[Recommandation] Ital Tek – Bodied
On entend souvent que les contraires s’attirent. Il faut bien se l’avouer, c’est fréquemment vrai. La complémentarité d’éléments qui semblent, de prime abord opposés, est un pari risqué, mais gagnant au final, de par la densité qui se crée au contacte de ses pôles.
L’album Bodied de l’artiste anglais Ital Tek traverse plusieurs antagonismes avec une ingéniosité qui n’avait plus besoin de faire ses preuves, depuis l’acclamé Hollowed paru en 2016 sur la même maison de disques, Planet Mu. Ici il est autant question de l’infiniment petit que d’un infini grand, de mécanique que d’organique, de bruit que de mélodies.
La symbiose de ces thématiques s’articule comme un périple au fil des treize pièces que compte l’album. Ce qui surprend alors, c’est la dynamique qui se joue dans les compositions. L’attention portée par Ital Tek pour cet aspect est tangible en permanence par l’importance, tant formelle que sensible, des silences.
Ce périple serait avant tout interstellaire, comme plongé dans une obscurité sans gravité. Çà et là, pris dans une tempête cosmique avec Lithic ou dans le silence d’un trou noir avec Isolation Waves, rythmé par le bruit de machines spatiales. Les sonorités mécaniques résonnent alors comme un rappel du besoin humain de la machine pour avancer dans ses conquêtes. Les notes plus organiques se vivent ainsi comme un contrepoint apaisant à tout ce grabuge rythmique, comme sur l’excellent titre Bodied.
Itak Tek a fait le choix sur cet album d’intégrer des sons enregistrés de plusieurs instruments, faisant là aussi se rencontrer deux pôles: le numérique et l’humain. Les gestes se superposent à merveille, instaurant la part mélodique au bruit rythmique, comme sur le magnifique Blood Rain ou encore Vanta.
Ce qui ressort aussi de l’album, c’est cette tension continue, tellement qu’elle semble ne jamais pointer vers un quelconque climax. Les rythmiques jouent sur des tempos différents, parfois absents ou lents, parfois frénétiques et incontrôlables, sans jamais s’envoler et s’emballer réellement.
Les basses fréquences jouent ce rôle de tension à merveille, teintant en prime Bodied d’un timbre cinématographique. On demeure alors simple corps en apesanteur pris dans une orbite d’ondes sonores…
Les contraires s’attirent parce qu’ils mènent plus loin, ils nécessitent plus de chemins pour rejoindre chacune des parties. Impossible de résister à cette attraction d’un ailleurs, si loin et si proche à la fois.
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Paru le 7 septembre 2018 sur Planet Mu.
- Révision du texte par Geneviève.