de Rafael de Toledo Pedroso (deus1, DJ Pai Ausente, heche, Pedroso & Pedrosa, Summer 2015) et Carolina Simionato (soft verges). Aux frontières entre l’électronique, le punk et le folk et en arborant en permanence un aspect rêveur qui la rend si unique, leur musique fait office de véritable remède sonore aux maux de la vie. Órfãs vous enchantera par sa beauté, sa tendresse, mais également par son intensité. Apprenez-en plus sur le sympathique duo dans cet entretien que nous avons réalisé avec Carolina et Rafael. Bonne lecture!
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Vous laissez paraître Órfãs sur Grimalkin Records, votre premier album en tant que A/C Repair School. Venant tou·te·s les deux du Brésil, je me demandais s’il s’agissait de votre première collaboration et comment vous avez commencé à travailler ensemble?
Carolina: Oui, il s’agit de notre première collaboration. J’ai rencontré Rafael via un ami que nous avons en commun, qui avait écouté les premières chansons que j’avais sorties sur Bandcamp en juin 2019 et qui a ainsi réuni un petit groupe de personnes qui pourraient être intéressées à créer de la musique ensemble. Sur le plan collectif, nous n’avons pas réussi à terminer de projet, mais Rafael et moi avons commencé à discuter et à collaborer, heureusement.
Rafael: Oui! Órfãs fut notre premier contact musical. Dès que j’ai entendu soft verges (le projet solo de Carol), j’étais excité de travailler avec elle.
Vos compositions portent une forte charge émotive et sont livrées avec beaucoup de tendresse et de fragilité. Votre art semble être un exutoire très puissant, je me demandais qu’est-ce qui vous a poussé à aborder le thème de l’abandon sur votre album et quel était votre état d’esprit lors de la création des morceaux?
R: Le thème de l’abandon est seulement devenu conscient après que nous aillions pris du recul par rapport à l’album – à ce moment, la connexion entre les différentes chansons est devenue claire, nous avons également senti que nous venions de capturer un magnifique moment de mélancolie. Carol pourra mieux répondre à cette question puisqu’elle a écrit les textes – je deviens toujours très émotif lorsque je l’écoute, comme je peux m’y identifier de plusieurs manières et à chaque écoute, les paroles semblent relater différentes formes d’abandon.
C: Je ne crois pas que nous savions que c’était à propos de l’abandon dès le départ. Je ne le savais pas. Mais en regardant derrière, c’est plus facile de connecter les points. Je pense que Rafa et moi avons beaucoup d’expériences reliées à ce thème, ce qui évoque probablement la raison pourquoi nous pouvions ressentir ce que l’autre exprimait. Je me suis souvent sentie abandonnée et rejetée lorsque j’étais enfant, même si je n’en étais pas consciente. Je vivais avec mes parents dans une colonie MST (Mouvement des sans-terre), et nous pouvions sentir que nous étions très rejeté·e·s, par la façon dont les gens nous traitaient, même mes enseignant·e·s ou les autres enfants, comment les médias nous dépeignaient, avec quelle violence la police nous confrontait. Mais j’étais également perçue comme une enfant bizarre, ce qui n’aidait pas – j’étais souvent seule, même dans notre colonie. Mes parents n’étaient pas vraiment stables émotionnellement et avaient aussi de la difficulté à gérer plusieurs choses, ce qui empirait la situation.
Maintenant, c’est facile de voir comment tout ça peut mener un enfant à se sentir seul·e, rejeté·e et abandonné·e par le monde. D’un autre côté, j’aimais tellement lire et la musique, et il y avait quelques adultes dans mon entourage qui croyaient en moi et qui m’ont inculqué une sensibilité que je chéris. Mes parents ont aussi fait de leur mieux sur plusieurs aspects, l’empathie envers les autres étant l’un d’entre eux, même s’il y avait plusieurs pièces manquantes et même si cette empathie n’était souvent pas dirigée à mon endroit. Au moment où j’ai rencontré Rafael, je gérais tous ces problèmes à travers la psychanalyse, donc tout remontait à la surface. Et étant une femme latino-américaine résidant en Allemagne, il y avait encore plus de rejet et d’abandon à mon égard. Je vivais non seulement avec de l’amour non partagé, que je ressens toujours, mais je le vivais aussi d’une manière vraiment triste, probablement au travers toutes ces décennies de rejet et d’abandon. Je ne le comprenais pas nécessairement à l’époque, mais dans cet album, je chante toujours à propos de ces choses et de comment elles me constituent. Je crois que c’est principalement à propos de l’amour, mais d’une manière très détournée… avec beaucoup de mélancolie et du fait de ne pas être aimée. C’est un réel plaisir d’être en mesure de comprendre tout ça en ce moment et de pouvoir le ressentir, mais d’une manière beaucoup plus légère. Cette période de ma vie était, je crois, la tempête parfaite pour créer Órfãs.
Étant à des milliers de kilomètres l’un·e de l’autre, Carol à Hambourg et Rafa à Paraná, comment la distance a influencé votre processus créatif et qu’avez-vous appris de cette expérience?
C: Il est difficile de dire si notre musique serait possible si nous avions pu la créer physiquement ensemble, mais la distance a définitivement façonné la manière dont je l’ai abordée. Tout d’abord, je ne crois pas que j’aurais été en mesure de chanter si honnêtement si une autre personne avait été dans la même pièce que moi. Je chante habituellement librement pour plusieurs minutes et j’envoie le résultat à Rafael pour qu’il en fasse ce qu’il veut. C’était un processus d’abandon et de laisser-aller, et plusieurs choses que je n’avais pas du tout planifiées en sont ressorties. Je pense que je n’avais pas prévu la plupart, à l’exception de quelques lignes sur cachorro (we stone). D’une certaine manière, c’était très libérateur et cela m’a permis d’être vulnérable à un moment de ma vie où je croyais ne pas être prête à être vulnérable avec d’autres yeux, oreilles et cerveaux dans la même pièce que moi.
R: Je suis d’accord avec Carol – je n’aurais pas été en mesure de produire aussi librement, de vraiment expérimenter avec les textures et les rythmes que je voulais avec une autre personne dans la même pièce – peut-être après une période de temps, mais Órfãs était notre première collaboration. Je me rappelle d’avoir eu peur de savoir si Carol allait aimer les premières mélodies ou non. Elle ne les a pas seulement aimées, car ça a également créé une bonne partie de Órfãs.
Votre musique est un genre de dream punk à la fois hautement mélancolique et noisy, style que je trouve grandiose. Je me questionnais à savoir quelles étaient vos influences, qu’elles soient musicales ou non, pour arriver à un résultat aussi original et touchant?
C: C’est une question à laquelle Rafael pourra mieux répondre que moi. J’étais juste vraiment fascinée par ses instrumentaux et son mixage et j’ai senti que la voix et les mélodies s’accordaient à merveille. Nous avons parlé à propos de nos influences communes, alors peut-être que ça en faisait partie? Je me souviens que lorsque nous apprenions à nous connaître, nous avons eu une discussion importante pour dire à quel point Velvet Underground représentait beaucoup pour chacun·e de nous, par exemple. Peut-être avions-nous également parlé de Sonic Youth? Rafa, qu’est-ce que tu en penses?
R: Oui, absolument! Je me rappelle avoir eu de longues conversations à propos de Velvet Underground et ça m’a certainement toujours influencé musicalement. Je ne me suis pas lancé dans la production de Órfãs avec des inspirations particulières en tête, la majeure partie est née en improvisant et en voulant arriver à une atmosphère un peu punk-ish en utilisant seulement un vieux clavier et un monotron, le résultat devait être brut tout en gardant sa beauté.
Rafa, tu fais également partie de Pedroso & Pedrosa aux côtés de Pedro Pedrosa et tu produis différents styles de musique sous plusieurs pseudonymes. Carol, tu crées des paysages sonores envoûtants et magnifiques sous le nom de soft verges. À quoi pouvons-nous nous attendre de vous deux en 2021?
C: D’abord, merci beaucoup! Envoûtant et magnifique est exactement ce que je vise. Je suis en train de comprendre comment je travaille le mieux et d’expérimenter avec beaucoup de sonorités qui m’intéressent. Je travaille sur de nouvelles chansons qui vont dans une direction quelque peu différente, je suis assez satisfaite. Je ne sais pas trop où cela me mènera ou ce que je ferai avec les pièces lorsqu’elles seront terminées, mais c’était une belle aventure.
R: Plus de musique! J’ai quelques parutions de prêtes pour 2021 et je suis également en train de créer du nouveau matériel. Je ne sais pas trop quoi penser de cette année encore, mais j’essaie de garder le même niveau de production que l’année dernière, espérons-le.
Merci de votre temps!