[Recommandation] Lakker – Época
Telle une déviation dans l’expérience subjective du réel, la musique du duo irlandais Lakker se révèle comme un véritable électrochoc. Au fil des dix pièces de leur dernier album Época, paru sur R&S Records, notre conscience est prise malgré elle d’une impression de dérèglement dans son fonctionnement habituel.
Ce qui frappe de prime abord, c’est la présence de chants dans quelques compositions, Shoulder To The Bats en ouverture et Dropped Shoulders plus tard. Les voix s’inscrivent alors comme des nappes, s’infiltrant telles des incantations chamaniques dans une fresque magnétique. Elles lient ainsi le rythme hypnotique à une dimension plus méditative de l’écoute.
Cette invitation à la transe n’est qu’un début, les cycles de percussions électroniques s’enchaînent, délivrant des rythmiques ahurissantes dans les trois pièces suivantes. 100 Bar, Nest, et le sublime A Juggling Of Numbers développent chacune une construction au bord de la rupture par la répétition intense et minimaliste de sons percutants et à tendance obsessionnelle. Impossible d’échapper à cette spirale, l’esprit a déjà basculé de l’autre côté de la barrière du réel.
Tout au long de l’album, l’écriture du duo se révèle remarquable. La perception est prise entre deux univers d’ondes sonores: celles saturées comme un arrière-plan toujours actif; associées à d’autres plus aériennes, dynamiques, diverses. Une superposition conduisant à un sentiment parfois plus mélodique et lumineux, toutefois balancé par les rythmes décalés, les explosions plus obscures et les réverbérations altérées qui s’entrelacent, avec comme point d’orgue le lourd morceau final Discourage It All.
En plus des synthétiseurs modulaires, Época compte différents instruments – violon et bodhrán notamment – ainsi que des enregistrements d’archives. Il en résulte ainsi une techno complexe qui se vit davantage comme une puissante expérience vibrante que comme un exutoire purement dansant.
Il y a ainsi une rupture dans Época. Un duo de temporalité. La déviation euphorique d’abord, puis l’errance inconnue qui découle de cette altération. Comme si une fois entré en transe, le réel se révélait à nouveau, mais plein de distorsions, avant de finalement se détruire dans un acouphène.
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Paru le 15 mars 2019 sur R&S Records.
- Révision du texte par Sandra.