[Festival] MUTEK (2019) – Jour 2
Expérience 1 @ Esplanade de la Place des Arts
Après un début de journée orageux, sombre et pluvieux, le soleil a fait son apparition juste à temps pour éclairer l’Esplanade, lieu d’accueil de la série Expérience. Pour cette première mouture, le Montréalais Sammy Halimi (Aquaventure) organisateur des événements Zona, avait l’excitante tâche d’ouvrir le bal. Force est d’admettre qu’il a rapidement su captiver l’auditoire avec l’ambiance charmante et éthérée qui se dégageait de sa musique. Ses sonorités dub et groovy ont plu au public qui semblait plus nombreux que lors des éditions précédentes pour capter les premières notes de la scène extérieure.
Accompagnée de ses nombreux instruments, la musicienne argentine Kaleema poursuivait en insufflant un élan d’allégresse sur la foule. Alternant entre synthétiseur, percussions, flute et chant, l’électronique teintée de R&B et de hip-hop se mariait à ravir avec l’atmosphère régnant sur l’Esplanade. Cette entame de soirée ouvrait la voie d’une merveilleuse manière pour laisser place à Uji et Nicola Cruz que nous avons malheureusement ratés alors que nous prenions la direction du X/Visions.
© Photo: Vivien Gaumond – Kaleema
X/Visions @ Théâtre Maisonneuve
La suite se déroulait dans le confort des sièges du Théâtre Maisonneuve. Kazuya Nagaya ouvrait au son des vibrations subtiles et somnambules de bols tibétains, plus de 200, disposés en cercle autour de lui. À l’aide d’échantillons sonores variés, il offrait des harmonies grandiloquentes, rythmées par les lents frémissements des bols. La concentration est fébrile, entre ennui et grâce.
© Photo: Myriam Ménard – Kazuya Nagaya
D’autres instruments peu usuels se présentaient pour la performance de Tim Hecker & Konoyo Ensemble. Dans l’ambiance feutrée, impossible de voir ces instruments à vent et à percussion, conférant une aura mystérieuse à la prestation. Ces sonorités ancestrales, pourtant inconnues, fascinaient dans la correspondance qu’elles offraient aux profondes nappes électroniques. Le spectre auditif était large, autant dans les fréquences que dans la temporalité. En soliste, Tim Hecker nous offrait une pièce drone puissante, avant d’être rejoint par l’ensemble pour un final intense au son de cette flûte fuyante et de ces percussions étouffées. Nous étions ici loin d’un ambiant classique, mais plutôt dans une expérience sonore inouïe!
© Photo: Myriam Ménard – Tim Hecker & Konoyo Ensemble
Nocturne 2 @ Studio des 7 Doigts
Les vibrations de Tim Hecker nous guidèrent doucement vers la deuxième soirée Nocturne où Chloe Alexandra Thompson avait déjà entamé ses fresques sonores. Le duo nous balançait un drone où les lourdes basses imposaient la loi. Même si le rendu était beaucoup plus minimaliste que ce que nous venions tout juste d’expérimenter, l’ambiance détendue de la salle et l’excellente qualité sonore ont rapidement balayé nos récents souvenirs. Le seul regret fut de ne pas avoir pu capter l’intégralité de la performance. À revoir!
© Photo: Myriam Ménard – Chloe Alexandra Thompson
La performance marquante de Lucas Paris en 2017 au festival installait une excitation certaine auprès du public qui était de retour pour le voir à l’œuvre. La foule montréalaise semblait prête pour une nouvelle expérience avec la première mondiale d’Emotional Synthesis, sa plus récente concoction. Après un début tout en finesse qui semblait inquiéter le parterre, une gamme délirante d’émotions s’est finalement déversée sur nous. Lucas nous présentait un véritable labyrinthe neuronal où nous devions faire une intéressante gymnastique cognitive pour défricher les visuels éclatés qui étaient jonchés de sonorités décapantes.
Efficacité pure, originalité à son maximum, un travail tout simplement génial. Impossible de demander mieux pour mettre la table au projet du tant attendu Ash Koosha. La fin du concert s’est soldée par un attroupement monstre près de la scène pour comprendre ce que le musicien venait de nous servir, j’ai rarement vu autant d’intérêt de la part du public après une prestation. Chapeau!
© Photo: Myriam Ménard – Lucas Paris
Éclectisme total, délire psychotique, folie qui s’approche du génie, à quoi devions-nous nous attendre de la performance d’Ash Koosha, ou plutôt de YONA, c0-création du producteur iranien? C’est avec beaucoup d’appréhension, mais aussi peu d’attentes que nous nous embarquions dans cette odyssée, prêts à nous laisser guider dans toutes les directions que l’intelligence artificielle allait emprunter. Quelques minutes suffirent pour capter l’étourdissement collectif en vue.
Alliant des passages plus sombres et introspectifs à des élans d’extases qui flirtaient avec les horizons de la techno-pop, la voix synthétisée de YONA était omniprésente durant la prestation. Bien que l’ambiance était à la fête, la foule se séparait en deux avec la moitié du parterre où les gens étaient assis et les autres qui profitaient du tempo élevé et des rythmiques plutôt généreuses. Bien que le succès de la présentation semblait mitigé et qu’une apparition d’Ash Koosha en fin de spectacle aurait pu aider à conquérir la foule légèrement sceptique, le MUTEK se démarque encore en nous permettant d’assister à des expérimentations de la sorte.
© Photo: Myriam Ménard – YONA (Ash Koosha)
Le clou du spectacle était incontestablement l’excentrique duo américain Matmos. Attendu de pied ferme après plusieurs années d’absence à Montréal, il n’aura fallu que de quelques phrases pour mettre les festivaliers dans sa poche. Charismatique à souhait, teinté d’humour noir et surtout brutalement efficace. La sélection de morceaux tirée majoritairement de leur plus récent album Plastic Anniversary représentait une leçon d’authenticité et de créativité musicale.
Chaque titre était élaboré à partir de différents objets de plastique tous plus loufoques les uns que les autres. La plupart des sons étaient majoritairement échantillonnés en direct par l’un des deux comparses et ensuite remodelés pour générer une totale euphorie. Une panoplie de sourires émanait de l’assistance et les yeux ronds envahissaient la salle. Nous venions d’assister à l’une des performances les plus extravagantes et réussies de MUTEK au cours des dernières années. Comment se fait-il que nous n’avions pas entendu parler de ce projet avant le dévoilement de la programmation? Cela demeurera un mystère…
© Photo: Myriam Ménard – Matmos
À voir lors du Jour 3:
- La série Play se met en branle avec une prestation très attendue du montréalais Adam Basanta.
- Les deux performances A/Visions mettant en scène Ryoichi Kurokawa d’abord et 404.zero. Ils sont talentueux et leurs nouveaux projets respectifs alléchants.
- L’improvisation, pendant six heures (!), des artistes et leurs machines qui se cachent derrière Circle of Live. Tout un voyage sonore!