[Scène locale] Eman & GenericTM – Jefferson Chief
Le dernier EP d’Eman s’adonne représenter ce que j’avais besoin d’entendre en ce début de printemps 2021. Simple mais une claque en même temps. Les paroles sont très ancrées dans le présent. Aucune chance de passer à côté du sujet de la pandémie, mais ça ne devient pas le sujet central non plus. Par exemple avec des lignes comme:
y disent que c’t’un complot parce que leur musique personne la bump
moi chui tanné des niaiseux
J’entends les complotistes de la COVID en filigrane. Ça tire vers deux situations en une. La grosse ligne sur le contenu d’marde d’influenceurs dans Saint-Roch Nord tombe bien à sa place elle aussi.
Les rimes sont moins explosives que ce à quoi Eman nous a habitué·e·s, même si Jefferson Chief a tout de même des moments forts à ce niveau. C’est qu’il a perdu en abstraction, ce qui est dommage puisque l’ouverture que ça amenait élargissait le champ d’action des mots. Ce qui est perdu à ce niveau se retrouve dans plus de clarté, ce qui, peut-être, marche mieux avec ce projet en particulier.
Le flow est calme et brut. Un classique Eman flow syncopé. Les mots tombent bien même si c’est rarement là où on les attend, particulièrement sur une track comme Saint-Roch Nord. Il y a aussi une malade utilisation de silences rythmiques, qui tendent, suspendent ou mettent de l’emphase sur certaines tournures de phrase ou de beat. Les gros loops de GenericTM restent hypnotisants, mais avec l’interaction d’Eman par-dessus, on a l’impression que ce n’est pas le même à chaque fois que le loop reprend. Hedleyville concrétise même ce calme et cette patience dans les paroles:
j’ai pas inventé ça un soir au parc
ça prend une vie pour mettre l’amour nécessaire dans son craft
les gens veulent tout tout tout suite
bande de guignols
vous êtes tous sous vide
Du côté des beats, c’est une décapante version québécoise du retour du boombap. Gros sampling. Un vibe rappelant Griselda et leurs samples crasseux et peu croustillants. Les percussions sont bien fondues aux instrus: assez présentes pour faire bouger la tête, assez effacées pour ne pas comprendre exactement d’où vient ce groove. C’est tellement satisfaisant. Pareil du côté de la basse. Il y a peu de lignes sur Jefferson Chief, on a plutôt droit à des drops de 808 ponctuels, qui gardent bien buzzés sur les grosses fréquences du début à la fin.
Hedleyville rappelle des beats new-yorkais sur lesquels pourraient poser des rimes Your Old Droog, par exemple, avec ce fou sample enlevant qui sent le vinyle orange brûlé des années soixante-dix.
Ghost Town finit le EP, évidemment. Pas l’choix. La lourdeur de ce beat est si puissante qu’il n’aurait fait qu’outshiner ce qui l’aurait suivi. On trouve dans ce son pas mal toutes les qualités du projet synthétisées en une chanson. Y’a aussi sur cette piste une ligne de basse super smooth. Ça ajoute au groove et à l’harmonie de la chose. C’est peut-être ce qui en fait le banger du projet.
Bref un EP super pertinent en ce moment, autant au niveau des paroles, du flow, des beats et du mix de la chose dans son ensemble.
→ À écouter si vous aimez : Alaclair Ensemble, Lary Kidd, Nicholas Craven et Obia Le Chef
→ Morceau favori : Ghost Town
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Paru le 16 avril 2021 sur 7ième Ciel.
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