[Scène locale] Sounds From Mothland Volume I
Si 2020 fut une année désastreuse, disons qu’elle nous aura au moins donné une multitude d’excellentes compilations à nous mettre sous la dent. Ceci est particulièrement vrai dans le jargon de l’électro local avec les Mirror Utopians, Montreal Dances Across Borders, Pandemic Artifact, Re:Conceive et Solidarity. L’arrivée de l’imposante compile Sounds From Mothland Volume 1 en décembre dernier venait toutefois boucler la boucle en nous offrant ce qu’il y a de mieux en matière de rock d’ici (et d’ailleurs)! De quoi faire vivre la musique des nombreux·euses artistes qui gravitent autour de cette agence/label qui nous a habitué·e·s à de la très grande qualité en termes de parutions, mais aussi en organisation de divers événements et festivals au fil des ans.
Cette sélection d’une quinzaine de morceaux se met en branle en douceur avec les notes féériques et ravissantes de Gladys Lazer, musicien israélien qui est un habitué des rendez-vous signés Mothland puisqu’il s’aligne souvent aux percussions de l’électrisant projet de Yonatan Gat. Cette judicieuse et magnifique introduction laisse place au talentueux Paul Jacobs qui accélère la cadence instaurée en entrée de jeu avec une batterie vigoureuse et une voix ensorcelante. C’est brut, c’est direct et ça met royalement de bonne humeur. Cette énergie positive se perpétue avec Birds Of Paradise et son pop-rock accrocheur porté par le superbe chant de Hannah Lewis. C’est une véritable surprise de la part de yoo doo right qui survient après coup, le trio montréalais y va avec un riff de basse ultra catchy jumelé à la mélodieuse voix de Jasmine Trails, un hit instantané grâce à ses synthés plus grands que nature et son refrain qui reste en tête pendant des heures. Une belle collaboration que nous n’attendions absolument pas! Le premier tiers de la compilation se termine avec la formation française Jessica93 qui hypnotise avec son sublime chant et ses martèlements cycliques en arrière-plan. Un groupe que nous connaissions très peu, mais qui mérite assurément que nous y jetions un regard plus approfondi, merci pour la découverte!
C’est le chant typique d’Atsuko Chiba qui tranche la prochaine portion de la cassette. La fougue et l’intensité habituelles du groupe nous séduisent particulièrement à cause de ses chœurs poignants et de son petit côté spatial, frôlant le progressif. C’est du bonbon, comme à l’habitude avec eux. Black Legary nous transporte pendant plus de sept minutes dans une tonne de directions différentes avec ce qui s’avère probablement être le morceau le plus abouti et ambitieux de l’album. Tantôt percutant et tranchant, tantôt planant à la sauce trip-hop, mais toujours purement efficace, ce remix de Sam Woywitka est tout simplement extraordinaire. La trame de fond électro se poursuit habilement avec The High Dials qui ne passe pas par quatre chemins pour nous présenter sa succulente pièce. C’est droit au but et ça donne drôlement envie de danser, étant porté par des mélodies trépidantes et des percussions infaillibles. Le segment le plus accessible de l’expérience survient grâce à la beauté surplombante de Spaceface qui nous déballe sa superbe voix sur une trame de fond pop psyché, un résultat qui n’a rien à envier à ce qui se fait de mieux dans le domaine. On s’y perd aisément et volontairement. S’ensuivra l’un des moments forts de Sounds From Mothland, Le Prince Harry y va presque d’une rythmique EBM pour nous faire perdre la tête à l’écoute de son rock décalé. Tous les éléments y sont à point, un titre qui s’accrochera inévitablement à nos playlists dans les prochains mois grâce à sa vibe très 80s rappelant même les premiers albums de Ministry par moment.
Le dernier droit est lancé avec les sonorités des vétérans de la scène locale Red Mass, on sent le groupe plus en mode exploratoire que sur son excellent A Hopeless Noise paru l’an dernier. C’est toujours plaisant d’avoir des nouvelles de la formation même quand elle emprunte des sentiers inattendus! Qui d’autres que VICTIME pour renchérir après ce dérapage dans le domaine de l’étrange? Le trio de Québec nous étourdit avec ses structures imprévisibles et son chant toujours aussi singulier. C’est à mi-chemin que le morceau prendra toute sa saveur à cause d’une montée incessante d’énergie qui assurera plusieurs péripéties. VICTIME est ce genre de groupe qui nous fait réellement nous ennuyer d’être dans une salle de spectacle bondée et suintante… Le comble de la dérive stylistique est atteint avec la folie du duo CRABE qui nous emporte avec lui dans un genre d’hommage excentrique au «blues», un voyage que nous acceptons de faire avec grand plaisir en leur compagnie. Bien que détonnante du reste de la compilation, soyons honnête en disant que c’est cette compo que nous avons le plus en tête après l’écoute des quinze chansons. UUBBUURRUU redresse la trajectoire vers un stoner rock plus classique, mais hautement efficient. On se laisse porter avec le sourire aux lèvres par la voix trafiquée et les riffs graisseux et puissants du groupe. Sans doute le morceau le plus professionnel et planant de tout le beau bordel sonore que Mothland nous offre. Quoi de mieux qu’un live foudroyant de Sunwatchers en guise de conclusion? En y allant à fond la caisse avec un style presque jazz improvisé, le projet nous laisse bouche bée et nous séduit par sa tonalité de guitare qui n’est pas sans rappeler les excellents Colour Haze. Vous aurez compris, TOUJOURS PLUS DE FUZZ!
Chapeau au label montréalais de nous avoir fait vivre des émotions fortes durant plus d’une heure et espérons que le deuxième volume voit le jour le plus rapidement possible afin de satisfaire notre soif de décibels si difficile à combler par ces temps pandémiques. Bravo à leur équipe pour le superbe travail d’assemblage!
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Paru le 18 décembre 2020 sur Mothland.