[Entrevue + Exclusivité] Namoro – Xtra Caxxia
Après avoir fait leur découverte à l’hiver dernier avec la parution de l’étincelant album Cassia Popée, que nous avions d’ailleurs eu la chance de chroniquer sur le site, qu’elle ne fut pas ma surprise de voir Namoro s’associer avec l’une des maisons de disques que j’affectionne le plus pour leur nouvelle parution. Collaborant avec Grimalkin Records pour la sortie de Xtra Caxxia, le duo parisien nous fait l’immense honneur de présenter ce plus récent EP en exclusivité avec vous! Continuant sur la belle lancée amorcée en février dernier, les deux complices rajoutent à leur univers déjà riche, s’aventurant encore plus loin dans leur énergique poussée d’Intelligent Body Music! Plus entraînante que jamais la musique de Namoro nous offre de purs délires dédiés à la danse sans compromis, mais également des ballades introspectives et vachement envoûtantes! Pour célébrer cette grande journée, nous avons posé quelques questions à Bili et Mascare pour en apprendre davantage sur ce fabuleux projet! Bonne écoute et bonne lecture!
*Il est à noter que les profits des ventes cassettes de Xtra Caxxia seront remis au STRASS (Syndicat du Travail Sexuel)
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Votre nouvel EP Xtra Caxxia propose quatre pièces, deux conçues pour danser les yeux ouverts et les deux autres les yeux fermés. Je trouve cette vision de votre musique enchanteresse et j’aimerais en apprendre davantage sur ce qui vous a poussées à explorer cette dualité entre l’énergie pure et un aspect plus expérimental?
Bili: Cette dualité elle est très spontanée, moi je suis quelqu’un de très rêveur, avec une grande imagination donc j’aime partir en voyage à travers la musique et proposer des titres oniriques un peu en apesanteur. J’aime aussi l’idée du défouloir, d’une musique cardiaque qui vide.
Mascare: J’ai réfléchi au mot “gangue” qui signifie protection d’une matière précieuse, en l’enveloppant ou la dissimulant. L’année qui vient de se passer a mis de côté une activité extrêmement précieuse qui est celle de danser collectivement par exemple en club. Xtra Caxxia c’est comme une gangue c’est quatre chansons qui sont là pour convoquer ou se rappeler cette matière précieuse qu’est la danse ensemble car c’est qui m’a le plus manqué, c‘est vital de pouvoir se retrouver, se rencontrer, s’enlacer sans peur ni crainte.
© Photo: Valentin Curtet
Xtra Caxxia évoque le rêve d’un retour prochain des soirées, d’un réinvestissement des clubs et de la résurrection des pistes de danse. À quoi vous attendez-vous et qu’espérez-vous pour cette reprise? Quels changements aimeriez-vous voir s’opérer au sein des scènes musicales que vous côtoyez?
B: J’espère de belles fêtes avec beaucoup plus de musique live mêlée aux dj sets.
M: Le retour de nos nuits sera je l’espère plus proche des différentes réalités de nos existences, la fête c’est aussi une industrie et moi ce que j’aime c’est les fêtes plus artisanales, je souhaite une fête moins monumentale.
Étant basées à Paris, je me demandais comment vous aviez découvert Grimalkin Records et comment vous aviez commencé à travailler ensemble pour la parution de cet EP?
B: C’est Atypeek Music le label avec lequel on travaille en France qui nous a invitées à contacter Grimalkin; leur catalogue et leur vision nous ont tout de suite séduites, on est vraiment contentes de travailler avec Grim c’est un label précieux. On a créé les quatre titres spécialement pour Grimalkin, on les a envoyés au fur et à mesure de la création et de nos collaborations.
Votre œuvre allie la musique à la poésie. Quelle discipline est arrivée en premier dans votre parcours et comment avez-vous décidé de les jumeler et, incidemment, de créer Namoro?
B: De mon côté c’est d’abord la musique qui a toujours pris une grande place. Je fais vraiment confiance à la voix et à tout ce qu’elle peut transmettre en termes d’émotions. J’ai une grande affection pour la figure de l’aède, qui raconte des histoires en chantant. C’est le mode d’expression qui me convient et me touche.
M: D’abord c’est la poésie qui m’a ouvert la porte de la musique parce que j’écris. Il y a vraiment cette volonté de mettre en chanson des poèmes. Nous voulions relier la poésie à notre époque, et ne pas en faire quelque chose d’hors sol. Nous voulions nous séparer de l’héritage bourgeois et ornemental de la poésie. C’est pourquoi Audre Lorde compte beaucoup dans la matrice de Namoro, et que nous enveloppons les poèmes de musique électronique actuelle. On aime dire qu’on fait de la poésie blingbling.
© Photo: Valentin Curtet
Les enjeux liés à la diversité d’orientations et des identités sexuelles et des genres ainsi que le féminisme font partie intégrante de votre musique. Pour cette parution, vous avez choisi de remettre les profits de la vente de vos cassettes au STRASS, un syndicat du travail sexuel. Est-ce que ce serait possible pour vous d’imaginer votre art sans une forme d’activisme social ou ces deux choses sont indissociables? Pouvez-vous également nous parler un peu du STRASS?
B: Le STRASS est un syndicat pour les travailleur·ses du sexe dont voici le lien: https://strass-syndicat.org/. Il se bat pour les droits et la protection des travailleur·ses, ils et elles ont beaucoup souffert de la crise sanitaire et nous voulions leur apporter notre soutien.
M: C’est ça, moi je suis allée à une manifestation pour les droits du travail sexuel pendant la pandémie. C’est à cette période que Grim nous a demandé à qui nous voulions reverser la vente des cassettes, on a fait notre choix rapidement; on s’est dit aussi que ça permettait de visibiliser leur existence car le travail du sexe est trop souvent considéré comme tabou.
Pour répondre à la première question, je ne dirais pas que nous sommes activistes, nous sommes des artistes et notre activité centrale est de fabriquer de l’art mais dans nos existences, on partage l’histoire d’activisme. Si on peut faire de la musique aujourd’hui en tant que gouines, c’est parce que des personnes avant nous ont lutté pour que notre art soit visible donc on n’est jamais loin d’un travail de mémoire qui est présent dans notre art.
B: Oui je crois que notre musique s’engage à visibiliser des existences, simplement parce qu’on souhaite raconter des histoires qu’on entend rarement, on apporte notre soutien aux personnes minorisées dont on fait partie donc en un sens c’est politique mais comme toute forme d’art en dialogue avec son temps.
© Photo: Valentin Curtet
Plus tôt cette année, vous avez également laissé paraître Cassia Popée, un fantastique album. Après quelques mois de recul, je me demandais quelles étaient vos impressions par rapport à cette sortie en ces temps pandémiques? Est-ce que l’entité que représente Cassia Popée reviendra au sein de l’univers de Namoro dans le futur?
B: Sortir un album dans ces conditions était un peu étrange, nous n’avons pas pu faire entendre en live notre musique et c’est très frustrant. Cependant, on a eu des articles très beaux et précis sur l’univers que nous avons créé et cela nous conforte dans la voie que nous avons prise. Je crois que ce premier album est un début. Nous ne voulions pas attendre trop pour le sortir car nous voulions pouvoir continuer d’avancer dans les projets, nous sommes déjà en train d’écrire et d’enregistrer de nouvelles maquettes.
M: Je suis tout à fait d’accord avec Bili, ce que l’on veut maintenant c’est faire de la scène pour présenter Cassia Popée au public. La chimère Cassia Popée sera toujours à nos côtés, nous travaillons une forme de live avec vj-ing, elle sera donc sur scène. Nous imaginons que le bestiaire queer dont elle constitue la première bête s’étendra avec le temps.
Votre musique représente plus qu’une expérience sonore, devenant plutôt une performance vivante et énergique. Laissons de côté la dernière année et projetons-nous dans le futur. Qu’est-ce qui attend Namoro dans les prochains mois, avez-vous déjà planifié une tournée ou quelques concerts pour partager plus amplement vos deux nouvelles parutions?
M: On est à la recherche active d’une structure de booking pour pouvoir mettre sur pieds un plan de tournée. L’appel est donc lancé! Quelques concerts sont prévus cet été en France, à la rentrée à Londres et nous espérons aussi pouvoir traverser l’Atlantique!
© Photo: Valentin Curtet
En terminant, comme j’apprécie beaucoup Namoro, je suis vraiment curieux de vous demander si vous aviez des recommandations musicales pour nous? Est-ce qu’il y a des artistes que nous devons absolument découvrir?
B: Ritmo Fatale
M: DJ Sextoy
B: GNUČČI
M: Daisy Mortem
B: Myss Keta
M: Little Simz
Merci pour votre temps!
© Dessin: Mims