[Entrevue] Liberation Through Hearing
L’apparition de la nouvelle maison de disques Liberation Through Hearing dans le paysage culturel montréalais se veut une véritable bénédiction. Le désir de bien faire les choses et la curation musicale hors pair infusent une dose rafraichissante d’énergie. Ce magnifique projet, créé en début d’année par la souriante et fort sympathique Gabrielle Gagnon-Fréchet, comblera assurément votre soif de découvertes en matière de musique ambiante et expérimentale.
C’est lors d’un samedi après-midi du mois d’octobre dernier que nous avons eu la chance de nous entretenir avec elle afin de discuter de cette nouvelle étape de son parcours. Sans surprise, c’est dans un parc de la ville que nous nous sommes retrouvé·e·s afin d’instaurer une ambiance propice qui s’alliait avec la vision de l’étiquette. Préparez-vous à faire la découverte d’un projet inspirant qui risque d’occuper une place de choix dans votre cœur au cours des prochaines années si vous adorez ces genres musicaux. Bonne lecture!
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Premièrement, pourrais-tu nous expliquer le cheminement qui a mené à la mise en place de Liberation Through Hearing, est-ce une idée qui germait depuis longtemps dans ta tête?
Oui, ça faisait quand même plusieurs années que j’étais impliquée dans le milieu de la musique et que j’avais envie de partir un label. Je ne trouve pas nécessairement que ça manque, parce qu’il y en a déjà beaucoup en activité, mais les musiciens ne sont pas toujours très bons pour se mettre en évidence et promouvoir leur travail. Je trouvais ça intéressant de pouvoir les aider et faire découvrir leur musique.
Ça faisait donc plusieurs années que j’y réfléchissais et que j’attendais le bon moment. Vous savez, avoir du temps et de l’argent. Nous attendons toujours trop avant de nous lancer, mais c’est à ce moment-là que mon ami Guillaume (Froid) avait terminé son nouveau projet et il m’a simplement dit: «Bon Gab, ça fait assez longtemps que tu niaises, on sort une cassette!». Je me suis alors dit que je n’avais plus le choix, c’est vraiment grâce à lui que ça a commencé.
Lorsque l’on écoute la musique ou lorsque l’on visite le site web de Liberation Through Hearing par exemple, le temps se fige. Il semble y avoir une forme de ralentissement désiré, une certaine contemplation est proposée à l’auditoire. Pourrais-tu nous décrire cet aspect singulier de la philosophie de l’étiquette?
C’est absolument ça. Je trouve que la musique ambiante, le noise ou les choses qui sont moins dans le rythme portent plus à l’introspection et ça font contraste à la stimulation que nous subissons tous les jours. Ce ne sont pas des musiques prévisibles, parfois les pièces durent jusqu’à vingt minutes, c’est donc impossible de savoir à quoi nous attendre. Cela nous force quand même à être plus attentifs en comparaison à une chanson plus pop où nous pouvons deviner inconsciemment la direction vers laquelle tous les éléments se dirigent. Je trouve qu’en général, ces types de musiques apportent un état naturellement contemplatif et c’est ce que je voulais véhiculer avec la plateforme, je vois vraiment ça comme un tout. Il ne s’agit pas uniquement de la musique, il faut que tous les éléments soient cohérents.
L’idée de contemplation, de médiation, c’est vraiment intrinsèque au label. C’est quelque chose qui me touche personnellement. La méditation fait partie de ma vie depuis plusieurs années et ça a beaucoup changé de choses dans mon cheminement. C’est quelque chose que j’ai envie de transmettre. Quand nous assistons à un concert, je pense que le résultat peut être similaire, c’est intériorisant d’écouter de la musique. Ce n’est pas quelque chose qui est nécessairement social. Dans un événement de musique ambiante, normalement nous ne sommes pas là pour discuter avec notre voisin, nous y sommes pour vivre une expérience particulière et je trouve que c’est vraiment apparent à la méditation.
Depuis sa fondation au printemps dernier, tu as déjà lancé quatre parutions sur le label (au moment de l’entrevue). Pourrais-tu nous présenter un peu plus en détail chacune d’entre elles afin que nos lecteurs et lectrices découvrent ces magnifiques projets?
Les trois premiers projets sont parus en même temps. C’était pour lancer le label et donner tout de suite le ton. Je trouvais ça plus facile d’en faire trois en un coup que d’en faire seulement un. Les trois premiers sont vraiment des amis proches. Marc (dull) avait déjà beaucoup de matériel pratiquement terminé donc pour lui c’était aussi une occasion de se lancer.
Matthew (La Naegleria) avait des choses lui aussi , mais c’était un peu moins avancé, donc je l’ai accompagné un peu plus lors du cheminement. Dans le cas de Guillaume, c’est vraiment celui qui m’avait poussé vers la création de l’étiquette. C’est quelqu’un qui est dans la musique depuis vraiment longtemps, très présent dans la scène industrielle. Il avait fondé le festival COMA au début des années 2000. Les styles variaient entre le noise, l’industriel, le techno et l’ambiant et ça se déroulait sur trois ou quatre jours. Pendant plusieurs années, il a fait ça et il était très impliqué. Il a eu un moment d’arrêt dans sa vie, lorsqu’il travaillait à la SAT, durant cette période il ne sortait plus trop de musique. Actuellement, avec Froid, il a vraiment exploré d’autres facettes de ce qu’il pouvait faire musicalement, moins rythmé que ce qu’il faisait auparavant. C‘était également pour lui une occasion de faire quelque chose de plus personnel. C’était assez spécial pour moi de travailler avec lui sur un projet de la sorte.
Dans le cas de dull, il fait une musique vraiment plus jazzy. C’est un pianiste, il fait aussi des trucs plus dansants, c’est aussi un DJ. Il est plus dans le groove, disons, mais avec ce projet-là, il a aimé explorer quelque chose de plus abstrait. Les deux côtés des cassettes ne sont pas vraiment des pièces séparées, nous avons décidé de laisser aller le tout sans interrompre, sans nous dire que telle ou telle partie devrait devenir un morceau. Je trouve que son album coule super bien et le format cassette lui rend bien justice. C’est un médium fait pour ça, il y a moins de limitation de temps qu’avec le vinyle par exemple. C’était super intéressant parce que ça lui a permis d’essayer quelque chose de différent qu’il n’explore pas si souvent.
C’est un peu la même situation avec Matthew, lui aussi a fait un truc qu’il ne fait pas d’habitude. On le connait pour des pièces beaucoup plus noise que ce qu’il a fait avec Naegleriasis. Ça l’intéressait d’explorer la musique ambiante, de travailler avec les loops. Ça lui a donné l’opportunité de faire quelque chose qu’il n’aurait pas nécessairement fait par lui-même. Ce que je trouve intéressant dans les trois cas, c’est qu’ils se sont vraiment prêtés au jeu du label. Quand nous en parlions, ils voyaient déjà ce que le projet représentait pour moi et ils voulaient s’y intégrer avec un certain respect de l’idée. Le processus créatif des trois premières parutions a été vraiment génial, j’étais excitée puisqu’à chaque occasion j’entendais des résultats qui me surprenaient de leurs parts. Au final, je crois que tout le monde était vraiment satisfait.
Après ça, pour le lancement de l’album de T. Gowdy, c’était complètement différent parce que son projet était déjà terminé. Il cherchait une plateforme pour le sortir avant le festival MUTEK, comme il venait d’être choisi pour y jouer. Il tenait absolument à sortir son album avant, car sa performance était basée sur celui-ci. Ce fut un beau hasard parce que j’adore l’album et il se fond vraiment bien avec le label.
L’aspect visuel et photographique entourant le label est très soigné, les cassettes sont magnifiques, il y a de l’amour et de la passion dans ces objets. Pourrais-tu nous décrire brièvement l’idée derrière cette esthétique et les personnes qui en sont responsables? Pourquoi le choix du format cassette? Y a-t-il une possibilité de voir du vinyle pour les prochaines parutions par exemple?
Le design des cassettes et du site web a été fait par ma très chère amie Nina Langel avec qui j’avais fondé Eliptik à l’époque. J’ai totalement confiance en elle et elle sait entièrement ce que je veux transmettre. Le développement de cette idée fut vraiment très naturel. Pour les cassettes, le but était de ne pas avoir une boîte en plastique. Ça ne me tentait pas de présenter juste ça, je trouvais que ça ne représentait pas ma vision. Nous voulions aller plus vers le papier, l’organique. C’est sur que la cassette elle-même, nous ne pouvons pas la changer, mais Nina a travaillé sur un boîtier spécial proposant une esthétique simple. Le résultat est très minimaliste et s’agence bien avec le site web et les textes, il n’y a vraiment pas d’apparat. C’est aussi elle qui a créé le logo, c’est tout son talent qui transparaît là-dedans.
De mon côté, je fais de la photo depuis plusieurs années. À terme, j’aimerais ça que la plateforme soit plus que juste un label de musique. Je vois ça aussi comme une plateforme artistique, je pense que ça va évoluer avec le temps. J’aimerais travailler avec des artistes visuels et des photographes pour faire quelque chose de particulier avec le site web afin que tout le monde qui a une esthétique et des intérêts communs puisse s’y retrouver. Je souhaite que derrière il y ait le même type de réflexion et que ça devienne quelque chose de communautaire.
Le format cassette, c’est évident que c’est parce que c’est beaucoup plus abordable que le disque, mais j’aime aussi la chaleur que ça procure. Je trouve que c’est un beau médium pour le type de musique que nous sortons, que le grain est intéressant, ça ajoute à la musique. Ça permet aussi d’être plus flexible au niveau de la durée, nous pouvons sortir des albums plus longs que sous certaines autres formes. Ce n’est pas du tout le même type de musique que tu peux sortir sur cassette ou vinyle. C’est certain que les vinyles sont dans les plans, c’est la prochaine étape. Cependant, je pense que la cassette restera toujours présente, ça permet de prendre plus de risques aussi.
Je tenais quand même à offrir des sorties physiques et ne pas être un label uniquement digital. J’aime beaucoup les objets, j’aime le fait de posséder quelque chose quand tu achètes de la musique, de le garder chez soi précieusement. Je trouve que le fait d’avoir une collection s’apparente à avoir une bibliothèque. Je trouve cela plus agréable que de l’avoir seulement dans notre ordinateur, c’est un peu impersonnel lorsque ça existe juste dans le virtuel. Pour moi, c’est important d’avoir l’objet physique, d’être dans le réel. Ça va avec toute l’idée derrière le label, d’être dans le moment présent. C’est en lien avec l’aspect méditatif dont nous parlions plus tôt. C’est aussi un peu comme une forme de résistance. Je trouve ça important de ne pas céder à la rapidité du monde, de ralentir. Sortir du digital c’est immédiat, faire des objets nécessite des étapes, de l’attente. Ce n’est pas nécessairement politique, mais tout le devient à un moment donné, les choix que nous faisons le dicte et je trouvais ça important de refléter cet aspect-là.
L’événement de lancement a eu lieu cet été à Glenn Sutton dans un lieu plutôt atypique. Nous sommes d’ailleurs très déçu·e·s d’avoir manqué ça. Pourrais-tu justement nous expliquer ce que nous avons raté? Est-ce que d’autres événements sont à prévoir prochainement?
C’était magique! En fait, c’était chez un ami de longue date qui habite maintenant à Sutton. Il a trouvé une maison à louer dans cette région et sur le terrain il y avait une vieille église. Ça fait un ou deux ans qu’il organise des fêtes là-bas avec son collectif le Néon Rouge, ils font des soirées dans des granges et des lieux spéciaux. Normalement, le style est plutôt disco, funk et house, et ils réussissent à ramener une belle petite foule dans leurs événements. Je trouvais ça génial d’aller dans un rave à Sutton. Les gens du coin semblaient plus heureux, car à Montréal nous sommes un peu blasés de toutes nos sorties. C’est toujours bien organisé, ils font un excellent travail.
C’est lorsque j’étais allé à un de leurs événements qu’il m’avait appris l’existence de cette église. Nous l’avons ensuite visitée et je suis vraiment tombée en amour avec le lieu. C’est une église anglicane de 1870, elle est tout en bois et très bien conservée. La personne qui vivait dans la maison auparavant l’utilisait pour faire des concerts de piano, donc il y en avait trois à l’intérieur, l’ambiance était vraiment spéciale. J’ai tout de suite su que le lancement allait être là. Nous avons coorganisé le lancement. C’était magnifique de pouvoir réunir les gens ensemble à l’extérieur de la ville. C’est une expérience particulière, il y avait une autre approche. Les gens ne venaient pas uniquement au concert et quittaient ensuite, ils savaient qu’ils allaient devoir y passer la nuit, ça forçait tout le monde à se parler. Ça ressemblait un peu à un mini festival qui réunissait beaucoup de monde de diverses scènes. Il y avait vraiment un aspect communautaire à la chose.
Au début, j’avais demandé à plein d’artistes que je connaissais pour savoir s’ils avaient envie de jouer. Je savais que seulement avec les performances des trois premiers artistes parus sur la maison de disques, que ça n’aurait pas été suffisant pour toute une soirée. J’ai donc élargi mes horizons et je me disais que personne n’allait vouloir venir jouer à Sutton, à une heure et demie de Montréal. Finalement, tout le monde a accepté et c’était un peu problématique. Je ne m’attendais pas à ce que tout le monde soit partant et de me retrouver avec sept prestations lives et des DJs! La logistique derrière tout ça fut vraiment intense, mais finalement ça s’est bien déroulé. Nous avions plusieurs problèmes lors des tests de son, mais pendant la soirée tout a bien fonctionné. Bref, c’était magique.
Ça a commencé en soirée avec de la musique plus ambiante, noise et expérimentale. Plus tard, nous nous sommes dirigés vers la techno et ça a duré jusqu’à 7h du matin. Nous avons eu un bon douze heures de musique. La décision de le faire à cet endroit a permis de bien véhiculer la philosophie derrière le projet. Comme je disais, l’aspect communautaire était super important pour moi et le fait d’être en nature aussi, d’avoir cet effet de recueillement. Faire l’événement dans la forêt a permis de créer une connexion particulière entre les gens, il y avait aussi quelque chose de spirituel avec l’église. Je ne suis pas croyante, mais je crois que c’est vital d’être en contact avec une certaine forme de spiritualité. Par exemple, démontrer de la gratitude pour les choses, pour moi c’est plus ça la spiritualité, ce n’est pas de prier, mais plus d’être en communion avec la nature, avec les gens. Faire l’événement dans une église apportait cette dimension-là. Nous nous sentions dans un lieu spirituel, c’était une forme de rituel si on veut. Même si nous ne sommes pas nécessairement croyants, le fait d’entrer dans un lieu de culte, peu importe la religion, apporte immédiatement une ambiance unique. Il y avait un sentiment de respect, de contemplation et de communion.
C’est certain qu’il va y avoir un événement à l’hiver pour souligner les deux prochaines sorties. Ce serait malheureusement impossible d’amener tout le monde à l’extérieur de Montréal en pleine saison froide. Je cherche actuellement un lieu pour ne pas avoir à le faire dans une salle de concert classique, mais ce sera quand même différent de l’église à Sutton, ça, c’est sur. Toutefois, j’aimerais beaucoup refaire un événement à l’extérieur de la ville dans le futur. Malheureusement, cette église n’est plus accessible à cause d’une malchance, c’est une longue histoire, mais mon ami n’y a plus accès et ça m’a rendue très triste d’apprendre ça, mais nous allons trouver un autre lieu. Comme je disais, je trouve ça important de faire des événements atypiques et je crois qu’il y a une demande assez forte. J’ai rapidement vu que les gens cherchaient une excuse pour aller en nature, sortir de la ville.
Tout semble méticuleusement calculé, tout est très minimaliste à l’intérieur de LTH, il ne semble pas y avoir de désir de grandeur ou de popularité, mais simplement de bien faire les choses selon une philosophie très personnelle. Quel genre d’avenir entrevois-tu et quels types de projets réserves-tu à la maison de disque sur le plus long terme?
Comme je le disais un peu tout à l’heure, de devenir une plateforme qui inclut autre chose que de la musique. Toutes ces idées-là de spiritualité, je trouve ça important de les véhiculer et il y a énormément d’artistes et d’artisans qui les partagent aussi et qui n’ont pas nécessairement d’endroit où exposer leur travail. De continuer avec la musique, c’est certain, mais d’élargir un peu les horizons. C’est sur que pour moi c’est la forme artistique qui me parle le plus, dans laquelle je suis le plus impliquée, donc il y a plus de facilité de ce côté-là.
Je ne m’attendais vraiment pas à ce que les gens répondent aussi rapidement et positivement. Je suis vraiment surprise de l’immédiateté que tout cela a eue. Dans ma tête, le développement aurait été beaucoup plus long, mais du fait que des gens comme Eric Quach (thisquietarmy) et William Jourdain (Automatisme) m’écrivent, ça me donne quand même confiance pour la suite. Je pense que les gens comprennent ce que j’essaye de faire et que tout de suite, ils peuvent se voir au travers de ça, que ça les représente bien, c’est très positif. Je trouve ça fantastique qu’autant de gens veulent s’impliquer, que ce soit Nina, les gens lors de l’événement ou encore l’un de mes amis qui travaille sur un vidéo qui sortira éventuellement. Ce n’est pas pour faire de l’argent ou pour que ça leur apporte une certaine visibilité, mais juste par désir de s’impliquer parce qu’ils voient quelque chose dans Liberation Through Hearing. Je suis vraiment touchée par tout ça, de voir tout l’engouement des gens proches de moi et ça me donne de la confiance afin de continuer à travailler fort. C’est sûr qu’il n’y a pas nécessairement de vision de grossir en tant que tel, mais sans doute de vendre un peu plus d’albums!
Comme certains le savent déjà peut-être, tu travailles pour le festival MUTEK depuis deux ans déjà. Est-ce que ce nouveau projet est une manière pour toi de prendre du recul face à un métier qui doit être assez étourdissant et stressant à l’occasion? Est-ce un genre d’exutoire ou de refuge qui te permet de t’exprimer plus personnellement?
Tout à fait. C’est sur que c’est très personnel comme plateforme et comme tu le disais, nous sommes beaucoup dans la surconsommation avec la musique. C’est facile à comprendre en regardant le nombre de festivals qu’il y a aujourd’hui, le nombre d’artistes, de labels, etc. Je ne trouve pas ça négatif du tout, au contraire, je pense que c’est important de continuer à faire de la musique indépendante. C’est aussi une réponse à tous les plus gros noms et tous les gens qui veulent en faire du divertissement et faire de l’argent avec l’art. Tout ça c’est positif et on doit continuer de faire de la musique expérimentale et faire des choses qui ne sont pas nécessairement là pour plaire ou pour être consommé par la masse, je trouve ça vraiment important.
D’un autre côté, je trouve que c’est un jeu dangereux et que de plus en plus souvent ça devient fait strictement pour faire de l’argent. Actuellement, la musique électronique est tellement populaire que nous revenons finalement à faire ce que nous faisions avec la pop, le culte de la personnalité, les trends, etc. Les artistes maintenant, ça coûte une fortune. Ils sont payés extrêmement cher, tant mieux pour eux, mais en même temps je me demande jusqu’où ça va aller. Est-ce que ça va devenir tout simplement mainstream, alors que ce n’était pas ça à la base du tout la musique électronique. Donc, je trouve qu’il y a un peu ce danger-là auquel il faut faire attention. C’est pour ça que c’est important de faire des petits projets qui aident les artistes un peu moins populaires ou les moins grandes communautés et leur donner de la visibilité, parce que c’est aussi tout le temps les mêmes artistes qui ont la chance de tourner.
C’est une réponse à tout ce qui se passe dans la scène et aussi parce que j’avais tout simplement envie de le faire. C’est un peu triste le fait d’être à Montréal et de voir que nous sommes très souvent en train de vénérer les artistes d’ailleurs alors que nous avons une scène super vivante que nous avons de la difficulté à promouvoir. Personnellement, je suis dans les coulisses d’un gros gros événement, c’est très stressant, c’est vraiment beaucoup de travail. Le fait d’avoir un projet où j’ai plus de liberté créative et où je peux vraiment exprimer ce que je pense, c’est libérateur. C’est sûr que quand tu travailles pour un gros événement, tu travailles au nom de l’organisation et ce qu’elle représente, tu ne peux pas te permettre de t’exprimer trop là-dedans, il n’y a pas beaucoup de place pour le faire. J’avais vraiment besoin d’un exutoire créatif à côté pour exprimer les idées que j’ai.
Pour conclure, beaucoup de rumeurs circulent déjà sur ce qui s’en vient en terme de parutions pour Liberation Through Hearing, peux-tu nous donner quelques pistes sur ce que nous devons attendre dans les prochains mois?
La plus récente est celle de Martin Dumais, membre de Aun et de Stärker, qui fait de la musique depuis des années et encore une fois, pour lui, c’est un album solo dans lequel il voulait explorer autre chose. C’est un peu plus techno, mais ça reste quand même ambiant. Il disait vouloir se baser sur des idées techno sans en faire réellement. Il voulait utiliser ces codes-là pour créer autre chose. Ça donne une parution vraiment intéressante, il a adoré l’opportunité d’explorer quelque chose de différent et de se prêter au jeu du label. Il a beaucoup apprécié le fait que ce soit sur cassette, ça l’a inspiré. Il a également enregistré sur un VHS quelques pièces, il a voulu travailler avec l’aspect analogique. Nous sommes vraiment partis du tout début ensemble, de la composition jusqu’à l’album. C’est lui qui m’avait écrit et j’ai immédiatement dit oui.
La prochaine sera la collaboration entre Automatisme et thisquietarmy intitulée Station. C’est la première fois qu’ils font quelque chose ensemble et c’est venu assez naturellement pour eux. Ils se sont rencontrés dans un concert il me semble et en discutant, ils se sont dit que ce serait agréable de faire des expérimentations. Ils ont procédé par échange de musique, Eric a fait plusieurs jams et les a envoyés à William. Il a ensuite travaillé à partir de ce qu’il avait reçu pour faire plusieurs aller-retours. C’est donc de cette manière qu’ils ont créé un EP de cinq pièces. Il y aura aussi un jam de thisquietarmy et une pièce solo de William qui sortiront en pièces bonus, c’est prévu pour décembre. C’est un beau projet, je très hâte de vous présenter ça.
Pour la suite, il y a quelques artistes qui m’ont écrit pour me dire qu’ils étaient intéressés, mais qu’ils n’avaient rien de prêt pour le moment. Ça me surprend à chaque fois que quelqu’un m’écrit, surtout quand ce sont des gens que je ne connais pas du tout, ça me surprend toujours qu’ils perçoivent le label comme quelque chose qui les représente. J’ai aussi plusieurs idées d’artistes que j’aimerais inviter sur la plateforme. Cependant, il n’y a rien de concret encore, mais c’était simplement pour dire que ça va continuer. Concernant le vinyle, j’ai déjà une bonne idée de qui sortirait en premier, mais ce n’est pas encore prêt, pas du tout. Beaucoup de belles choses en perspectives pour 2019!
Merci pour ton temps!
- Photographie par Roxane Tamigneau.
- Révision du texte par Geneviève.
- Transcription du texte par Louis.