[Festival] MUTEK (2019) – Jour 4
Impossible de faire autrement en entamant cet article que de rendre hommage à un artiste que l’équipe de Mes enceintes font défaut portait dans son cœur, le regretté Marc Bartissol (dull) qui nous a quitté·e·s durant cette édition de MUTEK et qui jette un ombre sur l’ensemble du festival. Les planchers de danse montréalais ne seront certainement plus les mêmes sans lui. Nos pensées vont à toute sa famille et ses ami·e·s proches.
Expérience 3 @ Esplanade de la Place des Arts
L’Américain et nouvellement Montréalais Thomas Cowley se voyait décerner la première plage horaire de l’Expérience 3. Son projet, du nom de BYZ, proposait une introduction beaucoup plus intense que celles entendues dans les journées précédentes sur la scène extérieure. La cadence élevée fut parfaite pour nous mettre dans l’ambiance en ce début de journée. Fusionnant une multitude de styles pour rendre un résultat plutôt unique et toujours un peu glitchy. Cette mise en bouche nous a certainement donné envie de le revoir. Les occasions devraient être nombreuses alors qu’il vient tout juste de s’établir dans la métropole.
© Photo: Vivien Gaumand – BYZ
A/Visions 2 @ Théâtre Maisonneuve
Pour le deuxième volet de la série A/Visions, la prestation de loscil nous emmenait dans un univers monochrome onirique. Sa musique atmosphérique trouvait l’écho parfait dans les nuages défilant en accéléré derrière lui. Au fil des chapitres à la numérotation non linéaire, les textures et motifs évoluaient d’un élément à l’autre dans une belle cohérence esthétique pour un captivant voyage ambiant.
La soirée se poursuivait avec Times Machines du légendaire Drew McDowall qui nous offrait un drone puissant et méditatif, soutenu par les visuels hypnotiques de Florence To. Entre verticalité et horizontalité, des jeux de contrastes aux formes mouvantes abstraites nous plongeaient dans un univers saisissant qui accompagnait parfaitement les expérimentations modulaires du musicien écossais. L’immersion, autant visuelle qu’auditive, trouve un point d’équilibre entre douceur et brutalité.
© Photo: Bruno Destombes – Drew McDowall & Florence To
Motion 1 @ Studio des 7 Doigts
Retour au Studio des 7 Doigts pour accueillir le premier volet de la série Motion en ce vendredi soir qui s’annonçait complètement euphorique dans les diverses salles du MUTEK. L’ouverture de la soirée était allouée au producteur mexicain Luis Berrón (Nueve Vidas) accompagné de son acolyte Rimiyoho pour la présentation de la première canadienne de leur spectacle Organismos Oníricos. Arrivé avec un peu de retard alors que je devais me remettre de l’expérience sensorielle que je venais de vivre avec Drew McDowall et Florence To, le set du duo ne faisait que de commencer.
Dès les premières notes, on captait toute l’étendue du talent des protagonistes. Les sonorités modulaires étaient riches et bien travaillées alors que les visuels démontraient beaucoup de créativité et d’originalité. Il s’agissait d’un véritable voyage alors que la construction des morceaux créait d’énormes montées pour exciter la foule et ensuite la propulser dans cet univers modulaire texturé et déjanté. Il s’agit sans aucun doute d’un des moments forts du festival parce que les performances alliant autant de singularité et d’efficacité furent plutôt rares! C’est un projet à suivre de près dans le futur alors que les créations de Nueve Vidas sont déjà très intéressantes sur album.
© Photo: Bruno Destombes – Nueve Vidas & Rimiyoho
La Montréalaise Ouri poursuivait avec sa deuxième présence au MUTEK Montréal et certainement pas sa dernière. Je n’ai malheureusement pas pu rester durant l’intégralité de son set alors que la techno emplie de drones de Lotus Eater m’appelait vers le MTelus. Les quinze minutes que j’ai su capter furent fidèles à mes attentes. La productrice frappe toujours dans le mille avec sa fusion de R&B et d’électronique vaporeux qui a su captiver la foule. J’ai quitté la salle juste après la fin de mon morceau favori Escape, issu de son EP We Share Our Blood. Je suis certain que la fin de sa prestation fut tout aussi plaisante!
© Photo: Bruno Destombes – Ouri
À mon retour dans la fournaise du Studio des 7 Doigts, c’était maintenant au tour du très versatile GAIKA de faire entendre ses compositions. La foule, très nombreuse, était certainement excitée par la venue du Britannique. L’ambiance était explosive lors des moments plus énergiques de la prestation du producteur/rappeur, mais l’auditoire semblait se désintéresser plus le set progressait alors qu’il y eut quelques passages à vide. La soirée ayant pris du retard, le festival dû avertir GAIKA à plusieurs reprises de terminer le plus rapidement possible afin de laisser la scène à Sinjin Hawke & Zora Jones qui avaient la lourde tâche de clore la soirée. L’artiste fut têtu et semblait énervé de devoir couper court, mais il était effectivement plus que temps que ça arrête.
© Photo: Bruno Destombes – GAIKA
Arrivons au moment le plus fort de la soirée alors que dès que le duo mit les pieds sur scène, l’euphorie monta. L’agitation était à son comble pour le début de la prestation tant attendue, du moins pour ma part, de Fractal Fantasy. Nous avons eu droit à une performance qui restera gravée dans l’histoire du MUTEK pour longtemps. Accompagnant sa musique avec son système de motion capture, le duo nous plongea dans une atmosphère surréelle et futuriste. Leur musique expérimentale et grime très vigoureuse nous a permis de danser du début à la fin de leur set laissant également place à des moments de pure folie où les spectateurs perdaient le contrôle de leurs corps devant tant d’intensité.
Sinjin Hawke & Zora Jones auront éclaté le couvre-feu de 3h pour terminer cette expérimentation inouïe. Il aurait été téméraire de l’équipe du festival d’arrêter l’élan des deux complices alors que la foule s’abreuvait des compositions et des projections à la fois excentriques et débauchées. Coup de cœur ultime jusqu’à présent au MUTEK et, je ne crois pas être le seul à le penser alors que j’ai même observé des gens entonner les paroles de quelques-unes des chansons du duo!
© Photo: Bruno Destombes – Sinjin Hawke & Zora Jones
Insurrection @ Satosphère
Légère bifurcation du programme principal afin de voir le nouveau projet de la talentueuse Line Katcho dans le dôme de la SAT. Fidèle à son habitude, elle nous décoiffe avec deux pièces d’une quinzaine de minutes chacune. Les montées d’adrénaline de son électro-noise nous poussent au bord du gouffre. Les visuels tridimensionnels sont de parfaite connivence avec ce que les haut-parleurs nous balancent. Hypnotique, surprenant et parfois même agressif. Une performance qui rappelait évidemment ce qu’elle nous avait servi pour la série A/V l’an dernier au festival, mais dans un contexte beaucoup plus immersif et physique. C’était un détour qui en valait entièrement la peine!
© Photo: Ashutosh Gupta – Line Katcho
Nocturne 4 @ MTelus
La salle était presque vide lorsqu’un spectre à contre-jour lançait le set de CMD, directement puissant. Rapidement la foule investissait le devant de la scène pour vibrer au rythme de la techno lourde offerte par la Montréalaise. Impossible de ne pas succomber aux pulsations effrénées agrémentées de textures tout aussi cadencées, elle signait là un set redoutable alors que les stroboscopes se faisaient plus frénétiques. Cela aurait pu durer encore longtemps, mais il fallait y être tôt, les festivalier·ère·s hâtifs furent récompensé·e·s!
© Photo: Vivien Gaumand – CMD
Rapide changement de plateau pour découvrir une lente et longue intro noyée dans les basses larges, le duo Lotus Eater prenait le temps d’installer ses ambiances, avant de monter le tempo et d’inaugurer une rythmique teintée de nappes réverbérées. Dans un rouge intégral, le MTelus vibrait du plancher au plafond tant la musique reposait sur des basses électroniques rondes, comme ouateuses.
Lucy et Rrose trouvaient un rythme plus acéré après plusieurs pièces moins directes. La scénographie par Diagraf intensifiait visuellement la cadence électronique. Alors que le parterre se déhanchait et se gonflait, la structure géométrique s’animait de projections rendant la performance de plus en plus de dansante et captivante.
© Photo: Vivien Gaumand – Lotus Eater
Le suivant, et non le moindre, à fouler les planches de la Nocturne 4 était le suédois Andreas Tilliander. C’est sous son pseudonyme TM404 qu’il s’était donné pour mission de conquérir le public québécois. Affichant un large sourire aux lèvres en faisait déferler sa techno acidulée sur le parterre, il semblait prendre un réel plaisir à se produire sur scène. Sa fougue débordante et la transe qu’il parvenait à générer dans l’assistance rappelaient instantanément l’ambiance qui régnait lorsque Barac avait mis le Métropolis dans sa poche en 2016. Les basses vrombissantes dictaient le mouvement des danseurs et danseuses et ses fameuses machines rétros s’occupaient du reste. Une prestation purement efficace qui n’offrait pas toute la gamme d’émotions généralement présente dans ses productions studio, mais qui avait le mérite d’être claire. Andreas était là pour nous faire bouger et c’était mission accomplie!
L’annulation de Blawan n’aura pas fait que des malheureux. Au pied levé, Veronica Vasicka s’emparait de l’audience déjà assourdie de toute cette mécanique techno pour elle aussi distiller ses motifs électroniques séduisants et variés, mais surtout teintés de basses profondes aux tempos intarissables.
© Photo: Vivien Gaumand – TM404
À voir lors du Jour 5:
- L’ambient dense et désolé de Huerco S. lors du Motion 2.
- La présence de l’Ensemble d’oscillateurs dans le cadre du Play 3.
- Akiko Nakayama et son incroyable et grandiose Alive Painting au Play 3.