[Mix] The Marquis
Pour ce dernier mix, j’ai le plaisir de vous présenter un bon ami à moi, Dillon Steele, membre solo de son projet industriel The Marquis, qui a sorti, en janvier, son tout premier LP The Suburbs Dream of Bloodshed sur le fameux label de techno berlinois aufnahme + wiedergabe. Il nous propose ici un mix de deux heures à mi-chemin entre l’électroacoustique et l’industriel entièrement basé sur l’œuvre de Chu Ishikawa connu, entre autres, pour la bande sonore du film culte d’horreur japonais Tetsuo: The Iron Man (1986).
Pourrais-tu, d’abord, nous parler du processus créatif et de la genèse du mix?
Je ne me suis jamais vraiment considéré comme un DJ. J’adore la musique et j’en possède énormément, mais de me rappeler de sélectionner des morceaux n’a jamais été mon point fort. Pour créer ce mix, j’avais besoin d’un concept ou, au moins d’une bonne raison, comme une occasion spéciale, et cette idée de rendre un hommage personnel à Chu Ishikawa me traînait derrière la tête depuis un long moment. J’admire, idéalise et fantasme depuis des années sur ce monde tordu et métallique créé par Tsukamoto et Ishikawa. Je voulais donc honorer Ishikawa, artiste qui a eu une grande influence sur moi ainsi que mes conceptions de la musique et de la performance, et qui est selon moi l’un des plus brillants compositeurs de musique industrielle du XXe siècle, malgré qu’il ait été peu reconnu à l’extérieur du Japon.
Comment décrirais-tu ta relation à Tetsuo: The Iron Man et à la culture japonaise en général? Comment influencent-ils ta pratique?
Et bien, comme plusieurs peuvent s’en douter compte tenu de mon pseudonyme en ligne, le film Tetsuo: The Iron Man de Tsukamoto a évidemment eu un grand impact sur moi. La première fois que j’ai vu ce film, il a plus ou moins changé la façon dont je perçois le monde humanisé. Le métal, les fils, les machines, et leurs composantes qui tournent, grincent et se transforment, autant dépendants des humains qui les ont façonnés que les humains dépendent d’eux. Cette relation malsaine de co-dépendance hautement érotisée entre l’humain et la machine que Tsukamoto dépeint à l’écran ne ressemblait à rien de ce que j’avais pu voir ou même penser auparavant, et par-dessus le tout, il y avait ces rythmes agressifs et mécaniques de Chu Ishikawa hurlant en arrière-plan, nous forçant à endurer ce purgatoire métallique issu de l’esprit des deux artistes se heurtant dans un même rêve industriel tordu. Je voulais devenir Tetsuo et ne faire qu’un avec la machine moi aussi, que mon sang soit remplacé par de l’essence et ressentir les bouts de métal percer ma peau. Pour quelque raison que ce soit, c’est un idée qui a immédiatement résonné en moi. Pour ce qui est de la culture japonaise, elle a aussi été une source constante de fascination et d’inspiration pour moi, spécialement en ce qui a trait à l’aspect visuel de ma pratique. Il y a quelques années, j’ai tenté de faire (de manière assez crue, mais au meilleur de mes capacités) une performance inspirée du Kabuki lors d’un spectacle, et j’ai depuis trouvé, dans le Butoh et le Noh, une source d’inspiration pour mes vidéoclips, mes pochettes d’albums et l’aspect visuel général de ma pratique. Et c’est sans mentionner les arts visuels japonais modernes, mais encore une fois, je dois m’arrêter à un moment pour le lecteur… Il y a tellement d’éléments de cette culture que je trouve incroyables à plein de niveaux, toutefois, je dois dire que j’ai toujours fait très attention à la manière dont je choisis d’exprimer mon inspiration, et j’ai toujours essayé de le faire de manière subtile. Parfois, il est mieux d’apprécier certaines choses en privé plutôt que de le crier à tout le monde.
© Photo: Caroline Bonard
Tu viens de sortir ton premier LP sur aufnahme + wiedergabe après avoir déménagé à Berlin de Montréal. Comment cette ville a-t-elle rempli tes attentes? Surtout que tu y as déménagé en pleine pandémie.
C’est une question difficile. Je suis devenu fou de Berlin quand je m’y suis arrêté pour la première fois en tournée, en 2018. J’y ai vécu des moments très intéressants et j’adore encore cette ville, mais c’est certain qu’elle est complètement différente d’avant la pandémie. Je sens que je n’ai pas vraiment eu la chance de m’imbiber de sa culture et j’ai honnêtement très hâte de le faire. C’est un drôle de sentiment de s’être finalement installé dans la capitale mondiale de la musique et de ne pas pouvoir assister à un show live… Mais malgré tout ça, j’ai réussi à y aboutir durant cette année de merde et à de sortir un album avec le meilleur label que j’aurais pu espérer, donc je ne suis pas trop à plaindre non plus. Les choses ne font que s’améliorer depuis que je suis ici et la ville continue sans cesse de me donner des raisons de rester et c’est ce que je compte faire.
Merci pour ton temps!