[Scène française] Nochrh – Haunted Ocean
L’océan. Immense, insondable presque. Une kyrielle de strates bleues entre les sombres profondeurs et le tumulte de sa surface. Un espace de solitude et de silence, de fracas et de tempêtes.
Pour son premier EP sous le nom Nochrh (lire No-Church), le français Timothée Maire (aussi connu pour son projet Auswal) nous emmène là, au milieu de rien, quelque part entre les vagues et les abysses.
«Haunted can mean many things. It can be an ocean full of ghosts who woke up when it’s dark outside and it can also be a reference to all the plastic you can find in our oceans today.» – Nochrh
Ce qui caractérise le plus l’océan, c’est sans doute sa force intarissable, une condition imperturbable à son existence et à sa mythologie même. Peut-être un corolaire sonore aux rythmiques et motifs purement techno qui habitent cet EP, comme sur le brillant morceau éponyme Haunted Ocean, dont la dynamique semble tout simplement inarrêtable.
Le timbre électronique vient toutefois placer l’homme – et ses machines – dans cet espace pourtant hostile, où il n’est pas censé marquer son territoire. Et pourtant… En surface ce sont ces paquebots chargés de conteneurs multicolores pour remplir nos désirs consuméristes; dans l’eau ce sont ces continents de déchets honteux pris dans les courants; dans les profondeurs, ce sont les lourds câbles qui nous permettent de partager nos données personnelles aux quatre coins du monde.
De cette rencontre, Nochrh livre des sonorités parfois sombres et ambiantes, comme sur Ocean Celestial Light, parfois vivaces et angoissantes comme sur Plastic Storm. Deux pièces antagonistes aux premiers abords, et pourtant liées par une même intention, celle d’une exploration.
Heureusement, l’océan conserve son aura presque mystique, celle des explorateurs, celle de la grandeur de la nature, celle d’une fragilité sous-jacente. L’EP se termine avec des spectres sonores d’oiseaux marins se superposant aux nappes électroniques de Greenland Birds. La nature reprend toujours ses droits.
Cette aura océanique qui nous habite encore pousse à protéger notre planète bleue, comme avec l’ambitieux projet The Ocean Cleanup.
À sa manière, Nochrh attire l’oreille sur ce qu’est devenu l’océan, ce qu’il représente. Tout au long de ces cinq pièces, l’efficacité est remarquable, à la fois frénétique et apaisée, à l’image du contraste entre les abysses et les vagues, de la profondeur à la surface.
Cinq morceaux, comme les cinq océans que compte la Terre. Reste à y plonger, y naviguer, y errer…
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Paru le 29 octobre 2018.
- Révision du texte par Sandra.