[Recommandation] Moodie Black – Lucas Acid
Les genres. Théories parfois fumeuses, parfois nécessaires pour catégoriser, classer, se rassurer? Rien n’y échappe. On invente des mots pour définir l’émergent, on invente des définitions pour tenter de comprendre l’inconnu. Moodie Black, ça ressemble à une histoire de liberté et d’émancipation dans toutes ces considérations.
Depuis la sortie de Nausea en 2014 sur Fake Four, Inc, Chris Martinez au chant, alias KDeath, a dévoilé être transgenre. Cette déclaration n’a évidemment rien changé dans la musique du groupe, elle ouvre par contre un champ de thématiques dans le contenu des textes clamés par l’artiste. Identité, paranoïa, absence d’amour et de reconnaissance sont autant d’axes qui traversent l’album avec vigueur.
Sur Lucas Acid, elle tente sa réconciliation en tant que personne trans et de couleur, dans un pays de plus en plus prédisposé à pousser ces individus vers la marginalité. Elle n’y va pas de main morte, les critiques sont acerbes, les émotions à fleur de peau. L’album transpire de sincérité sur chacune des dix pistes. Le chant se révèle aussi plus clair sur ce récent opus, avec quelques moments de proses plus sereines et apaisées. Nécessité revendiquée afin de donner plus d’impact à la libre parole qui découle sur l’album, car il s’agit bien des qualités premières de Moodie Black : l’écriture, le rythme et le timbre de voix de K.
Au niveau des arrangements, le duo s’inscrit dans la continuité de projets comme Dälek ou Death Grips, sans pour autant tomber dans le copier-coller. Là aussi le groupe cultive et revendique sa propre identité, la même qui a fait le succès des Américains en 2014. Les guitares oscillent entre climats oppressants, riffs abrasifs et élans mélodiques. L’ensemble se révèle donc plutôt électrique, avec des discrètes touches d’effets électroniques. Les rythmiques développent des beats lents et lourds, créant un imposant spectre de basses fréquences.
Pour faire simple, Moodie Black se classe dans la catégorie du noise rap. Voilà un terme inventé pour définir ce qui s’est créé à la convergence de deux influences. Mot qui se révèle bien inutile pour apprécier la qualité de cet album puisqu’il s’agit avant tout d’une musique faite avec sincérité et talent. Qu’importe l’étiquette que l’on (se) donne, on sait tous que l’important se trouve ailleurs. Qu’on parle de musique ou de toute autre chose, surtout d’êtres humains, c’est là que réside ce que l’on nomme liberté!
* Pour continuer l’exploration du genre, le projet se retrouve sur la liste de lecture bien nommée Rap & Noise, compilée il y a plusieurs semaines.
Pour acheter l’album, c’est ICI.
Paru le 6 avril 2018 sur Fake Four, Inc.
- Révision du texte par Geneviève.